Ils étaient près de deux mille, selon la préfecture de police de Paris, à s’être rassemblés samedi 11 février à Bobigny, en Seine-Saint-Denis, contre les violences policières et en soutien à Théo L., victime d’un viol présumé lors d’une intervention de police le 2 février, à Aulnay-sous-Bois. Mais peu de temps après la fin de l’événement, des incidents ont éclaté en marge du rassemblement et se sont soldés par l’arrestation de trente-sept personnes, selon une source policière.

Samedi soir, la préfecture de police a publié un communiqué dans lequel, après avoir listé des « exactions et dégradations » commises par des « centaines d’individus violents et très mobiles », elle assure que des policiers ont « dû intervenir pour porter secours à une jeune enfant se trouvant dans un véhicule en feu ».

« Je ne suis pas un héros, je veux juste rétablir la vérité »

La version de la police a été rapidement contredite par le témoignage d’Emmanuel Toula, un adolescent de 16 ans qui a raconté au Bondy Blog avoir secouru la fillette :

« Des jeunes lançaient des pierres, c’était du grand n’importe quoi. Ils étaient nombreux, impossible de dire combien. La voiture s’est retrouvée au milieu de ce groupe. Ils ont commencé à prendre à partie la voiture. Le véhicule ne pouvait plus bouger, ni avancer, ni reculer. Parmi les jeunes, certains avaient des cagoules. Ils ont commencé à mettre la poubelle en feu juste devant la voiture. »
« J’ai ouvert la portière, tétanisé. (…) La fille était à l’arrière. (…) J’ai réussi à lui enlever sa ceinture de sécurité. Je l’ai prise alors dans mes bras, toujours tremblant, puis j’ai essayé de courir. (…) Je ne suis pas un héros, je veux juste rétablir la vérité et la justice. Il n’y avait aucun policier lorsque j’ai sorti la petite fille de la voiture. »

Le jeune homme explique avoir ensuite été aidé par deux hommes, à qui il a confié la fillette. Samir Elyes, présenté par le Bondy Blog comme un de ces hommes, a publié une vidéo sur Facebook, dans laquelle il confirme cette version et déclare :

« En aucun cas, les CRS ne l’ont sauvée, (…) les CRS étaient en train de gazer et s’il n’y avait pas eu ce petit jeune (…), la petite, Dieu sait seul ce qu’il lui serait arrivé. »
« Thomas [le second homme] a dû appeler les pompiers parce que les policiers ne voulaient rien entendre, ne voulaient pas la prendre en charge ; ensuite les pompiers ont attendu une demi-heure avec Thomas et la police municipale l’a pris en charge, et de là, ses parents sont venus la récupérer. »

Rétropédalage

Face à la multiplication de témoignages allant dans ce sens, la préfecture de police a publié dimanche un tweet aux airs de rétropédalage pour « saluer le courage du jeune homme qui a sorti » l’enfant de la voiture.

« Nous n’avons jamais déclaré que la police avait sorti l’enfant du véhicule, c’est un manifestant qui a sorti l’enfant de la voiture », a par la suite soutenu la préfecture de police, jouant sur l’ambiguïté de la phrase publiée dans son premier communiqué. Une source policière a précisé à l’Agence France-Presse que « les forces de l’ordre ont aidé à chercher ses parents juste après qu’elle a été sauvée ».

Revenant sur les circonstances de l’événement, Sarah, une militante de 24 ans venue prendre des photos de la manifestation, assure au Monde que « la petite n’a pas été sauvée du feu puisqu’il n’y avait pas encore le feu ni sur la voiture ni sur la poubelle ». Elle raconte ne pas avoir compris ce qu’il se passait, mais avoir « vu un jeune homme sortir de la foule, extirpant une jeune fille à bout de bras » :

« Il y avait de la fumée qui sortait du regroupement mais je n’ai pas vu si elle sortait du capot ou de la poubelle. Et il y avait aussi la fumée des gaz lacrymogènes. C’était le bazar. Le danger c’était la foule, les gaz lacrymogènes, la fumée, les tirs de Flash-Ball et la petite au milieu de tout ça, pas le feu. »

Elle dit n’être « pas certaine que des gens [aient] bloqué la voiture », parlant plutôt d’un « mouvement de foule » :

« On était nombreux et c’est un peu nous, en fuyant, qui l’avons bloquée. »