« La stratégie à adopter face à l’UE constitue la principale pierre d’achoppement entre Hamon et Mélenchon »
« La stratégie à adopter face à l’UE constitue la principale pierre d’achoppement entre Hamon et Mélenchon »
Par Alain Beuve-Méry
Alain Beuve-Méry, journaliste au « Monde », a répondu à vos questions au sujet des négociations en cours sur le rassemblement à gauche entre Benoît Hamon, Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon.
Où en sont les négociations entre Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot pour un rassemblement à gauche ? Le Parti communiste peut-il « lâcher » M. Mélenchon ? Quelles sont les principales divergences entre les candidats de gauche ? Alain Beuve-Méry, journaliste au Monde a répondu à vos questions sur le « live ».
André : Pouvez-vous nous faire un rapide résumé de la situation pour les négociations s’il vous plaît ?
Alain Beuve-Méry : Pour le moment, il n’y a pas de négociations officielles engagées. Jean-Luc Mélenchon attend toujours que Benoît Hamon le contacte, comme il s’était engagé publiquement à le faire.
Giorgio : Quels sont les points de divergences entre Hamon et Mélenchon ?
Ils n’ont pas forcément été explicités au grand jour, car on ne connaît que les grands axes du programme de Benoît Hamon. Mais, on peut constater des divergences, en politique internationale, que ce soit sur l’attitude à avoir face à la Russie, ou bien sur la manière de relancer l’Union européenne. Sur le plan économique et social, M. Mélenchon ne soutient pas le projet de revenu universel porté par le candidat socialiste.
Jérémie : Le principal point de divergence entre les programmes du Parti socialiste et celui de La France insoumise n’est-il pas celui de la position à tenir vis-à-vis de l’Union européenne (UE) ? D’un côté, Jean-Luc Mélenchon entend, pour appliquer le programme pour lequel il aura été élu, imposer un rapport de force avec l’UE. Pour ne pas finir comme Tsipras en Grèce, la sortie de l’UE et de l’euro ne seront pas exclues. De l’autre, Benoît Hamon souhaite renforcer l’intégration européenne, ce qui est en contradiction totale avec une volonté de mener un programme de gauche… D’où l’impossibilité d’une alliance entre un candidat qui se donne les moyens d’appliquer un programme de gauche, et un autre qui se les refuse catégoriquement…
Jérémie, je partage votre point de vue. La stratégie à adopter face à l’Union européenne et les voies et moyens d’une relance de la construction constituent la principale pierre d’achoppement entre les deux candidats de gauche.
Manu : Pour ma part, je ne crois pas une seule seconde au retrait volontaire de Jean-Luc Mélenchon. Par contre, ne pourrait-on pas avoir une modification d’attitude du Parti communiste français avec, en cas de refus de Mélenchon, un soutien à la candidature Hamon ? Et, dans un tel cas, le problème des 500 signatures ne redeviendrait-il pas d’actualité pour Jean-Luc Mélenchon ?
En fait, cette démarche est déjà commencée. Un appel circule depuis peu, au sein du Parti communiste français (PCF) pour demander à « sortir de l’immobilisme » et pour demander que le PCF se mette en marche pour appuyer une démarche en faveur d’une candidature commune de gauche. En clair, le débat est lancé à l’intérieur du PCF pour un soutien plus explicite à la candidature de Benoît Hamon, et au détriment de celle de Jean-Luc Mélenchon.
En revanche, Jean-Luc Mélenchon, en campagne depuis un an, ne devrait pas avoir de difficultés pour recueillir ses 500 parrainages, compte tenu de la dynamique de sa campagne et des gros efforts faits en amont…
Javet : Est-il envisageable que les instances du PCF « lâchent » Mélenchon pour rejoindre Hamon ? Quel poids pourrait avoir une telle décision sur l’électorat traditionnel communiste (et celui de Mélenchon) ?
Il ne devrait pas y avoir d’abandon en rase campagne, mais cela peut-être un moyen pour le PC de faire pression sur Jean-Luc Mélenchon, alors que le Parti communiste en 2017 a peu de prise sur la campagne du leader de La France insoumise.
Askip : Dans le cas où Benoît Hamon se désisterait au profit de Jean-Luc Mélenchon, le Parti socialiste serait-il obligé d’être absent, ou pourrait-il présenter un autre candidat ?
Tout l’intérêt de votre question repose sur le « dans le cas où ». Pour le moment, au sein du PS, on envisage un désistement uniquement en faveur du candidat élu lors de la primaire à gauche.
Si d’aventure les sondages donnaient Jean-Luc Mélenchon loin devant Benoît Hamon, et ce sur le long terme, des interrogations pourraient peut-être voir le jour. Mais tout cela reste par conséquent très hypothétique.
Orbe : Une candidature commune entre Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon ne risquerait-elle pas de faire fuir une partie de l’électorat de Benoît Hamon vers Emmanuel Macron ?
Cela peut effectivement renforcer la frange des électeurs socialistes, déjà réticents à se rallier à la candidature de Benoît Hamon… Quand vous vous avez deux visions de la gauche qui s’opposent sur les questions économiques, sociales, institutionnelles, internationales, voire sur les enjeux de société, cela peut conduire au grand écart.
Clément063 : Je ne vois ni Hamon, qui a été sélectionné à la suite d’une primaire ayant mobilisé près de 2 millions de personnes, ni Mélenchon, qui se dit en campagne depuis un an et qui semble très (trop ?) obstiné à vouloir se présenter, se retirer. Dans le cas d’une candidature unique, est-ce que la seule possibilité est que ces deux-là forment un couple « président-premier ministre » ?
Sous la Ve République, on n’élit pas traditionnellement de ticket présidentiel. De fait, aucun candidat à gauche, comme à droite n’annonce le nom de son premier ministre, avant d’être élu. Le choix du premier ministre reste une prérogative du chef de l’Etat, nouvellement élu et qui bénéficie de l’onction démocratique (le nombre de voix, en millions, qui se sont portés sur son nom).