En Algérie, la « concession » du président Bouteflika sur les retraites ne satisfait pas
En Algérie, la « concession » du président Bouteflika sur les retraites ne satisfait pas
Par Zahra Chenaoui (contributrice Le Monde Afrique, Alger)
La loi contestée sur la réforme des départs anticipés a été amendée sur demande de la présidence, à cinq mois des législatives.
A l’origine d’un vaste mouvement social ces derniers mois, la loi sur la réforme des retraites, qui rend impossible tout versement de pension à taux plein pour les travailleurs de moins de 60 ans, a été adoptée mercredi 30 novembre par le Parlement algérien. Le ministre du travail, Mohamed Al-Ghazi, a cependant annoncé qu’un amendement avait été introduit dans le texte, sur décision du président Abdelaziz Bouteflika, afin d’autoriser le départ en retraite des travailleurs ayant atteint les trente-deux années de cotisation et l’âge de 58 ans en 2017. Une concession qui ne satisfait toutefois pas les syndicats.
Confrontées à la chute des prix du pétrole qui plombe les comptes publics, les autorités algériennes avaient annoncé en juin leur intention de mettre fin au départ à la retraite sans condition d’âge (à partir de trente-deux années cotisées). Mais, depuis le 17 octobre, plusieurs syndicats autonomes ont organisé des grèves dans la fonction publique. Dimanche, une manifestation a été réprimée dans la capitale. Surtout, au cours des derniers mois, des milliers de fonctionnaires ont demandé à prendre leur retraite anticipée avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.
« Geste électoraliste »
« L’intervention du président est liée à la pression du mouvement social, estime Idir Achour, membre du Conseil des lycées d’Algérie. Ce petit recul est positif mais insuffisant. Cela nous encourage à continuer la lutte. » La contestation contre la réforme des retraites a principalement été organisée par les syndicats autonomes, même si des sections locales de l’Union générale des travailleurs (UGTA), le syndicat officiel, ont dénoncé un projet de loi « injuste ». Aujourd’hui, ces syndicats appellent à poursuivre la mobilisation. « Selon nos calculs, l’amendement ne va concerner que 1 % des travailleurs algériens. Cela ne fait que reculer l’application de deux ans. C’est un geste à but électoraliste, avant les législatives [d’avril 2017] », déclare Nabil Ferguenis, porte-parole du Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (Snapap), ajoutant : « Il ne faut pas oublier que nous dénonçons également la loi de finances 2017 et la modification du Code du travail. Les travailleurs vont continuer à manifester. »
Nouredine Bouderba, ancien dirigeant syndical, refuse, lui, d’évoquer un « recul » du gouvernement : « Nous ne sommes pas en possession du texte qui a été voté. L’annonce du ministre du travail n’est pour le moment qu’un amendement verbal qui pose question. Par exemple : que va-t-il se passer pour les femmes qui avaient le droit de partir à la retraite à 55 ans ? » Le Parti des travailleurs (PT) estime, lui, que la loi, même amendée, aura des conséquences « néfastes » sur les salariés. Le député FFS (Front des forces socialistes), Chafaa Bouaïche, s’est opposé au projet de loi, car « son contenu n’a pas été examiné par la commission et les syndicats autonomes n’ont pas été associés au débat ». Pour le ministre du travail, la nouvelle loi permet de « renforcer le principe de solidarité intergénérationnelle », alors qu’il manque cette année 200 milliards de dinars (1,7 milliard d’euros) pour payer la totalité des pensions de retraite.