Bruxelles accepte la recapitalisation d’Areva par l’Etat français
Bruxelles accepte la recapitalisation d’Areva par l’Etat français
LE MONDE ECONOMIE
L’Etat actionnaire va pouvoir injecter jusqu’à 4,5 milliards d’euros dans le groupe nucléaire, en grande difficulté. Un consortium japonais s’est lui engagé à apporter 500 millions d’euros.
Sur le chantier de l’EPR de Flamanville (Manche), en mars 2016. | CHARLY TRIBALLEAU / AFP
La Commission européenne a annoncé, mardi 10 janvier, qu’elle donnait son feu vert à la recapitalisation d’Areva, levant ainsi une hypothèque majeure dans le processus de restructuration du groupe nucléaire, en grande difficulté. Elle l’assortit néanmoins de deux conditions importantes.
Au nom des règles sur les concentrations, EDF devra demander l’autorisation à Bruxelles pour le rachat (2,5 milliards d’euros) de l’activité de fabrication et de maintenance des réacteurs (Areva NP).
Autre condition importante : la cuve de l’EPR de Flamanville (Manche), forgée dans l’usine Creusot Forge d’Areva NP et présentant une concentration excessive de carbone, devra être jugée bonne pour le service par l’Autorité de sûreté nucléaire. Celle-ci se prononcera au premier semestre. EDF affirme que ses propres tests ont confirmé la résistance de cet élément clé de la sûreté de la centrale.
Acquisitions hasardeuses et surcoûts finlandais
Les autorités européennes de la concurrence indiquent que « le projet de la France d’octroyer une aide à Areva sous la forme d’une injection de capitaux de 4,5 milliards d’euros est conforme aux règles de l’Union européenne en matière d’aides d’Etat ». Globalement, ajoutent-elles, « le plan de restructuration permettra à l’entreprise de devenir viable sans fausser indûment la concurrence au sein du marché unique ».
En fait, la recapitalisation globale d’Areva sera de 5 milliards d’euros, mais le consortium japonais Mitsubishi Heavy Industries-Japan Nuclear Fuel Limited a déjà fait une offre ferme pour injecter 500 millions dans le nouvel Areva.
Le groupe doit en effet être scindé en deux entreprises distinctes, un « spin-off » rendu nécessaire par sa situation de quasi-faillite. Créé en 2001 par le mariage de Framatome et Cogema, il a accumulé 10 milliards d’euros de pertes entre 2011 et 2015 et traîne une dette de 7 milliards, une situation financière due à des acquisitions hasardeuses (la société minière UraMin en 2007) et aux surcoûts du réacteur EPR d’Olkiluoto (OL3) construit en Finlande.
Dénommé NewCo, et détenu aux deux tiers par l’Etat, le « nouvel Areva » n’abritera plus que le cycle du combustible : extraction et enrichissement de l’uranium, recyclage des déchets, démantèlement des centrales. Il bénéficiera d’une recapitalisation de 3 milliards pour renforcer son bilan et assurer son développement, dont 500 millions des partenaires japonais. En attendant un éventuel apport du chinois China National Nuclear Corporation, avec lequel l’Agence des participations de l’Etat mène d’âpres négociations.
De son côté, Areva SA gérera l’énorme passif du groupe, dont celui d’OL3, et il bénéficiera de 2 milliards d’euros exclusivement versés par l’Etat. Quant à Areva NP, qui développe l’EPR (1 750 MW) et l’Atmea (1 100 MW) tout en assurant la maintenance et l’optimisation de plus de la moitié des réacteurs dans le monde, il doit passer sous le contrôle d’EDF fin 2017 si Bruxelles accepte l’opération.
Bruxelles rassuré par l’intérêt japonais
Le conseil d’administration d’Areva, réuni mercredi 11 janvier, prendra acte du feu vert de la Commission européenne. Il confirmera la convocation d’une assemblée générale, le 3 février 2017, pour entériner l’augmentation de capital d’Areva SA. Une autre assemblée générale devrait se tenir à la même période pour la recapitalisation de NewCo.
Il y a urgence : les dirigeants d’Areva reconnaissant que l’entreprise ne passera pas 2017 sans apport d’argent frais. Mais pour obtenir l’accord de la Commission, l’Etat actionnaire devait lui apporter la preuve qu’il est un investisseur avisé et qu’il ne cherche pas à sauver coûte que coûte un canard boiteux au travers d’une aide d’Etat déguisée.
L’intérêt du consortium japonais pour le nouvel Areva restructuré a rassuré Bruxelles sur sa viabilité. Le groupe avait donné dès 2016 d’autres gages de sa volonté de s’en sortir : plan d’économies drastique, suppression de plus de 5 000 emplois dans le monde, cession d’Areva NP pour 2,5 milliards d’euros et vente d’autres actifs comme Canberra (appareils de mesure de la radioactivité), Adwen (énergies renouvelables) et Areva TA (moteurs des sous-marins nucléaires français).