Le mariage gay, promesse de la gauche qui s’est retournée contre Hollande
Le mariage gay, promesse de la gauche qui s’est retournée contre Hollande
Par Gaëlle Dupont
Le président de la République a tenu son engagement, mais il a fait émerger une vive opposition catholique.
L’affaire semblait pourtant bien engagée. Avec son « engagement 31 », l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples homosexuels, le candidat Hollande reprenait à son compte une mesure prônée de longue date par la gauche, un symbole d’égalité et de modernité. Quand le candidat est élu en mai 2012, personne n’imagine qu’elle sera difficile à faire passer. L’affrontement autour du Pacs, à la fin des années 1990, paraît à des années-lumière. L’homosexualité semble se banaliser dans la société.
Et pourtant. Si la loi Taubira de mai 2013 demeure un acquis pour les personnes concernées et leur entourage – et au-delà, si elle restera dans l’histoire comme l’une des principales mesures de la présidence Hollande –, le mariage pour tous s’est retourné contre ceux qui l’ont mis en œuvre, et le président de la République en paie encore le prix aujourd’hui.
Personne au gouvernement n’a vu venir ce qui est devenu un fait marquant du quinquennat : la résurgence d’un mouvement social, catholique et conservateur décidé à défendre ses valeurs, qui s’est trouvé un héraut en François Fillon, candidat de la droite à l’élection présidentielle de 2017. Le réseau efficace de La Manif pour tous s’est formé pour lutter contre la loi Taubira. Pendant des mois, de l’automne 2012 au printemps 2013, il a mobilisé des centaines de milliers de personnes, face à un pouvoir de plus en plus tétanisé. Aurait-il fallu aller plus ou moins vite pour faire passer le texte ? Cette question souvent posée n’est pas la principale. S’il était allé plus hâtivement, le gouvernement aurait été accusé de passer en force ; plus lentement, de laisser le champ libre aux manifestants.
Navigation à vue
L’épisode a en revanche mis au jour très rapidement les failles de la méthode de gouvernement Hollande. Jamais véritablement assumé au sommet de l’Etat, le texte n’a pas été défendu ni expliqué par le président ou son premier ministre, Jean-Marc Ayrault. Ses contours n’ont pas été clairement tracés au départ. L’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes, prônée par une partie du groupe socialiste de l’Assemblée, a été laissée en débat, chaque ministre, chaque parlementaire, et le pays entier donnant son avis sur le sujet. Sans doute l’exécutif attendait-il de voir quel camp l’emporterait.
Cette navigation à vue a produit des résultats désastreux. Elle a donné prise aux attaques d’une opposition très mobilisée, qui a accusé le gouvernement d’ouvrir la voie à un bouleversement en profondeur de la filiation, sujet hautement sensible, sans y avoir réfléchi au préalable. La mesure a été promise et repoussée maintes fois, avant d’être définitivement abandonnée au lendemain d’une nouvelle mobilisation de La Manif pour tous, en février 2014. Le pouvoir finissait par céder à la rue.
Dans la foulée, bien d’autres réformes envisagées sont tombées aux oubliettes (adoption, accès aux origines, droits de l’enfant, familles recomposées), ce qui a créé une forte déception à gauche. Tout en ayant remobilisé son opposition, le pouvoir aura donc bien du mal à capitaliser sur l’acquis du mariage pour tous dans son camp, qui lui reproche de ne pas être allé assez loin.