Assurance-vie : la « mauvaise foi » d’Aviva
Assurance-vie : la « mauvaise foi » d’Aviva
Par Aurélie blondel
Jurisprudence. Argent, famille, immobilier… Toutes les semaines, nous analysons les derniers arrêts de la Cour de cassation et leurs conséquences.
L’horizon s’assombrit pour l’assureur britannique Aviva. | ROMAIN COURTEMANCHE POUR "M LE MAGAZINE DU MONDE"
Les contrats « à cours connus » de l’assureur britannique Aviva sont un peu les Feux de l’amour du petit monde de l’assurance-vie : un feuilleton qui dure, qui dure, et traverse les décennies. Un nouvel épisode s’est déroulé en Cour de cassation le 12 janvier. Une nouvelle fois, cette dernière s’est prononcée contre l’assureur, qu’elle a taxé de « mauvaise foi ».
L’affaire a pour origine un contrat d’assurance-vie souscrit à la fin de 1993 par M. X. auprès d’Abeille Vie, avant le rachat de ce dernier par Aviva. Un contrat pas comme les autres, puisqu’il permet à son souscripteur d’arbitrer entre différents supports en se basant sur la cotation boursière du vendredi précédent. Autrement dit, en connaissant d’avance le résultat de l’opération ! Un jeu gagnant à tous les coups…
Mais quand M. X. demande en 2009 un arbitrage vers un support qu’il a précédemment utilisé, Aviva refuse : le support en question a été retiré de la liste des possibles. L’assuré assigne alors la compagnie en justice pour obtenir réparation du préjudice causé.
Le contrat n’obligeait pas l’assureur à maintenir la liste des supports initialement proposés ou à recueillir l’accord de l’assuré pour faire évoluer les supports, a avancé Aviva pour sa défense. Certes, a répondu la Cour de cassation, mais ce droit présente des limites :
« L’économie du contrat exige que des supports diversifiés comparables en nombre et en nature à ceux existant lors de la souscription soient proposés. (…) Ladite liste comprenait onze supports dont deux composés notamment d’actions et deux fonds orientés vers les actions (…) A compter du 1er juillet 1998, l’assureur a réduit ce nombre à neuf et supprimé les fonds [orientés vers les actions], les plus spéculatifs (…). »
Conclusion des juges de Cassation : l’assureur a « dénaturé » le contrat, « vu que l’intérêt de ce dernier résidait dans la présence de fonds en actions ». Rejetant le pourvoi d’Aviva, ils confirment ainsi l’arrêt de la Cour d’appel, qui avait ordonné une expertise pour déterminer le niveau du préjudice subi par M. X.
Aviva a eu la main lourde
Ces contrats avec une clause d’arbitrage dite « à cours connus » ont émergé à la fin des années 1980 et ont été commercialisés par plusieurs assureurs. « Se rendant compte que ces outils étaient utilisés par certains clients de façon quasi professionnelle pour engranger des sommes considérables, les compagnies ont ensuite tenté de faire marche arrière, raconte Bruno Quint, avocat spécialisé en droit des assurances au cabinet Granrut. N’ayant aucun moyen juridique pour résilier des contrats d’assurance-vie, Aviva a décidé de supprimer les supports les plus volatils, les plus à même de voir leur cours varier, en utilisant pour cela une clause du contrat. »
Sans surprise, cet arrêt estime que l’assureur a eu la main lourde. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que la justice se prononce contre Aviva dans cette affaire de contrats « à cours connus ». D’autres assurés lésés ont demandé la restitution des supports supprimés, ainsi que des dommages et intérêts correspondant aux plus-values qu’ils n’ont pu enregistrer pendant des années à la suite des refus d’arbitrage.
Du côté d’Aviva, on précise que « la compagnie est solide et que ce risque ancien est provisionné dans [les] comptes ». Combien a-t-elle encore de contrats « à cours tenus » ? Combien de litiges sont en cours ? La compagnie n’a pas souhaité nous répondre.