Ouverture du procès de Dominic Ongwen, premier enfant soldat jugé par la CPI
Ouverture du procès de Dominic Ongwen, premier enfant soldat jugé par la CPI
Le Monde.fr avec AFP
Enlevé sur le chemin de l’école par des membres de l’Armée de résistance du Seigneur, il a passé près de trente ans au sein de cette sanguinaire milice ougandaise.
Premier membre de la sanguinaire Armée de résistance du Seigneur (LRA) sur le banc des accusés, l’Ougandais Dominic Ongwen doit comparaître mardi 6 décembre devant la Cour pénale internationale (CPI). L’ouverture de son procès est très attendue par les centaines de milliers de victimes de la rébellion de Joseph Kony – qui n’a toujours pas été arrêté.
Dominic Ongwen, devenu au fil des ans un des commandants les plus redoutés de la LRA, est également le premier enfant soldat à être jugé par la CPI, représentant un terrible dilemme pour la justice internationale.
Après près de trois décennies dans la brousse, l’homme, aujourd’hui âgé de 40 ans, doit répondre de soixante-dix crimes de guerre et crimes contre l’humanité pour son rôle dans une milice qui a, selon l’ONU, massacré plus de 100 000 personnes et enlevé plus de 60 000 enfants.
Rites initiatiques brutaux
Dominic Ongwen, fils de deux professeurs, n’avait que dix ans quand il est enlevé sur le chemin de l’école près de son village de Coorom, dans le nord de l’Ouganda. A l’époque, Joseph Kony est à la tête de la LRA. Fondée vers 1987, cette milice mélangeant mystique religieuse, techniques de guérilla et brutalité sanguinaire, tente de fonder un régime basé sur les Dix commandements.
Des victimes ont raconté les rites initiatiques brutaux au sein de cette troupe : des enrôlés de force contraints de mordre et matraquer amis et parents à mort, de boire du sang. Il est probable que Dominic Ongwen lui-même ait dû subir ces rites.
En dépit de sa jeunesse, il est repéré pour sa loyauté dans le crime, son courage au combat et ses qualités de tacticien. Il monte rapidement en grade et devient chef d’une des quatre brigades de la LRA, Sinia. Depuis 2005, la milice ougandaise a migré vers le nord-est de la RDC, le Soudan du Sud, et tout l’est de la Centrafrique.
Mariages et grossesses forcés
Mardi, l’ancien chef de guerre, âgé d’environ quarante ans, devra plaider coupable ou non coupable avant les déclarations liminaires de l’accusation et des représentants de 4 109 victimes. Les audiences reprendront ensuite en janvier.
La procureure accuse notamment Dominic Ongwen d’avoir mené ou ordonné des attaques « systématiques et généralisées » contre des civils dans quatre camps de réfugiés perçus comme des sympathisants du président ougandais Yoweri Museveni. Il est également accusé de l’enrôlement d’enfants soldats, de « mariages forcés » et, pour la première fois, de « grossesses forcées ».
Les enfants sont enlevés pour devenir des soldats ou des « épouses », « distribuées aux soldats comme des butins de guerre », assure la procureure dans un document officiel. Selon celui-ci, l’accusé lui-même aurait eu au moins sept « épouses ». L’une d’elles a dix ans quand elle est violée pour la première fois.
De victime à bourreau
La défense, qui a choisi de ne s’exprimer qu’après la présentation de tous les éléments à charge, considère plusieurs arguments, dont un potentiel syndrome de stress post-traumatique dû à son passé et « la menace permanente d’une mort imminente » par Joseph Kony.
Au cœur du procès, un dilemme pour les juges : Dominic Ongwen peut-il être légalement responsable de crimes alors qu’il a d’abord été une victime ? « Son passé n’est pas une défense en elle-même », a estimé Isabelle Guitard, directrice des programmes au sein de l’ONG Child Soldiers International, qui défend les droits des enfants soldats.
« Beaucoup de criminels ont été des victimes à un moment donné et l’on ne peut exclure toute responsabilité criminelle sur cette base mais ce statut d’enfant soldat pourrait être pris en compte au moment de la détermination de la peine, s’il devait être jugé coupable. »
Quelle que soit son issue dans les années à venir, l’affaire fera jurisprudence. Et au-delà, pourrait avoir des conséquences importantes, loin des austères salles d’audience de La Haye, pour la réhabilitation, ou le jugement, des centaines de milliers d’anciens enfants soldats à travers le monde.