Des membres de la garde civile espagnole attendent les immigrés qui tentent de franchir la frontière avec le Maroc, en 2015. | ANGELA RIOS / AFP

« C’est intolérable. » Le directeur de l’association Amnesty International en Espagne, Esteban Beltran, ne mâche pas ses mots. « L’Espagne est, avec la Hongrie, la Turquie et la Bulgarie, le seul pays d’Europe à expulser les gens de manière illégale », a-t-il dénoncé, lundi 2 janvier, sur les réseaux sociaux.

Dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, plus d’un millier de migrants avaient tenté de franchir les triples grillages qui séparent le Maroc de l’enclave espagnole de Ceuta. Armés de pierre et de bouts de bois, munis de tenailles et de crampons en fer pour couper ou escalader les barbelés, la moitié d’entre eux a été stoppée par la police marocaine avant d’atteindre son but. L’autre moitié est arrivée au pied des grillages.

Officiellement, seuls deux sont parvenus à entrer sur le sol espagnol : blessés, ils ont été conduits à l’hôpital de Ceuta. Mais les images diffusées par des médias locaux et les explications détaillées offertes par la suite par le ministère de l’intérieur espagnol ont provoqué la colère des ONG. On y voit une pratique devenue habituelle à Ceuta, tout comme à Melilla, l’autre enclave espagnole en Afrique du Nord : le « rejet à la frontière », selon les termes utilisés par le gouvernement espagnol, ou le « refoulement à chaud », comme disent les ONG.

Deux expressions pour décrire la même chose : les gardes civils qui font descendre les migrants accrochés aux barbelés coupants de six mètres de haut, ou attendant que la fatigue ne vienne à bout de leur force et qu’ils se rendent d’eux-mêmes, pour aussitôt les livrer à la police marocaine, qui les attend derrière de petites portes découpées tout au long du mur de fer.

Pas de procédure individualisée

Si, selon les calculs du gouvernement espagnol, 106 migrants étaient parvenus à s’accrocher aux grillages espagnols, 104 auraient donc ainsi été renvoyés au Maroc. « Nous sommes inquiets de l’impossibilité pour eux d’accéder à une procédure individualisée de demande d’asile », affirme Esteban Beltran. 

Il n’est pas le seul. L’Association pour les droits de l’homme en Andalousie, la Confrérie ouvrière de l’action catholique ou l’ONG Andalousie accueil ont dénoncé un « renvoi massif » qui va à l’encontre du droit international. La représentante espagnole du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a rappelé que « s’ils ne sont pas identifiés et si leurs nécessités individuelles de protection internationale ne sont pas écoutées, c’est un refoulement. Or, les refoulements automatiques sont illégaux ».

Le gouvernement du Parti populaire (PP, droite), de son côté, s’appuie sur la très controversée loi de sécurité intérieure, surnommée « loi bâillon », entrée en vigueur en 2015, et qui a donné un cadre légal au « rejet à la frontière » jusqu’alors pratiqué dans un flou juridique.

A l’époque, le renforcement des grillages de Ceuta et Melilla, et surtout la coopération avec le Maroc en matière de contrôle de la frontière, avaient provoqué une chute importante des tentatives pour franchir les grillages des deux enclaves espagnoles.

Mais, ces derniers mois, celles-ci ont rebondi. En octobre et en décembre 2016, deux « assauts » massifs ont permis à quelque 200 et 400 migrants, respectivement, d’entrer en Espagne par Ceuta et Melilla. Et les associations soulignent que plusieurs milliers de migrants attendraient toujours leur heure, côté marocain, pour passer en Espagne.

Plus d’un millier de migrants tentent de forcer la frontière Maroc-Espagne à Ceuta
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