L’évacuation d’Alep, une opération organisée par la Russie et la Turquie
L’évacuation d’Alep, une opération organisée par la Russie et la Turquie
Par Benjamin Barthe (Beyrouth, correspondant)
L’administration Obama, en fin de mandat, n’a pas été consultée, pas plus que les services de Staffan de Mistura, l’envoyé spécial des Nations unies.
A Alep, le 15 décembre. | OMAR SANADIKI / REUTERS
Opération hautement délicate, l’évacuation des insurgés d’Alep-Est consacre la montée en puissance, sur le dossier syrien, d’un nouveau duo diplomatique : la Russie et la Turquie. Ce sont ces deux pays qui ont élaboré le mécanisme d’exfiltration des opposants et qui le mettent en œuvre.
Cette cogestion, dont sont exclus plusieurs acteurs majeurs de la crise, comme les Etats-Unis et l’Iran, découle du rapprochement en cours entre Ankara et Moscou, initié, après plusieurs années de brouille, par la rencontre entre Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine, à Saint-Petersbourg, au mois d’août.
Le processus d’évacuation a été négocié à Ankara, entre les services de renseignements turcs, l’armée russe et des représentants de la rébellion. L’administration Obama, en fin de mandat, n’a pas été consultée, pas plus que les services de Staffan de Mistura, l’envoyé spécial des Nations unies.
Les termes de l’accord, conclu mardi 13 décembre, ont suscité la grogne de l’Iran et de ses relais sur le terrain, les milices chiites progouvernementales. Cette mauvaise humeur s’est exprimée mercredi soir, sous la forme d’un communiqué du Hezbollah, le mouvement chiite libanais. Peu enclin d’habitude à exposer au grand jour ses divergences avec Moscou, le « Parti de Dieu » fit alors savoir que de « grosses complications » entravaient l’arrangement russo-turc.
Panique
Quelques heures plus tôt, des tirs attribués par l’opposition à des milices chiites, avaient fait capoter une première tentative d’évacuation. En coulisses, Téhéran a fait pression pour qu’en parallèle de la sortie des rebelles d’Alep, le siège imposé à deux villages chiites de la province d’Idlib, Foua et Kefraya, soit allégé.
Jeudi, pour éviter un nouvel accroc, les convois ont été escortés par des soldats russes, en plus des équipes du Comité international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge syrien. Des drones russes survolaient également les convois. A l’entrée de la zone rebelle, en milieu d’après midi, un avion syrien a bombardé un site proche des bus, semant un début de panique parmi les passagers. « Mes amis du Croissant-Rouge syrien m’ont dit que l’officier russe présent à cet en droit a aussitôt décroché son téléphone et passé un savon à son homologue syrien », assure Amer Al-Faj, un responsable de l’accueil des évacués, à Atareb.
Le binôme russo-turc aura l’occasion d’officialiser son rôle le 27 décembre prochain, date d’une réunion prévue à Moscou, entre représentants des deux pays, en présence également de l’Iran.