Une étude fait état d’un « glissement droitier » de l’électorat français depuis un an
Une étude fait état d’un « glissement droitier » de l’électorat français depuis un an
Par Jean-Baptiste de Montvalon
Les électeurs potentiels de François Fillon sont plus attachés au libéralisme économique, plus sensibles aux thématiques identitaires et moins portés à la défense de l’Etat-providence que ceux d’Alain Juppé, selon Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS.
Nicolas Sarkozy etFrançois Hollande aux côtés d’Alain Juppé et de François Fillon, le 11 janvier 2015, à Paris. | Pascal Rossignol / Reuters
Une droitisation aussi bien économique que culturelle : telle est la direction vers laquelle tendraient l’électorat français dans son ensemble et celui de la droite en particulier, de manière très accentuée parmi les électeurs potentiels de François Fillon. Ce sont les principaux enseignements d’une analyse rendue publique vendredi 25 novembre par The Conversation, un média en ligne qui publie des articles écrits par des chercheurs et universitaires. Directeur de recherche au CNRS, Luc Rouban est l’auteur de cette étude, intitulée « la droitisation des valeurs de la droite française ».
Son analyse s’appuie sur les résultats des vagues 1 (novembre 2015) et 8 (novembre 2016) de l’enquête électorale menée par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), en collaboration avec Le Monde et réalisée par Ipsos-Sopra Steria. Pour mesurer cette « droitisation », M. Rouban a utilisé trois indices, évalués de 0 à 3, en croisant à chaque fois les réponses apportées à différentes questions et en ne retenant que les niveaux 2 et 3.
Le premier indice évalue le degré de libéralisme économique des personnes interrogées sur la réduction du nombre de fonctionnaires, la confiance qu’il convient d’accorder aux entreprises, et la baisse du salaire minimum ; le deuxième indice mesure leur souhait de défendre l’Etat providence en renforçant les budgets de l’assurance-maladie, de l’assurance-chômage et des aides sociales. Le troisième indice est « identitaire » et permet, selon le chercheur, de « mesurer la demande de fermeture nationale » : il est obtenu en croisant les réponses des sondés à des questions portant sur le nombre d’étrangers autorisés à résider en France, de réfugiés et de demandeurs d’asile, et sur le nombre d’expulsions d’immigrés clandestins.
Analyse comparée des électorats
Sur la base de ces critères, M. Rouban observe « un glissement “droitier” » en un an dans toutes les catégories auxquelles il les applique. C’est le cas, en moyenne, parmi les 15 825 personnes qui ont répondu aux deux vagues de l’enquête : l’indice de libéralisme économique progresse très légèrement en un an (15 en novembre 2016, 14 en novembre 2015, soit +1 point), de même que la « demande identitaire » (63/60, + 3), tandis que l’indice de défense de l’Etat providence diminue sensiblement (24/20, -4).
Une tendance similaire, mais avec des valeurs logiquement plus fortes, est observée au sein de l’électorat de droite dans son ensemble (3 873 personnes), compris ici comme « celles et ceux qui ont voté au moins deux fois pour un candidat ou une liste de la droite parlementaire (LR, UDI ou Debout la France) au premier tour de l’élection présidentielle de 2012, aux européennes de 2014 et aux régionales de 2015 ».
L’autre enseignement de cette étude, publiée à 48 heures du second tour de la primaire de la droite, concerne l’analyse comparée, selon ces mêmes critères, des électorats potentiels de François Fillon (1 592 personnes) et d’Alain Juppé (1 933 personnes). En un an, ces deux sous-échantillons – constitués a posteriori de ceux qui ont déclaré « aimer » particulièrement l’un ou l’autre de ces candidats – ont suivi le même « glissement droitier » que le reste des électeurs.
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Durée : 05:37
Ce qui les distingue est une différence notable dans les valeurs attachées à chaque indice. L’électorat potentiel de M. Fillon est nettement plus favorable au libéralisme économique que celui de M. Juppé (43 contre 34 en novembre 2016). Il est bien plus porté par une demande identitaire (77 contre 66) et (encore) moins désireux de défendre l’Etat providence (10 contre 13).
On retrouve dans ces quelques chiffres les caractéristiques de la ligne politique suivie par M. Fillon. Et dans le « glissement droitier » observé en un an dans toutes les catégories de l’électorat l’une des probables raisons de son succès au premier tour de la primaire.