« La promesse du Front national de baisser l’impôt sur le revenu relève du marketing électoral »
« La promesse du Front national de baisser l’impôt sur le revenu relève du marketing électoral »
Par Frédéric Douet (@Fiscalitor), professeur de droit fiscal à l’université de Rouen)
Frédéric Douet, professeur de droit fiscal à l’université de Rouen, analyse la proposition de Marine Le Pen de baisser de 10 % les taux des trois premières tranches du barème de l’impôt sur le revenu.
Marine Le Pen, en campagne à Clairvaux-les-Lacs, dans le Jura. | Alain ROBERT/Apercu Press
Le barème de l’impôt sur le revenu comporte cinq tranches : à 0 %, 14 %, 30 %, 41 % et 45 %. La promesse phare du programme fiscal du Front national consiste à baisser de 10 % les taux de chacune des trois premières tranches imposables, c’est-à-dire celles à 14 %, 30 % et 41 %.
Cette annonce relève du marketing électoral destiné à satisfaire l’électorat de base du Front national.
Il importe, en effet, de ne pas confondre pourcentage et points. La baisse promise aurait seulement pour effet de faire passer la première tranche de 14 % à 12,6 %, la seconde de 30 % à 27 % et la troisième de 41 % à 36,9 %.
Première remarque, le produit de l’impôt sur le revenu a bondi de 23 % durant le quinquennat de François Hollande, passant de 59,5 milliards d’euros en 2012 à – selon les prévisions – 73,4 milliards d’euros en 2017. Il est peu probable qu’une baisse de quelques points des trois premières tranches du barème de l’impôt sur le revenu suffise à compenser cette hausse.
En deuxième lieu, le Front national se présente comme un parti « antisystème », mais son programme fiscal est similaire à celui des autres partis. Les politiques ont réussi à focaliser le débat sur l’impôt sur le revenu et, dans une moindre mesure, sur l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
Mais sur 37,4 millions de foyers fiscaux, seuls environ 17 millions s’acquittent effectivement de l’impôt sur le revenu et environ 343 000 de l’ISF. La TVA, la CSG, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE, antérieurement appelée « taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers » ou TIPP) et les impôts locaux sont absents du discours des candidats, à l’exception de celui de Benoît Hamon, qui souhaite une fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG.
Or tous les contribuables, des plus modestes aux plus fortunés, sont soumis à ces impôts. Il faut avoir à l’esprit que de 2012 à 2017, le produit de la CSG est passé de 72 à 90,6 milliards d’euros (+ 25,8 %), celui de la TVA de 133,4 à 149,4 milliards (+ 12 %) et celui de la TICPE de 13,5 à 16,2 milliards (+ 20 %), sans parler de la flambée des impôts locaux.
« Plumer l’oie sans la faire crier »
L’impôt sur le revenu cache le maquis fiscal, révélant l’art consommé des politiques pour, selon la formule de Colbert, « plumer l’oie sans la faire crier ». Quel que soit le candidat qui sera élu, il semble donc qu’il n’y aura pas de disruption fiscale.
En dernier lieu, la proposition de Marine Le Pen aurait pour effet de concentrer davantage l’impôt sur le revenu sur les foyers fiscaux les plus aisés. Actuellement, 69 % de cet impôt est supporté par 11 % des foyers fiscaux, en l’occurrence par ceux affichant plus de 4 100 euros de revenus par mois.
N’en déplaise à l’intéressée, il s’agit d’une conception socialiste de l’impôt sur le revenu, préférant un impôt progressif à un impôt proportionnel. Rien de révolutionnaire et d’ambitieux par rapport à la politique fiscale menée depuis plusieurs décennies et aux programmes fiscaux des autres candidats.
En réalité, aucun candidat ne semble vouloir réformer en profondeur l’architecture du système fiscal français. Il est pourtant à bout de souffle, inadapté aux défis du prochain quinquennat. Au-delà des postures politiciennes, le fait de vivre dans un monde ouvert devrait conduire les candidats à faire preuve de pragmatisme fiscal.
Il devrait notamment réfléchir à une « flat tax », un impôt proportionnel qui rapporterait plus que l’impôt sur le revenu progressif, à l’ISF, dont le maintien fait que la France est à rebours de ses principaux concurrents, à la fiscalité de l’économie collaborative et du numérique.