L’ancien directeur d’une caisse de retraite de professions libérales condamné pour favoritisme
L’ancien directeur d’une caisse de retraite de professions libérales condamné pour favoritisme
Par Bertrand Bissuel
La Cour de discipline budgétaire et financière a reconnu les nombreuses infractions commises par Jean-Marie Saunier, ex-responsable du « groupe Berri ». Déjà condamné pénalement, il se voit infliger une amende pour un « avantage injustifié » accordé au président du conseil d’administration d’une des entités qu’il dirigeait.
La sanction peut paraître modeste mais sa motivation, elle, est particulièrement sévère. Un ancien dirigeant d’une des plus importantes caisses de retraite de professions libérales a été condamné, vendredi 30 décembre, à 500 euros d’amende pour avoir accordé des avantages indus au président de son conseil d’administration. La décision, rendue par la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF), constate, par ailleurs, que le mis en cause, Jean-Marie Saunier, et son prédécesseur au même poste, François Durin, ont commis d’autres manquements. Mais comme ceux-ci ont déjà été réprimés par le tribunal correctionnel de Paris il y a un an, les deux hommes ne peuvent pas se voir infliger, à nouveau, une peine.
Très peu connue du grand public, la CDBF est une institution associée à la Cour des comptes, chargée de sanctionner les infractions en matière de finances publiques. Sont susceptibles de comparaître devant elle des fonctionnaires, des gestionnaires d’organismes publics, des membres de cabinets ministériels, etc.
L’affaire qu’elle a eu à examiner concerne le très complexe système d’assurance-vieillesse des professions libérales. Celui-ci est structuré autour d’une caisse nationale (la CNAVPL) et de « sections professionnelles » – parmi lesquelles la Cipav, la Cavec et la Cavom. Ces dernières se sont rassemblées dans le « groupe Berri » – dirigé par M. Durin puis par Saunier, de 2002 à fin 2012. Voilà pour le décor.
« Gouvernance floue », « pratiques discriminatoires », « gestion médiocre »...
Dans son rapport annuel de 2014, la Cour des comptes avait adressé des critiques très dures à la Cipav, l’entité la plus importante du dispositif (avec quelque 800 000 affiliés) : « gouvernance floue », « gestion médiocre et peu transparente des placements », service « déplorable » aux assurés avec des « pratiques discriminatoires » à l’encontre des auto-entrepreneurs (qui sont censés être rattachés à la Cipav)…
La Cour avait aussi souligné « un refus délibéré d’appliquer les règles de commande publique », en particulier en matière de prestations informatiques (pas de mise en concurrence pour la passation de marchés, absence de mesures de publicité…). Or la Cipav a consacré beaucoup d’argent pour moderniser son système d’information : « Les dépenses engagées pour la refonte ont atteint, en 2013, 24 millions d’euros », soit dix fois plus que l’estimation initiale faite en 2005, d’après la Cour. Des dérives se sont aussi produites à la Cavec.
Les « irrégularités » commises lors de l’attribution de marchés ont d’ailleurs débouché sur une procédure pénale. Fin 2015, MM. Durin et Saunier ont ainsi été condamnés par le tribunal correctionnel de Paris à deux mois de prison avec sursis et à des amendes, de respectivement 12 000 et 15 000 euros (partiellement assorties d’un sursis).
« Avantage injustifié »
Les faits, jugés il y a un an, ont été à nouveau examinés par la CDBF, lors de l’audience qui s’est tenue le 9 décembre. Dans son arrêt, elle constate que la Cavec a signé des contrats de services, en matière informatique, sans respecter les règles de publicité et de mise en concurrence. Les sommes en jeu n’étaient pas négligeables : un peu plus de 6,5 millions d’euros (hors taxe), « à la fin 2012 ». Ce sont des « infractions », conclut la CDBF, mais qu’elle ne réprime pas puisque le tribunal correctionnel l’a déjà fait, l’an passé.
En revanche, M. Saunier se voit infliger 500 euros d’amende pour avoir été excessivement indulgent à l’égard de Jacques Escourrou, qui fut président du conseil d’administration de la Cipav jusqu’en 2014. Ce dernier, payant avec beaucoup de retard ses cotisations à la caisse, aurait dû se voir appliquer des pénalités. Tel ne fut pas le cas. Or, M. Saunier « était tenu de procéder au recouvrement » des majorations, estime la CDBF. Mais en s’abstenant d’agir, il a procuré à M. Escourrou « un avantage injustifié entraînant un préjudice pour l’organisme et le régime dont il assurait la gestion ».