Président Trump, semaine 3 : tout va mal, tout ne va pas si mal
Président Trump, semaine 3 : tout va mal, tout ne va pas si mal
Par Gilles Paris (Washington, correspondant)
Coups d’éclat, marches arrières, tête-à-queue et bouderies : les débuts d’une nouvelle administration sont toujours chaotiques, mais l’imprévisibilité du président ajoute à la confusion.
Tout va mal. La justice ne veut rien entendre des messages comminatoires publiés par Donald Trump sur son compte Twitter, et continue de bloquer son décret anti-immigration. Une partie du pays gronde, et de plus en plus d’élus républicains vont à la rencontre de leurs administrés la peur au ventre. En Californie, Tom McClintock a été évacué par la police d’une réunion publique, pris d’assaut par des militants hostiles au président. Dans le Tennessee, John Duncan a préféré annuler la sienne pour ne pas fournir de tribune, selon lui, « aux extrémistes, aux cinglés et aux radicaux ».
Six Patriots, joueurs de l’équipe de la Nouvelle-Angleterre qui a remporté sur le fil le Super Bowl, dimanche 5 février, ont décidé de bouder la traditionnelle visite à la Maison Blanche. Pour ne rien arranger, les articles de luxe qui portent la griffe de la fille du président, Ivanka, ont été retirés des boutiques d’un grand distributeur – Nordstrom – après une chute drastique des ventes. Ulcéré, Donald Trump a dénoncé jeudi matin sur son compte Twitter une mauvaise manière faite aux intérêts économiques familiaux, piétinant allègrement une frontière éthique défendue actuellement par aucun mur.
Sa conseillère Kellyanne Conway, qui a un bureau à la Maison Blanche, a renchéri en conseillant au public de l’émission matinale de Fox News d’acheter hic et nunc, sur Internet, des articles de cette « merveilleuse collection » injustement traitée. L’action du distributeur avait été cueillie à froid à l’ouverture des marchés par le message vengeur, mais elle a terminé la semaine au plus haut, une petite humiliation supplémentaire.
Un Président imprévisible
Les débuts d’une nouvelle administration sont toujours chaotiques, mais l’imprévisibilité du président ajoute à une impréparation manifeste, qui se traduit par les innombrables trous que compte encore la nouvelle Trump Organization. Jeudi soir, à Washington, à un dîner donné par l’ambassadeur d’un pays arabe, un fonctionnaire du département d’Etat manifestement démocrate, se félicitait de l’arrivée annoncée d’Elliott Abrams comme numéro deux du nouveau patron de la diplomatie américaine, Rex Tillerson.
Cet ancien néo-conservateur avait en effet pour lui de connaître la maison comme sa poche. Un moindre mal par ces temps troublés. Mais, le lendemain, tout était à refaire, M. Trump n’ayant décidément pas digéré les critiques que M. Abrams lui avait adressées pendant la campagne.
A dire vrai, l’improvisation, le désordre et les annonces hâtives suivies de retraites plus ou moins piteuses avaient déjà constitué l’essentiel de la campagne de Donald Trump. Elles n’avaient pas empêché une marche aussi triomphale qu’imprévue. Et les coups d’éclat permanents du président tonitruant n’empêchent pas de discrètes marches arrières, notamment diplomatiques.
Le transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, qui devait intervenir en un temps record ? Nous verrons. La mâle remise en cause de la politique « d’une seule Chine », pilier de la relation sino-américaine ? Il n’en est plus question. Ce Japon qui profitait sans vergogne du bouclier militaire américain tout en inondant les Etats-Unis de ses produits ? M. Trump ne se lasse pas de la compagnie de son premier ministre.
Samedi matin, sans doute sous l’effet des décisions contraires à ses plans d’un juge fédéral et d’une cour d’appel, le président a décrété que la justice américaine ne fonctionnait pas. La veille, il avait à nouveau dénoncé une fraude électorale qui a manifestement échappé à tout autre que lui, cette fois-ci pour expliquer la défaite en novembre d’une sénatrice républicaine du New Hampshire. M. Trump ne change pas, mais il ne cesse de le répéter dès que l’occasion s’y prête : il est convaincu d’être là pour deux mandats, huit ans, cent quatre semaines moins trois.