L’Etat de nouveau au chevet de la filière foie gras
L’Etat de nouveau au chevet de la filière foie gras
LE MONDE ECONOMIE
Au-delà des aides d’urgence débloquées par le gouvernement se pose la question du modèle des coopératives qui ont industrialisé l’élevage.
Le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, lors d’une conférence de presse, à Mont-de-Marsan, le 21 février. | GEORGES GOBET / AFP
Pas de répit pour Stéphane Le Foll. A quelques semaines de la fin du quinquennat, le ministre de l’agriculture continue à tenter d’éteindre les feux des crises agricoles. Mardi 21 février, il s’est rendu au chevet de la filière foie gras, à Mont-de-Marsan. Eleveurs, fabricants de foie gras, représentants des autorités sanitaires et élus l’attendaient de pied ferme. M. Le Foll l’a répété, l’Etat soutiendra la filière secouée par une crise sanitaire sans précédent. Mais le remède n’est pas simple à formuler. D’autant que l’épizootie de grippe aviaire, qui frappe les élevages du Sud-Ouest de la France, est une rechute.
Signe de la complexité du problème, la journée a commencé par un couac de communication. Interrogé par France Bleu Gascogne, M. Le Foll a annoncé l’abattage systématique des canards encore présents dans les élevages des Landes. Soit un cheptel de 600 000 têtes. Devant les professionnels, le ministre a revu à la baisse cet objectif. Les autorités sanitaires ont pris un scalpel pour mieux découper les zones où le dépeuplement total est envisagé.
Urgence
Finalement, 360 000 palmipèdes supplémentaires devraient être euthanasiés préventivement dans les quinze jours. Surtout, un vide sanitaire sera décrété dans une grande zone réglementée s’étendant du Gers aux Landes en passant par les Pyrénées-Atlantiques et les Hautes-Pyrénées. Les élevages seront progressivement dépeuplés pour obtenir ce vide avec une reprise des activités prévue fin mai.
Une décision qui était demandée par la branche locale du syndicat FNSEA et par le Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (Cifog). Cet organisme, dont le conseil d’administration s’est réuni le 16 février, demandait au gouvernement « de renforcer la stratégie de lutte afin d’éradiquer plus rapidement le virus H5N8 ».
Il est vrai qu’il y a urgence. Le virus hautement pathogène H5N8 a fait son apparition le 2 décembre 2016 dans un élevage de canards à Almayrac (Tarn). A la veille de Noël, on dénombrait une vingtaine de foyers. On dépasse désormais 320. Sachant que les Landes, plus gros département producteur de foie gras, est le plus touché.
Facture de 210 millions d’euros
Le Cifog a sorti sa calculette. Après les fêtes de fin d’année, une première phase d’abattage a été lancée. Depuis, 1,9 million d’animaux ont été occis. Un cheptel auquel s’ajoute le 1,3 million de gallinacés décimés par le virus. Les professionnels estiment, en plus, que 5 millions de canards n’ont pas pu être mis en production depuis le début de l’épizootie. Soit, au total, une perte de 8,2 millions de palmipèdes. Et une facture présentée à l’Etat de 210 millions d’euros, évaluant le manque à gagner de tous les maillons de la filière, de l’accouvage à la conserverie.
Début 2016, à la suite de la première épizootie de grippe aviaire qui avait frappé la filière foie gras du Sud-Ouest de la France, un vide sanitaire avait été décrété sur toute cette zone. Une décision unique au monde, comme l’avait souligné M. Le Foll. L’Etat avait alors dégagé une enveloppe de 180 millions d’euros. Les deux tiers des aides ont été versées aux éleveurs en 2016. Le solde devant être versé au premier trimestre 2017.
Une enquête a été ouverte
Le gouvernement avait également mis en place des avances de trésorerie gérées par l’organisme public FranceAgriMer, mais aucune des entreprises ou des coopératives n’y a eu recours. Cette fois encore, M. Le Foll a assuré que les éleveurs dont le cheptel a été abattu toucheront des indemnités en mars. Pour le manque à gagner des canards non produits, des aides seront versées au printemps. Et le principe des avances de trésorerie est à nouveau proposé. Mais le ministre n’a pas chiffré d’enveloppe globale.
Mais, au-delà de l’aide financière immédiate, se pose la question du modèle. Les grandes coopératives Maïsadour (Delpeyrat, Comtesse du Barry), Lur Berri (Labeyrie) et Euralis (Montfort et Rougié) ont industrialisé un élevage en plein air réparti sur tout le territoire du Sud-Ouest et nécessitant de nombreux transports d’animaux entre les différents maillons de la chaîne. Une enquête a été ouverte, début février, pour savoir si des lots contaminés de volailles ont pu être vendus en toute connaissance de cause à des éleveurs, favorisant la dissémination du virus.