La Flamande Romanie Schotte s’excuse en indiquant avoir souhaité mettre une émoticône cornet de glace à la place d’un étron. | Benoît Doppagne/Belga/Maxppp

En Belgique, tout est bon pour raviver le vieux conflit entre Flamands et Wallons. Même l’élection d’une Miss. Le choix, assez rocambolesque, de Romanie Schotte, 19 ans, le 14 janvier – au cours d’une cérémonie consternante organisée dans un parc d’attractions de la cité balnéaire de… La Panne – avait de quoi susciter la polémique. Parce que la jeune étudiante en marketing, qui ne partait pas favorite, est la quatrième néerlandophone d’affilée qui remporte le concours. Parce qu’elle a, aussi rapidement que maladroitement, tenu des propos hostiles à la presse francophone, qui s’interrogeait sur le déroulement de ce drôle de concours. Et surtout parce qu’elle a été taxée de racisme, avant de tenter de se défendre en soulevant un problème à haute portée philosophique : un cornet de glace au chocolat peut-il être confondu avec un étron fumant ?

Explication ? Quelques heures après son élection, la jeune habitante de Bruges voyait exhumée par un petit malin une photo qu’elle avait publiée sur Instagram (et supprimée depuis). Romanie Schotte y apparaissait, tout sourire, dans un autobus. À l’arrière-plan, on distinguait un homme de couleur noire. Présence qui suscita une réaction nauséabonde de l’un de ses contacts, lui demandant si elle avait vu « that nigga ». Aux États-Unis, cette formule argotique est jugée affectueuse lorsqu’elle est utilisée par des Afro-Américains, mais insultante quand des Blancs en usent. « Je sais », répondait la jeune fille à son ami, assortissant cette sentence d’une émoticône en forme d’excrément. Racisme bête et méchant ?

La photo postée sur Instagram, retirée depuis, à l’origine du « caca gate ». | Capture d'écran Web

Un organe officiel de lutte contre la xénophobie annonçait illico l’ouverture d’un dossier, les réseaux sociaux bruissaient et Miss Belgique, soutenue par son entourage, était contrainte à un peu glorieux rétropédalage. Elle admettait avoir peut-être commis une « faute » mais jurait qu’elle était « ouverte à toutes les cultures ». Pour preuve, ajoutait-elle, un selfie réalisé avec « cinq hommes noirs » venus, un jour, vers elle. Et aussi que son papa fait du business en Afrique. Quant au douteux « smiley », il n’avait rien d’insultant puisqu’il représentait… une glace au chocolat.

L’ombre de Donald Trump

L’affaire a pris une telle ampleur que des débats télévisés lui ont été consacrés. Au cours de l’un d’eux, un chroniqueur francophone affirmait voir dans ce triste épisode la conséquence d’une complète libération de la parole raciste en Flandre. Une région où un responsable nationaliste au discours particulièrement musclé, le secrétaire d’État à la migration Theo Francken, est en tout cas devenu l’homme politique le plus populaire, même s’il est accusé par l’opposition d’être le « sous-traitant de Trump ». Au cours de ce talk-show, Romanie Schotte a en revanche pu compter sur le soutien de l’un des éditorialistes les plus influents de sa région. Il a expliqué, en souriant lui aussi, que l’émoticône dont elle avait usé n’était rien d’autre qu’une image enfantine, devenue aussi une peluche, un doudou, paraît-il, très apprécié des bambins flamands !

« Il est difficile de croire que cette élection n’est pas truquée. » Un membre du jury, anonyme

La polémique n’est pas close et elle n’est peut-être pas étrangère au fait que Miss Belgique a été remplacée par une autre Flamande au concours de Miss Univers, remporté par Miss France le 30 janvier à Manille. Officiellement, Romanie Schotte n’a « pas pu » participer à la préparation du concours, et donc à l’élection.

Pour les organisateurs (néerlandophones) du concours belge de beauté, le « caca gate » a, en tout cas, le grand mérite de détourner l’attention vers autre chose que les nombreuses
révélations sur la vraie nature de cette manifestation. Jugée prudemment « un peu trop flamande » par un membre du jury, l’élection a été qualifiée de « mascarade » par une autre
personnalité présente, qui a toutefois préféré rester anonyme. « Il est difficile de croire qu’elle n’est pas truquée » déclarait ce témoin à lalibre.be, vendredi 20 janvier. Principalement visée, Darline Devos, présidente du Comité national et présidente du jury. Que l’on a vue, naguère, poser, lors d’un concours Miss Univers, au côté de… Donald Trump.

Romanie Schotte s’explique dans l’émission « De quoi je me mêle », de la chaîne belge RTL TVI