L’Oréal envisage la vente de The Body Shop
L’Oréal envisage la vente de The Body Shop
LE MONDE ECONOMIE
La marque britannique n’a pas réussi à se relancer. Le chiffre d’affaires de L’Oréal est en hausse de 17,6 %.
Boutique The Body Shop à New York. | Daniel Zuchnik / WireImage
L’information révélée par le Financial Times mercredi 8 février a été confirmée par L’Oréal lors de l’annonce des résultats du groupe jeudi 9 au soir. Le géant français des cosmétiques, dont le chiffre d’affaires a augmenté en 2016 de 2,3 % pour atteindre 25,84 milliards d’euros, a mandaté la banque Lazard pour « explorer toutes les options stratégiques concernant le capital de The Body Shop afin d’offrir à cette affaire le maximum d’opportunités et lui donner toutes les chances de se développer ». Et donc trouver un repreneur à cette marque emblématique, lancée en 1976 au Royaume-Uni par la militante de la cause animale et écologiste Anita Roddick.
Kering bat des records en 2016
Avec un chiffre d’affaires de 12,38 milliards d’euros pour l’année 2016, en hausse de 6,9 % (+ 8,1 % en comparable), Kering enregistre sa plus forte progression depuis 2012. Le second semestre a été particulièrement favorable pour le groupe de luxe français. Les ventes de ses marques phares s’envolent : Gucci termine l’année à 4,37 milliards de chiffre d’affaires (+ 12,3 %) et Yves Saint Laurent passe la barre du milliard, à 1,22 milliard d’euros (+ 25,3 %). Bottega Veneta, en cours de transition et particulièrement exposé aux flux touristiques, recule au contraire de 8,7 %, à 1,17 milliard d’euros. Puma bondit aussi de 7 % (10,4 % en comparable) à 3,64 milliards d’euros, bénéficiant notamment des bons résultats sur la chaussure (+ 13 %) et l’e-commerce. Le résultat opérationnel du groupe français s’établit à 1,88 milliard d’euros, soit une croissance de 14,5 % par rapport à 2015.
La chaîne, qui compte aujourd’hui plus de 3 000 magasins dans 66 pays, avait été acquise en 2006 par L’Oréal pour 940 millions d’euros. Selon les informations du quotidien britannique, le leader mondial des cosmétiques la mettrait en vente pour un milliard d’euros. « En dix ans, nous avons fait nos meilleurs efforts pour relancer The Body Shop mais les résultats des trois dernières années notamment ne vont pas dans le bon sens, commente Jean-Paul Agon, président-directeur général de L’Oréal. Nous souhaitons concentrer nos ressources sur des affaires qui se développent. »
L’Oréal avait été séduit par le positionnement original de l’enseigne spécialisée dans les cosmétiques et parfums à base d’ingrédients naturels, très engagée auprès des défenseurs de la cause animale et du développement durable. « Attention, l’acquisition de The Body Shop nous a permis d’accélérer sur ces questions cruciales dans toutes les divisions du groupe, reconnaît Jean-Paul Agon. Aujourd’hui, ces valeurs se sont répandues partout, c’est une bonne chose, mais la marque a du coup perdu de son originalité. »
Recul des ventes
En 2016, The Body Shop a vu ses ventes reculer de 4,8 % à 920,8 millions d’euros. Et sa rentabilité a encore baissé en 2016 à 3,7 %. Alors que toutes les divisions du groupe (luxe, produits professionnels, grand public et cosmétique active) l’améliorent, à plus de 20 % chacune. « Dans son pays d’origine, la Grande-Bretagne, qui reste aussi son principal marché, The Body Shop connaît une croissance plutôt faible, tournant autour de 1 % ces dernières années. Elle réussit mieux sur les marchés asiatiques, comme l’Inde ou l’Indonésie, où ses ventes connaissent des progressions à deux chiffres », résume Nicholas Micallef, analyste beauté et cosmétiques chez Euromonitor International. « Si L’Oréal levait le pied au Royaume-Uni, ce serait certainement sujet à controverse. Et, donner plus de moyens à la marque en Asie ne fait pas partie de ses priorités. Le groupe se concentre sur la conquête de la Chine et y réussit plutôt bien avec Garnier, et le lancement en 2016 de la ligne Ultra Doux. De plus, les résultats de Magic Holdings [spécialiste des masques de soin du visage], acquise en 2014, laissent encore à désirer : le groupe doit user efficacement ses ressources pour transformer cette acquisition chinoise en opération intéressante », ajoute M. Micallef. Elle l’a été pour le moment en termes de technologie car le savoir-faire de Magic a pu être développé sous la marque Garnier, dont les masques de soin vendus en grande surface représentent « l’un des plus grands succès du groupe en 2016 ». Le problème de Magic est qu’il fait face sur son marché chinois à une très forte concurrence qui lui a fait perdre son leadership.
Pas de quoi saper le moral de M. Agon qui s’est réjoui, jeudi, de pouvoir « confirmer la solidité du groupe dans un environnement relativement chahuté : L’Oréal poursuit sa croissance imperturbablement ». En particulier, L’Oréal Luxe, qui renforce significativement ses positions avec un chiffre d’affaires de 7,66 milliards d’euros (+ 6 %) tiré par les bons résultats d’Yves Saint Laurent tant dans le maquillage que la parfumerie (avec Black Opium et Mon Paris). La division cosmétique active gagne des parts de marché mondialement, confirmant l’engouement des consommateurs pour les soins à connotation « médicale » (1,86 milliard d’euros, en hausse de 2,4 %).
Boom du marché du maquillage
Quant à la division des produits grand public, après deux ans plus ternes, elle « surperforme son marché en 2016, lance Jean-Paul Agon, grâce aux paris que nous avons faits sur l’e-commerce et le marketing digital et sur le boom du marché du maquillage qui croît de 8 % tandis que L’Oréal progresse de 15 % ». En tête de peloton dans cette division qui pèse 11,99 milliards d’euros (+ 1,3 %) en 2016, on peut citer NYX (racheté en 2014) mais aussi Maybelline et L’Oréal Paris.
Fort d’un résultat d’exploitation de 4,54 milliards d’euros, en croissance de 3,5 %, à 17,6 % du chiffre d’affaires, L’Oréal mise aujourd’hui massivement sur la dermocosmétique. Le groupe vient de racheter, mi-janvier, trois marques de soins de la peau au canadien Valeant Pharmaceuticals pour 1,3 milliard de dollars. Inconnues en France, CeraVe, AcneFree et Ambi sont distribuées dans les drugstores aux Etats-Unis. « CeraVe a un fort potentiel de développement, commente M. Agon, car c’est une marque de soins formulés et conseillés par les dermatologues mais accessibles. Nous allons largement la distribuer à travers le monde. » Ces acquisitions vont suite à celle l’an dernier de la jeune marque américaine de soin et de maquillage pour les peaux à problèmes, IT Cosmetics, pour 1,2 milliard de dollars.