Primaire à gauche : un troisième débat et quelques affrontements pour finir la campagne
Primaire à gauche : un troisième débat et quelques affrontements pour finir la campagne
Les sept candidats ont débattu sur la santé, la justice ou l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.
François de Rugy, Manuel Valls, Arnaud Montebourg, Sylvia Pinel, Benoît Hamon, Vincent Peillon et Jean-Luc Bennahmias, sur le plateau de France 2, le 19 janvier 2017. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"
C’était leur dernière occasion. Après un premier débat plutôt terne et un deuxième plus animé, la troisième manche a été émaillée de petits affrontements entre les sept candidats de la primaire à gauche, jeudi 19 janvier, sur France 2 et Europe 1.
A trois jours du premier tour, les télespectateurs ont de nouveau eu l’occasion d’entendre Manuel Valls, Benoît Hamon, Arnaud Montebourg, Vincent Peillon (Parti socialiste), François de Rugy (Parti écologiste), Sylvia Pinel (Parti radical de gauche) et Jean-Luc Bennahmias (Front démocrate).
Tous ont développé une nouvelle fois leurs propositions sous les yeux de François Hollande. Le président de la république, qui avait préféré aller au théâtre plutôt que de suivre le deuxième débat, a cette fois suivi l’émission depuis Charleville-Mézières. Voilà ce qu’il faut retenir des interventions des candidats :
- Sur la Sécurité sociale
Les candidats assurent tous vouloir préserver la Sécurité sociale, que François Fillon menace selon eux. Mais ils divergent sur le rôle des mutuelles. Vincent Peillon tout comme Arnaud Montebourg ont plaidé pour « une complémentaire santé publique ». M. Montebourg propose une « mutuelle publique » pour 10 euros par mois avec une couverture pour l’optique, les dents, et l’audition (coût 2 milliards d’euros). « Ce sera une mutuelle de la sécurité sociale », a-t-il dit.
L’ancien premier ministre Manuel Valls a lui assuré que ce sujet allait être « un des sujets majeurs de cette élection », alors que la gauche pilonne depuis son élection fin novembre le programme de François Fillon, accusé de vouloir privatiser la sécurité sociale. Il faut « sauvegarder, conforter la sécurité sociale, c’est un élément central, majeur, du débat qui s’ouvre devant les Français », a dit M. Valls, sans oublier de rappeler que la « gauche est liée au mouvement mutualiste » .
Primaire à gauche : sur les questions de santé, Valls propose la suppression du ticket modérateur et du numerus clausus
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L’écologiste François de Rugy a lui critiqué le principe d’une assurance maladie universelle, qui remplacerait les complémentaires santé, car « il faudrait retrouver 42 milliards d’euros » . « La droite de François Fillon, il ne faut pas l’oublier, son projet c’est de ramener la sécurité sociale au strict minimum, c’est une assurance maladie au rabais » . « Je défends un système mixte » , tel qu’il existe aujourd’hui, a-t-il prôné.
Sylvia Pinel, radicale de gauche, a elle aussi prôné « la préservation de notre modèle de santé » . « Il ne faut pas dérembourser certains actes, comme l’IVG, ou certaines propositions de cette droite ultralibérale qui veut effectivement tout transférer vers les assurances privées » .
- Sur la justice et la prison
Les candidats ont détaillé leur vision en matière de politique carcérale. Tous ont souligné l’importance de mettre en place des peines alternatives à l’incarcération. Des lignes de fracture sont en revanches apparues sur la question de la construction de nouvelles places de prison, une position défendue par Manuel Valls – qui propose 10 000 places supplémentaires – et par Sylvia Pinel. Benoît Hamon suggère lui de favoriser les peines alternatives, surtout pour les peines de courtes durée, et de mettre l’accent sur les services de réinsertion.
Arnaud Montebourg se place entre ces deux positions et dit ne pas avoir de « vision angélique » sur le sujet. Il estime que le dispositif de contrainte pénale créé par Christiane Taubira était « une bonne chose » mais aussi qu’il est « normal qu’un gouvernement mette en place les places de prison nécessaires ».
Citant l’exemple de Christine Lagarde qui a « été déclarée coupable mais n’a pas été condamnée » , François de Rugy a estimé qu’il devait « y avoir une réponse pénale à tout délit ».
