Martin Schulz a annoncé jeudi 24 novembre à Bruxelles qu’il ne briguerait pas de troisième mandat à la présidence du Parlement européen. | EMMANUEL DUNAND / AFP

C’est la fin d’un long suspense qui aura tenu en haleine les milieux bruxellois pendant de longs mois : le président du Parlement européen, Martin Schulz, a annoncé jeudi 24 novembre qu’il ne briguerait pas de troisième mandat (son deuxième s’achève le 17 janvier 2017) et poursuivrait sa carrière à Berlin.

Le social-démocrate veut briguer un mandat de député dans le Land de Rhénanie-du-Nord - Westphalie en vue des prochaines législatives allemandes de 2017. A 60 ans, ce natif de l’ex-RFA n’a jamais occupé de fonctions politiques ou exécutives en Allemagne, hormis un mandat de maire de la petite ville de Würselen, proche d’Aix-la-Chapelle.

Son nom est revenu avec insistance ces dernières semaines pour remplacer Frank-Walter Steinmeier alors que le ministre des affaires étrangères allemand doit devenir president de la République fédérale d’Allemagne en février 2017. On a aussi parlé de lui pour prendre la tête du SPD en vue des élections fédérales de septembre 2017. Mais M. Schulz n’a pas souhaité confirmer ces rumeurs, jeudi.

Hésitations jusqu’à la dernière minute

Elu député européen en 1994, ce libraire de formation a gravi, avec pugnacité et grâce à de réels talents oratoires, tous les échelons de l’hémicycle. Il en devient président une première fois en 2012, et est parvenu à se faire réélire en 2014.

M. Schulz part probablement avec un peu de regret : il a semblé hésiter jusqu’à la dernière minute à quitter Bruxelles ; ses troupes étaient encore dans l’expectative mercredi 23 novembre au soir. Mais son départ semblait de plus en plus inévitable depuis quelques jours, les élus PPE de Strasbourg exprimant désormais ouvertement leur contrariété à l’idée qu’il reste deux ans et demi de plus en poste.

Cheville ouvrière de la grande coalition PPE- sociaux démocrates du Parlement mise en place en 2014 pour neutraliser les élus eurosceptiques entrés en force dans l’hémicycle lors des élections européennes, M. Schulz est un fervent européen, fédéraliste qui ne manque jamais une occasion de la défendre. Il est très proche du chrétien-social Jean Claude Juncker, président de la commission européenne, qui militait ouvertement pour qu’il reste à Bruxelles.

Un élu PPE pour lui succéder ?

Tout le monde au Parlement européen reconnaît qu’il a beaucoup fait pour la visibilité de l’institution, n’hésitant pas à s’imposer dans tous les rendez-vous au sommet, à intercéder lors de chacune des grandes crises qu’a vécue l’Union (tout récemment il a contribué à éviter l’abandon du Ceta, l’accord de libre-échange avec le Canada). Mais sa propension à « être toujours sur la photo », en irritait aussi plus d’un et surtout, beaucoup d’élus sociaux démocrates et Verts à Strasbourg l’accusent d’avoir étouffé le débat démocratique en interne en poussant systématiquement les feux de la « grande coalition ».

Qui sera son successeur ? Selon un accord non écrit entre les deux principaux partis du Parlement, le Parti populaire européen (PPE, conservateur) et le Parti social-démocrate, c’est un élu PPE qui devrait remplacer M. Schulz, ce parti étant arrivé en tête lors des dernières élections européennes de 2014.

Guerre des chefs à venir

Plusieurs noms circulent déjà pour le remplacer. Le député européen LR Alain Lamassoure (par ailleurs soutien d’Alain Juppé) n’est pas officiellement candidat, mais fait discrètement campagne depuis l’automne. Il connaît très bien la « maison », et plusieurs sources parlementaires estiment que ses opinions modérées lui permettraient d’obtenir suffisamment de voix à gauche voire du côté des Verts pour être élu. Mais M. Lamassoure n’a pas le soutien de l’ensemble des Francais du PPE à Strasbourg et surtout, il lui manquerait celui des Allemands, incontournables au Parlement dont ils contrôlent la plupart des postes stratégiques.

Ces derniers jours revenait en boucle le nom de Manfred Weber, chef de file du PPE à Strasbourg. Le jeune élu de la CSU bavaroise n’est officiellement pas candidat, mais disposerait du soutien de son groupe.

L’Italien Tajani, ancien commissaire à l’industrie sous Barroso, et proche de Berlusconi, fait lui aussi campagne mais sans soutiens évidents, beaucoup en interne lui reprochant de n’avoir pas été assez actif pour éviter le scandale des émissions polluantes truquées de Volkswagen.

L’Irlandaise Mairead McGuiness serait aussi sur les rangs. L’ancienne journaliste jouit d’une excellente réputation à Strasbourg, mais certains s’inquiètent déjà de la voir trop proche des intérêts britanniques dans la perspective du Brexit.

Cette guerre des chefs à venir pourrait relancer la question de l’équilibre des forces politiques à Bruxelles : si c’est effectivement un conservateur qui remplace M. Schulz, le PPE cumulera les trois postes-clés de l’Union, avec M. Juncker à la Commission et l’ancien premier ministre polonais Donald Tusk a la tête du Conseil. Les sociaux-démocrates risquent de réclamer un lot de consolidation avec son corollaire : un jeu probable de chaises musicales bruxello-bruxellois.