Pourquoi les Autrichiens votent pour la troisième fois cette année pour élire leur président
Pourquoi les Autrichiens votent pour la troisième fois cette année pour élire leur président
Le Monde.fr avec AFP et Reuters
Des irrégularités dans le dépouillement des votes par correspondance ont entraîné, début juillet, l’annulation du second tour après un recours du parti d’extrême droite FPÖ.
Plus de trois cents jours de campagne. Un troisième tour inédit... La présidentielle autrichienne, c’est un peu l’histoire d’une élection qui ne veut pas finir. Dimanche 4 décembre, les électeurs sont appelés à retourner aux urnes pour dire qui, de l’écologiste (Die Grünen-Die Grüne Alternative) Alexander Van der Bellen, 72 ans, ou du candidat de l’extrême droite (FPÖ, Parti autrichien de la liberté), Norbert Hofer, 45 ans, ils veulent voir occuper le poste de président fédéral.
Le 22 mai, ils avaient opté pour M. Van der Bellen. Mais le résultat du scrutin avait été annulé, à la demande du FPÖ.
En Autriche, le président fédéral est élu au suffrage universel direct pour un mandat de six ans. Il a surtout un rôle honorifique et moral, n’intervenant pas dans la gestion quotidienne du pays, mais il peut toutefois révoquer le gouvernement.
Les « grands » partis évincés au premier tour
Six candidats se sont présentés pour devenir le neuvième président fédéral de l’Autriche et succéder au social-démocrate Heinz Fischer (membre du SPÖ, centre gauche), qui, élu en 2004 et réélu en 2010, ne pouvait pas solliciter un troisième mandat.
Le 24 avril, lors du premier tour, M. Hofer a obtenu 36,4 % des voix, réalisant le meilleur résultat du FPÖ depuis la guerre à une élection nationale en Autriche. M. Van der Bellen s’est également qualifié pour le second tour en arrivant en deuxième position, avec 20,4 % des suffrages, devançant une candidate indépendante et ancienne juge à la Cour suprême, Irmgard Griss (18,5 %).
Le candidat social-démocrate (SPÖ), Rudolf Hundstorfer, et le conservateur Andreas Khol (ÖVP, Parti populaire autrichien), dont les partis se partageaient alternativement le pouvoir depuis la seconde guerre mondiale, ont été éliminés avec 11,2 % des voix seulement chacun. L’indépendant Richard Lugner n’a enregistré que 2,26 % des voix.
Le Conseil constitutionnel annule le second tour
Lors du second tour, le 22 mai, M. Van der Bellen l’a emporté « sur le fil » : 50,3 % des voix, soit 0,6 point de pourcentage (31 026 voix) de plus que M. Hofer. Si ce dernier est sorti légèrement en tête après le dépouillement des suffrages, le dimanche soir, ce sont les votes par correspondance (750 000 électeurs, soit 16,7 % des suffrages exprimés), dépouillés lundi 23 mai, qui ont fait pencher la balance en faveur du candidat écologiste.
Ce très faible écart a conduit le FPÖ à demander, quinze jours après le scrutin, l’annulation du résultat. Dénonçant des « irrégularités épouvantables » et des « dysfonctionnements », qu’il disait avoir fait constater et analyser par un groupe de juristes, le parti a transmis un recours de 150 pages à la Cour constitutionnelle. Le 1er juillet, cette dernière lui a donné raison.
Certes, aucune fraude ni aucune manipulation du scrutin du 22 mai n’ont été relevées par les juges de la plus haute juridiction du pays. Mais ceux-ci ont considéré qu’une accumulation de négligences dans le dépouillement des urnes et des votes par correspondance a entaché la validité du résultat. Le résultat du deuxième tour a donc été annulé.
M. Van der Bellen, qui devait prendre ses fonctions le 8 juillet, a dû y renoncer. Le président sortant, M. Fischer, a, lui, achevé son mandat à cette date. Conformément à l’article 64 de la Constitution autrichienne, l’intérim à la tête de l’Etat est depuis lors assuré collégialement par la présidente et les deux vice-présidents du Conseil national, la chambre basse du Parlement. Parmi lesquels figure... M. Hofer, le candidat de l’extrême droite.
Le secrétaire général du FPÖ a estimé que le report de l’élection au 4 décembre démontre « l’incapacité du gouvernement à garantir sa propre élection ». | HEINZ PETER BADER / REUTERS
Le « troisième tour » a dû être reporté
Un « nouveau second tour » – donc un troisième tour – a été fixé, dans un premier temps, au 2 octobre. Mais cette date a été modifiée le 12 septembre à la suite de la découverte d’un « défaut de fabrication » portant sur des bulletins de vote par correspondance : certaines enveloppes de vote s’ouvraient toutes seules en raison d’une colle défectueuse...
« Ce problème de production ne nous permet pas de garantir le déroulement d’un scrutin sans faille d’un point de vue juridique », a déclaré le ministre de l’intérieur, Wolfgang Sobotka, en présentant les « excuses » du gouvernement aux électeurs et aux candidats.
Un accord pour un report du scrutin au 4 décembre a finalement été conclu entre le SPÖ, l’ÖVP, les Verts et le parti libéral NEOS (Das Neue Österreich). Pour le secrétaire général du FPÖ, Herbert Kickl, cette affaire a démontré « l’incapacité du gouvernement à garantir sa propre élection ». M. Van der Bellen a, lui, jugé que ce report était une décision « regrettable mais justifiée » et a exhorté ses partisans à « se mobiliser pour gagner le 4 décembre ».
Dimanche 27 novembre, à une semaine du « troisième tour », le candidat écologiste et son rival d’extrême droite se sont affrontés lors d’un débat télévisé. M. Van der Bellen a notamment accusé M. Hofer de provoquer l’insécurité en menaçant de faire sortir l’Autriche de l’Union européenne (« Öxit »). M. Hofer a dénoncé ce discours alarmiste, insistant sur le fait que s’il était au pouvoir, il convoquerait un référendum sur une sortie de l’Union européenne si la Turquie la rejoignait ou si Bruxelles tentait de centraliser davantage le pouvoir.