Vincent Peillon a affirmé qu’élu, il augmenterait le budget de la justice de 5% en cinq ans.
- Sur l’égalité femmes/hommes
« Nous sommes un vieux pays de machos ! » Jean-Luc Bennahmias a résumé avec une des phrases dont il a le secret la problématique. Sur le sujet, tous les candidats sont tombés d’accord : la France peut mieux faire en matière d’égalité entre femmes et hommes, notamment dans les entreprises. François de Rugy propose un congé pour le deuxième parent, avant la naissance de l’enfant, qui serait « un temps de formation », parce qu’ « être parent, ça s’apprend ».
Sylvia Pinel et Arnaud Montebourg ont expliqué n’être pas contre un congé paternité obligatoire – « vu l’état des mentalités dans ce pays,(...) faut passer par un système plus coercitif », juge la présidente du PRG.
Vincent Peillon suggère de conditionner l’attribution du CICE au respect du principe d’égalité femmes-hommes dans les entreprises et au « rapprochement des salaires ». Manuel Valls a rappelé les efforts qui avaient été faits en politique, avec la mise en place de la parité lors des élections départementales. Benoît Hamon a proposé que le montant des pénalités pour non-respect de cette parité soit « considérablement augmenté ».
- Sur les déficits
La question sur la stratégie pour réduire la dette a donné lieu à un échange tendu entre Manuel Valls et Vincent Peillon. Ce dernier a rendu hommage à François Hollande, qui « a divisé par deux (le déficit public) que nous avait laissé Nicolas Sarkozy », ce qui a déclenché une réaction de Manuel Valls sur son propre rôle comme ancien premier ministre.
« Je suis obligé de dire quand même que le plus dur a été fait avant ton arrivée et que aujourd’hui, tu tiens des propos différents puisque tu as expliqué que ce n’étaient pas les déficits qui faisaient la croissance mais la croissance qui diminuerait les déficits, ce qu in’était pas la ligne de la politique de l’offre », a répliqué l’ancien ministre de l’éducation.
Primaire à gauche : passe d’armes entre Vincent Peillon et Manuel Valls
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- Sur le protectionnisme
Le thème du protectionnisme a permis à certains d’afficher leurs divergences. Arnaud Montebourg propose de réserver 80 % des marchés publics aux PME françaises. Il a aussi épinglé « le gouvernement qui a été dirigé par Manuel Valls », coupable selon lui d’avoir choisi une entreprise allemande pour remplacer le Famas, le fusil d’assaut français, « sans lui demander de travailler en France ».
Primaire à gauche : face au protectionnisme européen, Arnaud Montebourg défend le protectionnisme français
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Sans répondre directement à cette critique, Manuel Valls défend au contraire la place de l’Europe. « Nous avons besoin d’une Europe forte là-dessus. Il faut davantage nous protéger car le projet européen est menacé de dislocation. » Vincent Peillon, lui aussi, estime que « faire croire que la relance sera seulement franco-française est une erreur totale ». L’ancien ministre de l’éducation se dit en revanche « défavorable au traité de libre-échange CETA (entre l’Union européenne et le Canada ».
Quant à Benoît Hamon, sans adopter le protectionnisme d’Arnaud Montebourg, il préconise d’« harmoniser sur le plan social et fiscal » les conditions de travail des pays de l’Union europénne « pour éviter de se faire de la concurrence entre nous ». « L’essentiel des délocalisations sont à l’intérieur de l’Europe », rappelle-t-il.
François de Rugy, lui, « ne veut pas d’une fuite en avant dans le libre-échange comme cela a été proposé par Barack Obama avec le Tafta (projet d’accord de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis) », ni , pour autant, revenir« en arrière sur le marché unique avec les Européens ».
- Sur le revenu universel
Benoît Hamon, qui paye sans doute sa bonne dynamique dans les sondages, a vu d’emblée sa proposition phare, le revenu universel d’existence. Sylvia Pinel et Arnaud Montebourg dénoncent un coût qu’il juge démesuré et qu’ils estiment équivalent voire supérieur au budget actuel de l’état (387 milliards d’euros).
