Sur le site Internet WhoSampled.com, qui recense les milliers d’extraits musicaux (samples) de compositions utilisés dans d’autres morceaux, souvent dans le rap, l’électro et le R’n’B, Funky Drummer de James Brown (1933-2006) est présenté comme ayant été exploité dans 1 364 titres. Que ce soit une accroche de guitare, un cri du chanteur, et surtout une courte partie de batterie. Sur une base quatre temps, avec doubles croches à la cymbale charley et un swing funky, dans le croisement grosse caisse et caisse claire, du marquage du temps et des syncopes.

Le motif, repris plusieurs fois, apparaît, à la fin de la face B du 45-tours Funky Drummer, enregistré en novembre 1969 et sorti en mars 1970 – et à 5’20 de la version complète sur l’album de raretés In The Jungle Groove (1986). Son créateur est le batteur Clyde Stubblefield, mort des suites de complications rénales, samedi 18 février, dans un hôpital de Madison (Wisconsin). Il était âgé de 73 ans.

James Brown - Funky Drummer (Full Version, 1970) - HQ
Durée : 09:16

Si dans la liste des emprunts de cette phrase rythmique, certains exemples sont un peu tirés par les cheveux, on la retrouve clairement, en ce qui concerne le rap, dans Rebel Without a Pause et Fight The Power de Public Enemy, Mama Said Knock You Out de LL Cool J, Shadrach des Beastie Boys, Lyrics of Fury d’Eric B. & Rakim... Côté pop, elle alimente Waiting For That Day de George Michael (1963-2016) et fait office d’accompagnement d’I Am Stretched On Your Grave de Sinead O’ Connor.

Clyde Stubblefield : « Ils disent que j’ai été le batteur le plus samplé, mais je n’ai rien touché pour ça »

Dans le documentaire Copyright Criminals (2009) de Benjamin Franzen, à propos de l’utilisation des samples, Clyde Stubblefield témoignait : « Ils disent que j’ai été le batteur le plus samplé, mais je n’ai rien touché pour ça ». De fait, les centaines de celles et ceux qui auront utilisé ces quelques secondes de musique pour orner parfois des succès ne lui auront quasiment jamais reversé un dollar. S’il avait enregistré bien d’autres compositions pour James Brown pendant les cinq ans où il a fait partie de son orchestre, le titre de la chanson – loin d’être l’une de ses préférées comme il l’expliquait dans un entretien au magazine Paste en 2014, cité par le New York Times –, était devenu son surnom.

Né le 18 avril 1943 à Chattanooga (Tennessee), où il a été élevé, Clyde Stubblefield est un musicien autodidacte. Son père travaille dans une aciérie. Le jeune garçon apprend quelques rudiments de piano, se met à la batterie après avoir été fasciné par les instrumentistes des fanfares. Il commence à jouer avec des groupes locaux durant son adolescence. Au début des années 1960, il part à Macon (Géorgie), décidé à vivre de la musique. Il fait partie de plusieurs formations de blues et de rhythm’n’blues, notamment avec Eddie Kirkland (1923-2011), guitariste d’Otis Redding. Ce dernier réside dans la ville et Stubblefield jouera à deux ou trois reprises.

« Cold Sweat » interprété lors d’une émission de télévision à l’Hollywood Palace en 1968.

James Brown Cold Sweat Live 1968
Durée : 01:54

Fin 1965, lors d’un concert dans un club local, le patron lui présente James Brown – dont Stubblefield dira plus tard qu’il ne savait pas vraiment qui il était. Il devient début 1966 et jusqu’à fin 1970 l’un des batteurs réguliers de Brown. Avec John « Jabo » Starks, arrivé fin 1965, il va former un tandem complémentaire et amical, qui accompagnera, au sein des Famous Flames, les évolutions de James Brown de la soul au funk.

Funkmasters

Parmi les nombreux enregistrements de Stubblefield réalisés avec Brown, sont à citer : Tell Me That You Love Love Me (enregistré en avril 1966), l’un des premiers morceaux de la paire Stubblefield-Starks ; Cold Sweat (mai 1967) ; la captation des concerts à l’Apollo Theater de New York, les 24 et 25 juin 1967, avec Starks ; I Got A Feelin’ (janvier 1968) ; Say It Loud, I’m Black and I’m Proud (août 1968) ; You Know It (octobre 1968) ; I Don’t Want Nobody To Give Me Nothing (février 1969), l’un des monuments funk de Brown ; Mother Popcorn (mai 1969) ; Ain’t It Funky Now (octobre 1969) ; la version de Give It Up Or Turnit A Loose qui figure (avec des applaudissements ajoutés) dans l’album Sex Machine publié en septembre 1970 mais c’est Starks qui joue sur le morceau donne son titre au disque, le plus célèbre de James Brown ; enfin, une des dernières participations de Stubblefield, Get Up, Get Into It, Get Involved (novembre 1970).

"Say It Loud It Loud ~ I'm Black & I'm Proud"
Durée : 04:44

Après Brown, Stubblefield travaillera un temps pour la compagnie phonographique Motown, avant de s’installer à Madison (Wisconsin). Il joue avec des musiciens de la région et monte son propre orchestre à la fin des années 1970 – avec lequel il se produit le lundi dans des clubs de la ville et tourne à l’occasion. Il avait enregistré trois albums sous son nom, The Revenge of The Funky Drummer (1997), The Original Funky Drummer Breakbeat Album  (2002) et The Original (2003). De temps à autre, il retrouvait d’anciens musiciens de James Brown, dont son camarade « Jabo » Starks. Avec celui-ci, il avait enregistré, sous le nom Funkmasters, plusieurs programmes d’apprentissage de la batterie et de démonstrations de leurs techniques respectives.

Atteint d’un cancer de la vessie en 2000, ayant subi l’ablation d’un rein en 2002, Clyde Stubblefield vivait depuis sous dialyse. Après la mort de Prince, le 21 avril 2016, Stubblefield avait révélé dans un entretien au magazine Billboard que le chanteur et multi-instrumentiste avait réglé sa dette de frais médicaux, qui s’élevait à 90 000 dollars.

  • La version enregistrée en 1970 de « Give It Up Or Turnit A Loose » sans les applaudissements ajoutés dans le disque « Sex Machine ».

James Brown - Give It Up Or Turnit A Loose (Funk Power 1970: A Brand New Thang)
Durée : 06:28

Clyde Stubblefield en quelques dates

18 avril 1943 : Naissance à Chattanooga (Tennessee)

Début des années 1960 : Premiers engagements professionnels

Début 1966 à fin 1970 : Est l’un des batteurs réguliers de James Brown

Mai 1967 : Joue sur « Cold Sweat »

Novembre 1969 : Crée sur « Funky Drummer » le motif de batterie qui sera samplé des centaines de fois

Novembre 1970 : « Get Up, Get Into It, Get Involved », l’une des dernières collaborations avec James Brown

1997 : Parution du premier de ses trois albums « The Revenge of The Funky Drummer »

18 février 2017 : Mort à Madison (Wisconsin)