2017, année de la « dernière chance »pour enrayer la tragédie des migrants
2017, année de la « dernière chance »pour enrayer la tragédie des migrants
Face à la situation d’urgence humanitaire, l’ONU et l’UE se doivent de prendre des mesures à l’échelle mondiale, sans plus tarder, estime l’ancien président du conseil italien.
Par Enrico Letta
Les dirigreants doivent trouver des solutions pour passer d’une situation chaotique à un cadre structuré de réponses institutionnelles. | Wikimédia Commons
Si la crise migratoire ne trouve pas de solutions structurelles cette année, la gouvernance européenne et mondiale risque d’éclater. Est-ce là un propos trop catastrophique ? Ne peut-on pas penser que la situation va se stabiliser sans trop de dégâts collatéraux ? Franchement, je trouve que tout dirigeant politique, tout homme d’Etat qui approcherait ce début d’année en sous-estimant le phénomène ne serait pas à la hauteur de son rôle. La toute dernière chance, c’est maintenant.
Nous pouvons et devons passer du chaos de la situation d’urgence à un cadre structuré de réponses institutionnelles. Nous avons été dépassés par la dimension du problème il y a deux ans, mais nous pouvons tirer leçon de tout cela et éviter que cela ne se répète. Voilà, selon moi, le plus grand défi politique de l’année 2017 pour l’Union européenne. Après deux années terribles, une grande catastrophe humanitaire, des milliers de morts, des dégâts politiques et sociaux, nous ne pouvons pas nous permettre de vivre une nouvelle année qui ne soit pas l’année des solutions.
Il y a déjà une bonne nouvelle pour 2017 : Antonio Guterres est le nouveau secrétaire général de l’ONU. La première édition du Youth & Leaders Summit, lancée par l’Ecole des affaires internationales de Sciences Po en janvier 2016, avait traité de l’agenda du futur leader de l’ONU. Et le dialogue entre notre millier d’étudiants et les vingt leaders du monde entier qui se retrouvaient à Paris, dans le grand amphi Boutmy, avait placé en tête de cet agenda la prise en charge du phénomène migratoire par la plus importante institution mondiale.
Un homme seul ne suffira pas
Il ne pouvait être trouvée meilleure solution qu’Antonio Guterres, ancien premier ministre portugais, et leader politique aux mille talents à la tête du palais de verre de la Ire Avenue de New York. Guterres fut le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, et son successeur, Filippo Grandi, clôturera d’ailleurs le Youth & Leaders Summit du 16 janvier, qui traitera des crises migratoires. Guterres est aussi européen et a une fine connaissance du fonctionnement des institutions communautaires : il saura identifier les blocages potentiels, ainsi que les négociations nécessaires à la réussite. Il est évident qu’un homme seul ne suffira pas à faire basculer la tendance.
2017 doit être l’année des solutions structurelles à l’échelle mondiale. Les migrants étaient au nombre de 75 millions en 1975, et sont aujourd’hui 250 millions. On ne peut en tirer qu’une seule conclusion : ce n’est pas un phénomène transitoire. Il s’agit d’une des conséquences naturelles, prévisibles et structurelles de la mondialisation. Il s’agit aussi du symptôme de situations sécuritaires dramatiques dans de nombreuses régions du monde depuis plusieurs années déjà. Les solutions sont connues et se fondent sur la nécessité d’une vraie politique de développement pour l’Afrique, d’une révision des traités internationaux, d’une gestion des flux dans l’ordre et dans la légitimité, de politiques d’intégration efficaces et, enfin, pour l’Europe, d’une gestion commune, sous le drapeau européen, des frontières.
Pour l’Europe, nous pouvons transformer la crise en opportunité. Une Union européenne qui fait l’objet de la défiance de ses citoyens et qui est affaiblie par les nationalismes peut retrouver son souffle en réussissant à faire face à des enjeux aussi importants à l’échelle mondiale que les migrations. Elle peut démontrer que ce phénomène ne peut être résolu grâce à des décisions prises uniquement à l’échelle régionale. Cela a déjà été tenté et est totalement inefficace. Seule une coopération au niveau européen offrira le spectre nécessaire à la construction et « l’implémentation » de solutions. L’Europe redeviendrait ainsi utile et retrouverait son rôle de force de solutions, et non plus de source de problèmes.
Enrico Letta est ancien président du conseil italien et doyen de L’Ecole des affaires internationales de Sciences Po, qui réunit à Paris 1 500 étudiants de master venus de 105 pays pour étudier les grandes questions internationales dont ils seront, demain, les acteurs Sciencespo.fr/psia
Youth and Leaders Summit 2017 Le Monde organise lundi 16 janvier, en partenariat avec Sciences Po Paris, une journée de débats et de tables rondes sur les crises migratoires. A suivre de 8 h 30 à 18 h30 dans l’Amphithéâtre Boutmy, du 27 rue Saint-Guillaume, Paris 7e.