La sécurité à bord des trains de nouveau en question après la cavale d’Anis Amri
La sécurité à bord des trains de nouveau en question après la cavale d’Anis Amri
Par Éric Béziat
Le principal suspect de l’attentat de Berlin a été tué près de la gare de Milan, vendredi matin. La SNCF confirme qu’un billet de TGV entre Chambéry et Turin a été retrouvé sur lui.
Des militaires patrouillent gare de Lyon, à Paris, le 16 juin. | BERTRAND GUAY / AFP
L’escapade d’Anis Amri, le principal suspect de l’attentat de Berlin, a pris fin vendredi 23 décembre aux abords de la gare Sesto san Giovanni de Milan, après un parcours européen de plusieurs centaines de kilomètres. Entre le lundi soir, date de l’attentat mené au camion-bélier dans un marché de Noël berlinois, et sa mort vendredi matin, Anis Amri a réussi à passer de Berlin à Milan sans qu’on sache encore quel itinéraire il a précisément emprunté.
La SNCF a toutefois confirmé au Monde, vendredi, qu’un ticket de TGV français avait bien été retrouvé dans son sac à dos après sa mort à Milan, pour un voyage entre Chambéry (Savoie) et Turin. « Ce n’est pas très étonnant car lorsque vous voulez voyager en Europe sans vous faire remarquer, il vaut mieux être en règle. Un terroriste est rarement quelqu’un qui est un fraudeur », a réagi Guillaume Pépy, le directeur de la SNCF, interrogé sur le sujet par RTL.
Aucune information supplémentaire sur la réalité et les détails d’un voyage en train d’Anis Amri n’a cependant été diffusée par l’entreprise ferroviaire française, ou par les autorités allemandes ou italiennes. La police italienne a simplement indiqué qu’Anis Amri avait transité par la France avant d’arriver en Italie, sans plus de précisions.
Des contrôles à la frontière ?
Dans un contexte de vigilance renforcée et d’état d’urgence prolongé en France, la perspective qu’un terroriste recherché dans toute l’Europe ait pu monter à bord d’un TGV français armé et voyager jusqu’en Italie, pose question.
Après l’attentat commis lundi soir à Berlin, le ministère de l’intérieur français avait ainsi demandé aux préfets de « prendre toute mesure utile pour renforcer sans délai les contrôles à la frontière franco-allemande ». Interrogé par Le Monde vendredi, un porte-parole de la SNCF n’a pas été en mesure de préciser si des dispositions spécifiques avaient été prises pour contrôler les passagers des trains transfrontaliers, après ces annonces du ministère.
Guillaume Pépy n’a rien déclaré sur le sujet au micro de RTL. Il a en revanche évoqué la présence « des cheminots de la surveillance SNCF en civil et armés dans les trains », effective depuis quelques jours. Une disposition qui avait été annoncée en avril, et qui s’inscrit dans le cadre de plusieurs mesures de renforcement de la sécurité dans les trains.
Notamment celles de la « loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs », dite loi Savary, adoptée en mars.
Le texte avait été élaboré après l’attentat avorté du Thalys en août 2015, où un ressortissant marocain, Ayoub El Khazzani, avait tenté de faire feu sur des passagers du train Amsterdam-Paris, avant d’être maîtrisé par des touristes américains.
Parmi les mesures de sécurité les plus visibles ayant suivi cette tentative, des portiques de sécurité avaient ainsi été installés avant l’accès au quai du Thalys, à la gare du Nord de Paris, comme il en existait déjà pour l’Eurostar. La SNCF a également testé des portiques sur les accès aux TGV à la gare Montparnasse et à la gare de Lille.
La loi Savary prévoit de nombreuses autres dispositions. Elle autorise par exemple les entreprises ferroviaires à exiger des billets nominatifs, ou que certaines liaisons non TGV pourront passer à la réservation obligatoire en 2017. Une mesure que les associations d’usagers ont jusqu’ici toujours rejetée.
Des agents armés et en civil
Le texte autorise également les agents de la surveillance générale ou SUGE, autrement dit la sûreté ferroviaire, à procéder à des inspections visuelles, des fouilles de bagage et des palpations de sécurité sur les passagers. Ils devront pour cela avoir été agréés en amont par le préfet de Paris ou du département dont ils dépendent, spécifie le décret qui précise les contours de l’intervention de ces personnels, publié le 30 septembre.
Ces agents en uniforme et armés, et dans l’obligation de porter un signe distinctif (brassard ou insigne), mais qui n’appartiennent pas aux forces de l’ordre, ne peuvent procéder à ces contrôles sans le consentement des voyageurs. Toutefois, si un passager refuse ces contrôles, l’accès au train pourra lui être interdit.
La loi Savary autorise enfin des agents de la SNCF à patrouiller armés et en civil dans les trains et dans les gares, un peu comme il existe des agents armés sur certaines liaisons aériennes. « Ces agents en civil sont, soit des personnels de la SUGE ayant au moins cinq ans d’ancienneté, soit d’anciens fonctionnaires de police ou de gendarmerie, précise au Monde un porte-parole de la SNCF. Ils bénéficient d’une formation spécifique éthique, juridique et opérationnelle. »
Ni Guillaume Pépy, ni la SNCF n’ont précisé, vendredi 23 décembre, si ce personnel de sécurité a pu être en présence, ou non, d’Anis Amri lors de son voyage entre l’Allemagne et l’Italie. « Vous avez des cheminots de la surveillance SNCF qui sont en civil et armés dans les trains. Et je ne vous dirai pas où ni quand », a répondu le directeur de la SNCF.