« On ne peut s’engager sur un revenu universel », dit Manuel Valls, qui « ne veu[t] pas d’une gauche qui fait des promesses illimitées, des propositions à crédit pour perdre totalement son crédit ». « Si on commence par alourdir les dépenses, alourdir les déficits, on va encore alourdir la dette » , renchérit François de Rugy.
Benoît Hamon, au moment de défendre son projet, rappelle que la première étape du financement universel est estimée à 45 milliards d’euros. Cette somme se rapproche de celle versée aux entreprises mprs du CICE et du pacte de responsabilité, argumente M. Hamon, qui revendique le revenu universel comme « un choix politique ».
- Sur les questions internationales
Dans une interview donnée cette semaine à Bild et au Times, Donald Trump a qualifié l’Otan d’« obsolète » et jugé que la politique d’accueil des migrants en Allemagne avait été une « erreur catastrophique ». Comment réagir face à ces déclarations du nouveau président américain ? La question a donné lieu à une passe d’armes entre Manuel Valls et Vincent Peillon. L’ex-premier ministre a à nouveau souligné qu’il s’agissait d’une « déclaration de guerre politique ». « Je crois qu’il ne faut pas faire la guerre tout le temps et à tout le monde », a répliqué M. Peillon, mais « garder ce mot pour une utilisation précise » . « L’indignation n’est pas utile » , a renchéri Arnaud Montebourg, qui estime au contraire que « la question européenne est fondamentale » et demande à ce que les Européens travaillent à « un nouveau traité de Rome » . « Il faut prendre au sérieux les menaces de Trump », a jugé Benoît Hamon pour qui l’Europe doit « renforcer son projet de défense commune » .
Sur la Syrie, les candidats ont tous dit qu’ils ne considéraient pas Bachar Al-Assad comme la solution politique. « Il a une responsabilité éclatante dans le martyr qu’a connu son peuple. Il aura à répondre de ses actes devant la justice internationale », a lancé Arnaud Montebourg.
- Sur Emmanuel Macron
Voilà un sujet fédérateur ! Les sept candidats ont déploré l’attitude de l’ancien ministre de l’économie, que les sondages placent haut – et systématiquement au-dessus de la personne qui sera désignée à l’issue de cette primaire.
« Il y a les sondages, puis les suffrages. Les sondages, c’est mille personnes, les suffrages, c’est peut-être deux voire trois millions de personnes », a considéré Arnaud Montebourg. « J’ai besoin de comprendre son programme, quel est-il ? Quand c’est flou, il y a un loup », a-t-il commenté dans un sourire, reprenant une formule utilisée par Martine Aubry contre François Hollande lors de la primaire de 2011.
Benoît Hamon a estimé que « celui qui gagnera la primaire de gauche aura une légitimité que Macron n’a pas. » « Les électeurs viendront voter, et c’est eux qui donneront la légitimité au candidat socialiste. Celui qui l’emportera devra rassembler, mais pas avec des vieux accords d’appareil », a appuyé Manuel Valls qui a accusé sans le nommer M. Macron de vouloir « que cette primaire ne se passe pas dans de bonnes conditions ».
Sylvia Pinel a elle considéré que « le véritable courage de M. Macron aurait été de participer à la primaire ». « Cela aurait été une marque de loyauté par rapport à son camp, qui lui a permis d’être ministre. Moi, je ne crois pas à l’homme providentiel »
- Cartes blanches
Originalité de ce troisième débat, une carte blanche était accordée aux sept candidats, afin qu’ils puissent exposer une idée de leur choix.
Jean-Luc Bennahmias souhaite créer « un socle » commun à plusieurs pays de l’Union européenne pour harmoniser le salaire minimum ou le volet fiscal. Manuel Valls propose un service civique obligatoire de six mois qui permettrait à tous les jeunes de s’engager. François de Rugy et Benoît Hamon souhaitent que la majorité soumette au Parlement un texte sur l’euthanasie.
Vincent Peillon a deux propositions : la création d’un service public de maisons de retraite et la transformation de la transmission des patrimoines, pour en finir avec la « société de l’héritage ». Arnaud Montebourg, citant un jeune, Hakim, ayant envoyé 280 CV restés sans réponse, veut faire de la lutte contre les discriminations une cause nationale. Sylvia Pinel voudrait améliorer l’accueil des personnes âgées et de leurs aidants.
Primaire à gauche : Peillon dénonce une société de « l’héritage »
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