• STEVE REICH

Double Sextet/Radio Rewrite

Ensemble Signal, Brad Lubman (direction).

Pochette de l’album « Double Sextet/Radio Rewrite », de Steve Reich par l’Ensemble Signal, Brad Lubman (direction). | HARMONIA MUNDI

Ne pas se répéter tout en demeurant soi-même paraît une gageure pour Steve Reich (né en 1936) plus que pour tout autre compositeur. Pourtant, le chantre de la musique répétitive sait se renouveler sans déroger à ses principes. A preuve, les deux œuvres récentes magnifiquement interprétées par l’Ensemble Signal. Elles réalisent la synthèse de deux manières, inaugurées à vingt ans de distance par Music for 18 Musicians (1976) et City Life (1995). Prévue à l’origine pour six instruments et leurs doubles enregistrés, la partition de Double Sextet (2007) est ici présentée dans une version à douze – chaque instrument disposant de son jumeau en live – qui rend grâce au travail micro-stéréophonique de Steve Reich. Bien dans la descendance rythmique de la pièce culte des années 1970 mais structurée par paliers comme le portrait de New York réalisé deux décennies plus tard, Double Sextet fascine autant que ses devancières. Radio Rewrite, qui s’articule autour de brefs emprunts au groupe Radiohead, un peu moins. Pierre Gervasoni

1 CD Harmonia Mundi.

  • RUMER

This Girl’s in Love

Pochette de l’album « This Girl’s in Love », de Rumer. | EASTWEST RECORDS/WARNER MUSIC

En sous-titre de This Girl’s in Love, nouvel album de la chanteuse britannique Rumer, figure la mention « A Bacharach & David Songbook ». Ce sont donc douze chansons du célèbre duo – Burt Bacharach pour la composition et Hal David pour les paroles – qui sont explorées ici. Dans un équilibre entre les plus connues The Look of Love (They Long to Be) Close to You, Land of Make Believe, Walk on By, This Girl’s in Love With You ou What The World Needs Now Is Love et des perles moins souvent reprises. Rumer, à propos de laquelle a parfois été évoqué le nom de l’une des interprètes régulières du duo, Dusty Springfield (1939-1999), se tient dans une filiation respectueuse avec elle ou l’autre grande voix de ces monuments de variété pop, Dionne Warwick. Les versions de Rumer ont toutefois leur personnalité, avec souvent moins d’emphase orchestrale, un tapis de cordes, un piano, un tempo plus lent. Sylvain Siclier

1 CD EastWest Records/Warner Music.

  • FELIX MENDELSSOHN

Symphonie n°1. Symphonie n°4 dite « Italienne »

London Symphony Orchestra, John Eliot Gardiner (direction).

LSO LIVE

Entre le chef britannique John Eliot Gardiner et le compositeur allemand Felix Mendelssohn (1809-1847), une longue histoire d’amour jalonnée de pierres blanches. Déjà, en 1998, quand Gardiner enregistrait en studio avec les Wiener Philharmonilker les deux versions de la symphonie italienne. Cette fois, le London Symphony Orchestra a été pris sur le vif, ce qui lui donne un sentiment d’urgence porté par une vision encore plus dynamique et aérienne, laquelle n’est pas sans convoquer l’imaginaire visionnaire et fantasque du Mendelssohn shakespearien du Songe d’une nuit d’été. Une belle réussite que corrobore aussi la première des symphonies pour grand orchestre de Mendelssohn. Cordes rondes, vents fluides et dansants, gestuelle souple et contrastée, Gardiner livre de la Symphonie n°1 pas moins de cinq mouvements – tout simplement parce qu’il a refusé de choisir entre le « Menuetto » originel de 1824 et le « Scherzo » écrit pour Londres en 1829. Que celui qui n’a jamais péché par amour… Marie-Aude Roux

1 CD LSO Live.

  • VIANNEY

Vianney

Pochette de l’album « Vianney », de Vianney. | TÔT OU TARD/WAGRAM MUSIC

Deuxième album, juste à son nom, pour Vianney, révélé au grand public en 2014 avec les chansons Pas là, tube de l’été 2014, Veronica, Les gens sont méchants ou On est bien comme ça, toutes dans son premier disque, Idées blanches. En mai, le chanteur, guitariste, pianiste et auteur-compositeur nous indiquait réfléchir à un autre album qui irait « vers quelque chose de plus épuré ». C’est en partie le cas avec une mise en avant de la guitare acoustique, une approche générale qui relève du folk, de légères notes reggae, l’effleurement des touches du piano dans la chanson Le Galopin. Mais il y aussi des déploiements de cordes, parfois avec quelques cuivres (arrangés par Clément Ducal) qui viennent donner densité et relief. Un apport dont bénéficient les chansons les plus réussies du disque Sans le dire, Je m’en vais, Le Fils à papa, J’men fous et L’Homme et l’âme. S. Si.

1 CD Tôt ou tard/Wagram Music.

  • MICHAEL NAU

Mowing

Tout en intimité chaleureuse, chant duveteux et mélodies moelleuses, le premier album de Michael Nau pourrait faire office de couette. On n’a pas fini de se prélasser dans la douceur des chansons de ce garçon des Appalaches ayant jusque-là côtoyé les milieux de l’indie pop, au sein de Page France, et de l’americana, avec le groupe Cotton Jones. Avec sa compagne, la chanteuse Whitney McGraw, il fusionne, dans Mowing, son goût des ambiances boisées avec une fantaisie adepte d’enluminures discrètement raffinées. Si la tendresse lumineuse de son timbre peut évoquer Cat Stevens, Leonard Cohen ou John Lennon (So So Long), les morceaux sont parsemés de détails intrigants et délicieux (Mellotron, nuages d’orgue et de vibraphone, guitare électrique engourdie, boucles de piano…), fruits d’un bricolage domestique flirtant avec le folk, la pop baroque, la soul et même le hip-hop (l’exceptionnel Love Survive). Stéphane Davet

1 CD Full Time Hobby / PIAS

  • BARBATUQUES

Ayú

Ludique, joyeux et virtuose exercice de percussions corporelles associé à une justesse vocale infaillible. Ce collectif (15 filles et garçons) formé à Sao Paulo, en 1995, sous la direction artistique de Fernando Barba, fait preuve d’une réjouissante créativité et prouve qu’avec rien, tout est possible. Sans instruments, tout peut s’inventer, juste avec la voix, les mains et les pieds. Ils tapent et tambourinent leurs joues et leur poitrine, le sol et leurs épaules, se mettent des baffes pour moduler les sons sortant de leur bouche, inventer d’autres possibles vocaux. Ce quatrième album offre une réjouissante palette d’univers, de textures, de couleurs, de nuances rythmiques, mélodiques et harmoniques. Du grand art. Parfois (rarement) un petit objet à musique vient se glisser dans leur monde inventé a cappella. Une guimbarde, une flûte, une tasse d’eau que fait gargouiller Hermeto Pascoal, invité, tout comme Nana Vasconcelos (parti envoûter les anges, depuis la réalisation de cet enregistrement) et quelques autres, à participer à cette étincelante sarabande. Patrick Labesse

1 CD Mr Bongo / Bertus