Emmanuel Macron veut se présenter comme « le candidat du travail »
Emmanuel Macron veut se présenter comme « le candidat du travail »
Par Patrick Roger
Le candidat du mouvement En marche ! tenait meeting en vue de la présidentielle, samedi après-midi, à Paris, au Parc des expositions.
Emmanuel Macron, lors de son meeting parisien, samedi 10 décembre 2016. | Alain Guilhot / Le Monde
A l’entrée dans le hall 6 du parc des Expositions de Paris, samedi 10 décembre, impossible de ne pas faire le parallèle avec le rassemblement de la Belle Alliance populaire qui s’était tenu une semaine plus tôt à la Porte de la Villette. Là où le PS et ses satellites avaient péniblement réuni 3 000 personnes dans une ambiance morose, Emmanuel Macron et ses soutiens en ont rassemblé cinq fois plus, dans un climat enthousiaste. Une foule diverse, à l’image du pays, composée à 70 % de sympathisants de région parisienne et 30 % de province, énormément de jeunes, à l’inverse des assistances chenues que l’on croise régulièrement dans les meetings des partis traditionnels.
Beaucoup doutaient de la capacité du mouvement En Marche ! à organiser une réunion de cette ampleur. La démonstration est faite, avec succès. « On voit bien où est le mouvement », se réjouit le sénateur du Rhône Gérard Collomb, qui semble avoir pris un bain de jouvence. Les organisateurs d’En Marche ! revendiquent aujourd’hui 120 000 adhérents : des comités locaux se créent toutes les semaines et, selon un des membres de l’équipe, 400 réunions d’En Marche ! se tiennent chaque semaine sur le territoire. Le mouvement ainsi lancé, difficile, aujourd’hui, de voie ce qui peut l’arrêter.
A 16 h 45, Emmanuel Macron fait son entrée par l’arrière du hall, traversant à grand-peine la foule. Galvanisé, le candidat fait son arrivée sur scène et salue le public la main sur le cœur, dans un geste qui semble être devenu un gimmick des candidats à l’élection présidentielle. « Nous avons fait du chemin depuis le 6 avril, nous l’avons fait ensemble », lance-t-il à un public qui boit ses paroles et prompt à applaudir dès qu’il le sollicite en forçant ou en baissant le ton.
A l’occasion de ce grand meeting de lancement de sa campagne présidentielle, où il a commencé à ébaucher son « projet de bataille économique et sociale », Emmanuel Macron a voulu se présenter comme le « candidat du travail ». D’abord, en continuant à réduire le coût du travail pour les entreprises, pour toutes les entreprises : « Quel que soit le secteur, quelle que soit la taille, tout le monde aura des allégements de charges. »
Comme il l’a déjà défendu à plusieurs reprises, il veut « libérer le dialogue social au plus près de l’entreprise et du terrain ». La loi, à ses yeux, doit édicter des règles simples et lisibles (35 heures, salaire minimum, égalité entre les femmes et les hommes) mais c’est aux négociations de branche et d’entreprise de « définir les bons compromis ». « Je veux privilégier le contrat à la loi », a-t-il répété.
10 000 fonctionnaires en plus
Troisième axe, qu’il avait déjà ébauché les jours précédents : la suppression des cotisations maladie et chômage des salariés, dont le financement serait transféré sur la CSG. Ce qui suppose, a-t-il précisé, de demander des efforts à deux catégories : les revenus du capital et les retraités aisés, tout en protégeant les retraités modestes. « Je leur demande ce petit effort pour leurs enfants, pour leurs petits-enfants, parce que nous avons besoin dans notre pays que le travail paye. »
Le candidat Macron envisage aussi d’aller plus loin dans la décentralisation, en renforçant notamment le poids des métropoles, dans la déconcentration des services de l’Etat et l’autonomie des universités, des établissements scolaires et des établissements de santé. Il s’est en revanche élevé contre le projet de suppression de 500 000 emplois dans la fonction publique porté par François Fillon. « Aimer l’Etat, aimer la fonction publique, les services publics, ce n’est pas dire qu’il faut couper des têtes, ce n’est pas dire qu’il ne faut rien changer, mais il faut libérer, libérer les énergies », a-t-il lancé. Il entend également modifier les rapports entre l’administration et les usagers en instaurant « un droit à l’erreur pour tous ».
Enfin, Emmanuel Macron a consacré la dernière partie de son - long - discours (1 h 50) à la « protection des Français », définissant trois boucliers : sécurité, social, européen.
En matière de sécurité, il assure vouloir recruter 10 000 fonctionnaires de police et de gendarmerie pendant les trois premières années du quinquennat. Il veut aussi simplifier les procédures et réduire les contraintes pour renforcer la présence sur le terrain, en reconstituant notamment le renseignement territorial. Enfin, il se dit favorable à la recréation d’une police de proximité, « une bonne idée de Lionel Jospin et de Jean-Pierre Chevènement ».
« Seule l’Europe peut nous protéger »
Dans le domaine social, qu’il devrait développer plus longuement en janvier, il a insisté sur le « devoir d’éducation ». « Il ne peut pas être le même dans tous les quartiers de la République. Nous devons faire plus pour ceux qui ont moins », a-t-il plaidé. En matière de santé, il s’en est encore pris au candidat de la « droite conservatrice », dont le projet reviendrait à imposer une moyenne de 1 200 euros de dépenses de santé de plus par an. « Pas un seul soin utile ne sera déremboursé », a-t-il lancé.
M. Macron s’est plus étendu sur la question du chômage, en avançant l’idée d’une « assurance chômage universelle » dont pourraient bénéficier aussi bien les salariés mais aussi les autoentrepreneurs, les artisans, les indépendants et tout salarié qui, au bout de cinq ans d’activité, souhaiterait démissionner. Il entend ainsi instaurer « un droit à la mobilité professionnelle », qui serait assorti de devoirs, notamment ceux d’établir un bilan de compétence, de se former et d’accepter un travail correspondant à ses compétences. Pour ce faire, il veut créer « un service public de la formation et de l’activité ».
Enfin, c’est sur l’Europe qu’il a conclu son discours, ironisant sur le fait que, sur ce thème, il n’y a pas de concurrence. « Face aux risques de la mondialisation, seule l’Europe peut nous protéger, assure M. Macron. Nous devons à nouveau oser rêver à l’Europe, c’est notre chance. »
Porté par un public tout acquis à sa cause, il a lancé un ultime défi à ses concurrents. « Pour ceux qui avaient peur qu’En Marche ! soit une aventure solitaire, ce soir vous les avez rassurés, s’est-il écrié, jusqu’à s’égosiller. Ce projet, ensemble, nous allons le porter. Vous m’avez énormément donné depuis avril. Je le porterai jusqu’au bout. Vous, vous allez le faire gagner. »
Le candidat d’En Marche !, ce samedi 10 décembre, a bel et bien franchi une marche dans sa mise en orbite vers l’échéance présidentielle.