Benoît Hamon, le frondeur arrivé en première position
Benoît Hamon, le frondeur arrivé en première position
Le député des Yvelines, arrivé en tête du premier tour de la primaire, a voulu se démarquer dans cette primaire en revendiquant son ancrage à gauche.
Meeting de campagne de Benoît Hamon, à l'Institut du judo, à Paris, mercredi 18 janvier 2017. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"
Benoît Hamon l’assure : il avait vu venir la bonne nouvelle. « Je la sens bien, moi, cette campagne ! », s’exclamait-il dès le mois de décembre. Les résultats du premier tour de la primaire, dimanche 22 janvier, lui ont donné raison : l’ex-ministre de François Hollande est arrivé en tête du scrutin, avec 35 % des voix sur un dépouillement partiel portant sur un tiers des bureaux de vote.
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Le député des Yvelines de 49 ans a longtemps été vu, au mieux, comme le troisième homme potentiel de l’élection. Ceux qui le surnommaient le « Fillon de la gauche », celui qui s’impose contre tous les pronostics face aux favoris des sondages, avaient finalement vu juste.
Le mois dernier, son équipe s’en amusait presque. « Les médias s’en veulent tellement de n’avoir pas vu venir Fillon à la primaire de la droite, qu’ils ne voudraient surtout pas louper Hamon à celle de la gauche », plaisantait il y a six semaines son directeur de campagne, Mathieu Hanotin, député de Seine-Saint-Denis.
La participation de M. Hamon à « L’Emission politique » sur France 2, le 8 décembre, a constitué un tournant dans sa campagne. Si l’audience a été plutôt faible pour le programme – 1,7 million de téléspectateurs –, sa prestation a été remarquée. « Il a été bon », concède-t-on du bout des lèvres dans l’entourage de ses concurrents. L’émission lui a aussi donné l’occasion de faire valoir ses mesures phares.
Retouches sur le revenu universel
M. Hamon a développé les deux solutions qu’il propose pour faire face à la « révolution numérique », qui va « raréfier le travail » : la réduction du temps de travail et, surtout, l’instauration d’un revenu universel de base.
En six semaines, deux points clés de la proposition de Benoît Hamon ont pourtant été discrètement supprimés, avant d’être finalement réintégrés :
- le fait que ce qu’il qualifie de « revenu universel » serait versé à terme à tous les Français de plus de 18 ans, sans condition de ressources ;
- le fait qu’il atteindrait le seuil de 750 euros par mois.
Il est désormais question d’une « grande conférence citoyenne » chargée de discuter du périmètre du revenu universel et de son calendrier. Benoît Hamon continue d’évoquer un « revenu universel », mais il ne s’engage plus clairement à mettre en place cette « révolution » sociale avant 2022, s’il remportait la présidentielle.
Dans Le Monde du 4 janvier, M. Hamon a également déclaré « envisager, à court terme, d’en finir avec l’état d’urgence, dès lors que les lois antiterroristes et renseignement permettent à la police et à la justice d’agir plus efficacement ».
L’ancrage à gauche d’un ancien militant étudiant
C’est au sein de SOS Racisme que Benoît Hamon a commencé sa vie de militant. En 1986, il est partie prenante des manifestations lycéennes et étudiantes contre la loi Devaquet, vaste mouvement qui l’incite un an plus tard à prendre sa carte à l’UNEF, principal syndicat étudiant, duquel il est resté proche. En 1993, il devient le premier président du Mouvement des jeunes socialistes, un poste qu’il conservera jusqu’en 1995.
Délégué national du PS chargé de la jeunesse, le jeune Hamon se rapproche ensuite de Lionel Jospin, dont il sera conseiller pour la jeunesse pendant la campagne présidentielle de 1995. Il sera élu député européen de la circonscription Est entre 2004 et 2009, puis conseiller régional d’Ile-de-France entre 2010 et 2014, en parallèle de sa charge de porte-parole du parti socialiste, de 2008 à 2012.
Au cours de son ascension au Parti socialiste, Benoît Hamon s’est inscrit dans une tendance réformiste, notamment au sein du Nouveau Parti socialiste, un courant interne au PS qu’il cofonde avec Arnaud Montebourg et Vincent Peillon après le choc du 21 avril 2002, qui a vu la gauche éliminée au premier tour de la présidentielle.
Ministre délégué à l’économie sociale et solidaire (2012-2014), puis de l’éducation nationale (avril-août 2014), l’ex-porte parole du PS compte se démarquer du quinquennat écoulé et revendique son ancrage à gauche. Il disait, dès le 16 août, son désir de rompre avec « les quinquennats [qui] se succèdent », avec « les hommes providentiels aussi ».
Il est l’un des plus prompts à s’être déclarés pour la primaire, prenant de vitesse son plus proche rival, Arnaud Montebourg – l’ancien ministre de l’économie devait annoncer sa candidature quelques jours plus tard. M. Hamon n’avait eu d’autre choix que de quitter le gouvernement le même jour que M. Montebourg, en août 2014 ; lors de la fête de la rose, à Frangy-en-Bresse (Saône-et-Loire) les deux hommes avaient milité pour un changement de cap de la politique économique menée par le gouvernement de Manuel Valls.
Bilans contrastés à Bercy et à l’éducation nationale
Lors de son passage à Bercy, en tant que ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire, de mai 2012 à mars 2014, Benoît Hamon a mené quelques chantiers significatifs dont la loi sur l’économie sociale et solidaire (ESS), qui donne un cadre à un secteur – regroupant notamment les mutuelles, les coopératives, les associations… – jusque-là mal défini. Adoptée en juillet 2014, la loi définit, pour la première fois, l’ESS comme un « mode d’entreprendre et de développement économique ».
Son autre grand projet fut la loi sur la consommation, adoptée en mars 2014. Elle propose un panel d’outils pour améliorer la protection des consommateurs comme l’action de groupe, la facilitation de la résiliation du contrat d’assurance, la mise en place d’un registre du crédit ou l’augmentation du délai de rétractation pour le commerce en ligne. Le ministre quitte son poste peu après l’adoption de cette loi pour rejoindre le ministère de l’éducation nationale.
Mais il ne passera que cent quarante-sept jours rue de Grenelle où il a succédé à Vincent Peillon en mars 2014, avant de suivre Arnaud Montebourg et de quitter le gouvernement en août de la même année. Au cours de ses quelques mois comme titulaire de ce portefeuille, M. Hamon n’a pas eu le temps de lancer de chantier majeur et laisse un bilan mitigé. Chargé de déminer le dossier de la réforme des rythmes scolaires, il lâche du leste sans pour autant calmer la fronde.
Il a également reculé sur les ABCD de l’égalité, outil pédagogique de promotion de l’égalité homme-femme, après la polémique lancée notamment par les opposants au mariage pour tous. Enfin, M. Hamon a été contraint de renoncer à faire avancer un dossier qui lui tenait à cœur : celui de la réforme de l’évaluation des élèves. Il démissionne avant d’effectuer sa première rentrée.
Revenu universel : le revirement de Benoît Hamon
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