Des militants du Syndicats des travailleurs corses (STC) devant l'assemblée de Corse d'Ajaccio, le 26 mai 2011. | STEPHAN AGOSTINI / AFP

Cette fois-ci, l’incertitude est levée. Le Syndicat des travailleurs corses (STC) pourra se présenter aux élections professionnelles dans les très petites entreprises (TPE), qui ont lieu du 30 décembre au 13 janvier 2017. La Cour de cassation a rejeté, lundi 12 décembre, le pourvoi de la CGT contre une décision du tribunal d’instance du 15arrondissement de Paris, qui validait la candidature de cette organisation.

La haute juridiction a rendu, le même jour, un autre arrêt en faveur du syndicat basque LAB (Langile Abertzaleen Batzordea, qui signifie Syndicat des travailleurs patriotes), dont la participation au scrutin était également contestée par la CGT. Les deux décisions de la Cour de cassation « ouvrent la voie à la tenue » des opérations de vote, a commenté, lundi, la ministre du travail, Myriam El Khomri ; elles avaient dû être reportées, à cause – précisément – des deux actions en justice de la CGT contre le STC et LAB.

La centrale de Philippe Martinez jugeait irrecevable la candidature du STC au motif que celui-ci ne respecterait pas les valeurs républicaines. Etait notamment dénoncé son mot d’ordre sur la « “corsisation” des emplois », qui violerait le principe d’égalité et de non-discrimination. A l’appui de sa démonstration, la CGT invoquait plusieurs faits, montrant – selon elle – que le slogan incriminé était suivi d’actes discriminatoires.

Exemple : un appel à la grève lancé par le STC en février à Ajaccio dans un site de Cofely (une filiale d’Engie, l’ex-GDF-Suez) ; l’arrêt de travail visait à réclamer l’intégration de Corses dans l’entreprise alors que trois personnes, originaires du continent, venaient d’y être mutées. La CGT se prévalait aussi de déclarations d’un responsable du STC, qui trouvait que La Poste ne tenait pas assez compte de l’emploi local dans sa politique d’embauche : « Si ni le dialogue ni la construction ne trouvent (…) d’oreilles attentives, nous irons sur d’autres actions de manière différente », prévenait-il, laissant ainsi entendre que son organisation n’hésiterait pas à adopter un profil plus dur.

« Eléments insuffisants »

Des arguments auxquels semble avoir été sensible l’avocat général de la Cour de cassation, lors de l’audience, le 7 décembre. Dans l’avis qu’il avait exposé, Jean-Marie Boyer avait indiqué que « la doctrine et la pratique du STC contreviennent à l’interdiction de discrimination ». Dès lors, cette organisation s’est affranchie du respect des valeurs républicaines, aux yeux de l’avocat général.

Mais la Cour de cassation ne l’a pas suivi. Pour elle, la décision du tribunal d’instance – attaquée en cassation par la CGT – est parfaitement fondée puisqu’elle a « fait ressortir que les éléments produits (…) étaient insuffisants à apporter la preuve que l’action syndicale du STC dans les entreprises prônait des distinctions fondées sur l’origine ».

La décision de la Cour est « surprenante », confie Me Slim Ben Achour, l’avocat de la CGT, « d’autant plus que la signification de la “corsisation” des emplois est connue de tous : priorité à l’emploi des Corses de Corse ». « Pour autant, complète-t-il, elle est importante. Le STC est prévenu, et de façon générale tout syndicat : s’il y a matérialisation dans les faits du concept de “corsisation” des emplois, ou de toute autre discrimination raciale, son existence même pourra être remise en cause. »

« Dangereux pour la démocratie »

La CGT, de son côté, « s’insurge », dans un communiqué, contre cet arrêt « qui ne semble répondre qu’à des considérants politiques ». Sous-entendu : préserver la paix sociale en Corse, où le STC est le syndicat numéro un. Pour la centrale de Philippe Martinez, le fait de trouver « qu’une organisation qui prône la discrimination ne contrevient pas aux règles républicaines » est « dangereux pour la démocratie ». Elle n’exclut pas de poursuivre son combat sur le terrain judiciaire.

Secrétaire national du STC, Etienne Santucci dit être « très content » de la décision rendue lundi. Il ne cache pas que l’avis de l’avocat général avait suscité « un peu » d’inquiétude. Mais, ajoute-t-il, « ici, les gens nous connaissent », en particulier les services déconcentrés du ministère du travail. « Nous ne sommes pas un syndicat qui prône la discrimination, la xénophobie ou le racisme », explique-t-il, en rappelant les nombreuses luttes que le STC a menées, localement, avec la Ligue des droits de l’homme et avec... la CGT, ainsi que les autres confédérations qui avaient, elles aussi, contesté la candidature de son organisation aux élections dans les TPE (avant d’écarter l’idée d’aller en cassation). Pour M. Santucci, « il y a de l’incompréhension et de la crainte, dans la direction nationale de la CGT, de voir une organisation, qui vient d’une région, se mêler au combat national ». La centrale de Philippe Martinez « a voulu défendre son pré carré », conclut-il.