Mobilité bancaire : la guerre commerciale est déclarée
Mobilité bancaire : la guerre commerciale est déclarée
LE MONDE ECONOMIE
Les concurrents de Boursorama cherchent une parade à son offensive. LCL dote ses commerciaux d’un argumentaire pour contrer la banque en ligne.
La possibilité de changer de banque plus facilement, offerte aux clients depuis moins de deux semaines, met déjà le secteur bancaire en émoi. Depuis le 6 février, en application de la loi Macron, il revient aux banques de s’occuper de toutes les formalités lorsqu’un client souhaite transférer son compte dans un autre établissement : il suffit, pour le consommateur, d’adresser un mandat et un relevé d’identité bancaire à sa nouvelle banque.
Ce nouveau dispositif, automatisé et soumis à des délais très encadrés, vise notamment à stimuler la concurrence entre les enseignes. Un objectif qui semble déjà atteint, comme en témoigne la bataille commerciale que se livrent les établissements.
LCL a ainsi constaté des volumes de mandats en provenance de Boursorama supérieurs à leur poids naturel sur le marché depuis l’entrée en vigueur de la loi Macron. « Nous avons contacté nos clients et découvert que certains ne voulaient pas fermer leur compte, mais seulement transférer certaines opérations sur leur compte Boursorama », explique-t-on au sein de la banque.
Sur la défensive
Sur la défensive, la direction de l’ancien Crédit lyonnais a envoyé à ses équipes dans les agences un « Argumentaire Boursorama » destiné à contrer, auprès de ses clients, l’offensive commerciale de la banque en ligne. Dans le courrier interne qui accompagne ces consignes, dont Le Monde a obtenu copie, un membre du comité exécutif de LCL affirme que ces « attaques (…) suscitent l’étonnement des clients et des collaborateurs. »
A l’aide du vade-mecum transmis à ses conseillers, LCL entend désormais vérifier que, pour chaque mandat en provenance de Boursorama, le client est bien à l’origine de la demande de mobilité. « Nous procédons aux vérifications et examinons toutes les actions possibles pour contrer ces attaques ciblées », souligne encore le dirigeant à l’intention de ses commerciaux.
De son côté, la banque en ligne se défend de forcer la main de ses nouveaux clients. « Ceux qui ouvrent un compte chez nous peuvent choisir de transférer la domiciliation d’un seul prélèvement ou bien toutes leurs opérations, mais dans les deux cas nous demandons à leur ancien [établissement] de nous transmettre la liste de toutes leurs opérations sur les treize derniers mois, et il revient aux clients de cocher celles qu’ils veulent rapatrier », détaille-t-on chez Boursorama.
« Pas fair-play du tout »
« Notre dispositif et notre démarche commerciale sont parfaitement loyaux. Je ne vois pas pourquoi, alors qu’un texte législatif incite à la mobilité bancaire totale, ce serait un problème de proposer une mobilité partielle. Qui peut le plus peut le moins, s’agace Benoît Grisoni, le directeur général adjoint de Boursorama. Toutes les banques ne proposent pas ce mécanisme, mais heureusement qu’on ne fait pas de la banque comme tout le monde. »
Face au risque de perdre des clients chèrement acquis, plusieurs établissements mettraient par ailleurs peu de zèle à jouer le jeu de la mobilité. « Certaines banques traditionnelles ne sont pas fair-play du tout, regrette le chargé de la communication d’un jeune établissement. Elles ralentissent les transferts de compte en évoquant des motifs de refus qui n’ont pas lieu d’être, ou bien elles expliquent à leurs clients que le processus de mobilité en ligne peut être dangereux, car non sécurisé. »
Mais la guerre commerciale se mène surtout au grand jour, à coup d’offres promotionnelles sur les forfaits bancaires, de campagnes massives de publicité et de primes pour l’ouverture de comptes. « L’opération sera-t-elle in fine rentable ? », s’interroge un banquier mutualiste, adepte d’une recommandation plus classique, par le bouche-à-oreille.
Le dispositif pas à pas
Une fois son compte ouvert dans une nouvelle banque, le client signe un contrat de mobilité et fournit un relevé d’identité bancaire (RIB) de son ancien compte. Dès lors, la nouvelle banque s’occupe de tout. C’est elle qui demande à l’ancien établissement la liste des virements et des prélèvements récurrents ainsi que les chèques non encore débités sur les treize derniers mois. Elle prévient ensuite les organismes concernés du changement de domiciliation bancaire du client. Cette première phase doit être réalisée en douze jours ouvrés au maximum, à partir de la signature du mandat de mobilité par le client. Puis les émetteurs de prélèvements et de virements disposent d’un délai de dix jours ouvrés pour enregistrer le nouveau RIB de leur client. A l’arrivée, le changement de domiciliation bancaire ne peut ainsi excéder vingt-deux jours ouvrés. Et ce service est gratuit.