Dans le bureau de vote 413 de l’école Jean-Zay, dans le quartier Saint-Maurice Pellevoisin, à Lille, 460 personnes étaient venues voter au premier tour de la primaire de La Belle Alliance populaire, dimanche 22 janvier, dont 49,89 % pour Benoît Hamon. Une semaine après, même ambiance, mais un gros changement : il y a beaucoup plus de monde. « De 65 électeurs à 11 heures dimanche dernier, on est passé à 121 à 11 h 30 », explique Martine Bloch, la présidente du bureau.

Parmi les nouvelles têtes, Brahim Fenzi, venu voter pour Hamon avec sa compagne. Pas présent à Lille la semaine dernière, ce conseiller au Pôle Emploi est venu voter pour « celui qui incarne le plus la gauche ». Hier soir, lors d’un dîner avec une dizaine d’amis, le débat a porté sur la présidentielle : « Environ la moitié des potes voteront Hamon au premier tour, l’autre moitié, plus pragmatique, pour Macron. » Lui votera Hamon.

« Depuis Mitterrand, on n’a plus voté par conviction. Moi, à 48 ans, je n’ai jamais voté par conviction ! Ça fait longtemps qu’on n’avait pas eu un candidat qui incarne le socialisme. Avec Hollande, on était emballés. On a déchanté après. »

Annie Lepage non plus n’a pas voté au premier tour, mais après les propos de Benoît Hamon sur la laïcité et sur « le partage des héritages », impossible pour elle de rester silencieuse. « Je suis issue d’une famille monoparentale. Tout ce que j’ai, je l’ai gagné en travaillant et je veux que ça aille à mes enfants. » Licenciée économique à deux reprises, cette jeune retraitée de 64 ans, plutôt tendance Bayrou, a l’impression « que les classes moyennes vont devoir partager », et c’est non. Elle a donc voté Manuel Valls, mais elle avoue être totalement perdue pour la présidentielle.

« C’est terrible ! Ce n’est jamais arrivé à une élection présidentielle de ne pas savoir pour qui voter ! »

« S’il y a une alliance » à gauche, « on suivra »

Axelle Morino, 36 ans, et Julien Havet, 38 ans, ont voté aux deux tours des primaires, de la gauche et de la droite. Tous les deux pour Hamon à celle de la gauche. Mais pas pour les mêmes raisons. Axelle, de gauche, apprécie le candidat mais pourrait voter Macron à la présidentielle. « J’attends de voir son programme ». Julien Havet, ni gauche ni droite, serait plutôt Fillon : « Je pourrais voter pour lui, c’était mon choix pour les primaires, ça ne m’effraie pas. Je n’ai pas de chapelle politique et, surtout, j’attends les débats entre la droite et la gauche. »

En cette froide matinée légèrement ensoleillée, tous ces électeurs semblent prendre goût aux débats politiques. Ça discute, ça échange, ça se renseigne sur les programmes. Daniel et Françoise Poisson, 69 et 70 ans, universitaires retraités y voient un réveil des électeurs : « On est venus voter pour montrer que le peuple de gauche n’est pas mort. Après, pour la présidentielle, on verra en fonction de ce qu’il va se passer. »

Françoise veut voter en fonction de ses convictions et pas en fonction de tactiques. « S’il y a une alliance autour d’un collectif de gauche, on suivra », nous confient-ils. Ces électeurs de Hamon rêvent d’une coalition qui irait du Modem au PCF, « comme lors des municipales à Tourcoing, c’était constructif. Faut arrêter de gouverner avec 15 % dans ce pays ! On ne s’en sortira pas ! Mais la grande coalition, ce n’est pas la tradition française ».

Chapeau sur la tête, ancien de la SFIO, Daniel Ponce, 77 ans, rêve de voir le PS se reconstruire. « Il a déjà explosé en 1964 et en 1993. Il ne faut pas que ça recommence ». En mai prochain, il votera Hamon s’il est élu ce soir, même s’il ne le voit pas président de la République. « Y a Macron, c’est trop divisé. » Une seule chose est sûre pour lui : une fois seulement dans sa vie, il a voté à droite. C’était pour le général de Gaulle. Et il ne recommencera pas, même avec un Le Pen-Fillon au second tour.