Rebondissement au procès des subventions pour la création de gîtes ruraux en Corse
Rebondissement au procès des subventions pour la création de gîtes ruraux en Corse
Par Jacques Follorou
L’un des prévenus a dénoncé le rôle de deux chargés de mission du député Paul Giacobbi.
Le procès, à Bastia, de l’affaire dite des « gîtes ruraux » a été le théâtre d’un rebondissement vendredi 25 novembre, accréditant un peu plus la véracité des soupçons de détournement de fonds publics qui pèsent contre Paul Giacobbi. Ce système frauduleux d’attribution de subventions, entre 2007 et 2010, aurait profité au député (apparenté radical de gauche), alors qu’il présidait le département de Haute-Corse.
Au cinquième jour d’audience, Jacques Costa, maire de Moltifao, président de la commission du monde rural de 2008 à 2013, l’un des vingt-quatre prévenus, a dénoncé le rôle central joué par les deux chargés de mission de M. Giacobbi au sein de son cabinet au conseil général. Les noms de Dominique Domarchi et d’Augustin Dominique Viola, véritables éminences grises, n’ont pas été cités mais ils furent les seuls à occuper ces fonctions auprès de M. Giacobbi, aussi bien au département qu’à la collectivité territoriale de Corse.
« Logique électoraliste »
« La liste [des bénéficiaires] se faisait dans les bureaux du cabinet », a déclaré M. Costa, selon qui même « les parapheurs » passaient entre les mains des deux proches conseillers. Selon lui, à partir de 2008, les élus n’avaient plus aucun pouvoir, pas plus que les responsables administratifs, dont Jean Leccia, assassiné en mars 2014, n’avaient de marge de manœuvre, « ils n’obéissaient qu’aux ordres ». Les membres de sa commission devaient juste venir le jour de la session pour que le quorum soit atteint. « Je l’ai vécu, a-t-il assuré. Il ne fallait pas toucher aux dossiers des gîtes. »
Les aides, versées avant toute vérification, ne faisaient l’objet d’aucune publicité. « Sa semi-clandestinité, dit l’ordonnance de renvoi, la réservait dans une logique purement électoraliste à une caste d’élu, à leurs affidés, voire au premier cercle des soutiens de Paul Giacobbi ainsi qu’à des proches du personnel du conseil général. » Pour sa défense, M. Giacobbi a affirmé que « l’administration a failli » et que sa signature a été imitée. Selon la justice, cette fraude a coûté 494 374 euros à la collectivité locale.
« Faire le lien avec les élus »
M. Costa est lui-même poursuivi pour avoir facilité l’obtention de trois subventions dont une à sa propre belle-sœur. Lors de l’instruction, il avait expliqué que la commission du monde rural se réunissait pour approuver l’octroi des aides financières mais que ses membres ne consultaient jamais les dossiers qu’ils validaient « à l’unanimité ». M. Costa admettait même que sa commission « ne servait à rien ».
Des deux chargés de mission visés par M. Costa, seul M. Viola est encore en vie. M. Domarchi a été assassiné en 2011 dans des conditions encore non élucidées. M. Viola, dit « Mimi », qui a secondé M. Giacobbi dans toutes ses fonctions de 1998 à 2015, a été entendu sous le statut de témoin assisté et n’a pas été renvoyé devant le tribunal. Lors de l’enquête, il a assuré n’avoir aucun pouvoir administratif, son travail consistant « à faire le lien avec les élus ». Pour cette tâche, disait-il, M. Domarchi s’occupait de la côte orientale et de Bastia, et il était chargé du centre de la Corse et de la Balagne.
Il indiquait, enfin, ne pas comprendre que le cabinet de M. Giacobbi soit accusé de décider des attributions de subventions. Il jurait n’avoir jamais vu passer « un seul parapheur ». Le magistrat instructeur justifiait, dans l’ordonnance, l’absence de poursuite à l’encontre de M. Viola par le fait que sa « signature ne figure sur aucun acte et qu’aucun témoignage ne [le] met directement en cause ». Interrogé sur sa confession tardive, M. Costa a répondu, vendredi, qu’il aurait « bien voulu le faire » mais qu’« on ne lui avait pas posé la question » lors de l’enquête.