BTS et DUT : un premier emploi, et après ?
BTS et DUT : un premier emploi, et après ?
Par Gwenole Guiomard
Les diplômés de niveau bac + 2 ou + 3 s’insèrent vite et bien sur le marché du travail français. Mais, pour accéder au statut de cadre, mieux vaut qu’ils envisagent de reprendre leurs études.
Les études courtes favorisent une rapide insertion professionnelle plutôt que les évolutions de carrière. Win McNamee/Getty Images/AFP | WIN MCNAMEE / AFP
Les observateurs du marché du travail sont unanimes : les filières courtes sont un passeport pour l’emploi, qu’il s’agisse du BTS (brevet de technicien supérieur), du DUT (diplôme universitaire de technologie), de la licence professionnelle ou du bachelor. « Un administrateur réseau ou un technicien applicatif diplômé bac + 2 trouve du travail en moins de trois mois », certifie par exemple Oualid Hathroubi, directeur adjoint de Hays, l’un des plus gros cabinets de recrutement français. « Dans nos centres de formation par apprentissage, le taux d’insertion à six mois est de 82 % en BTS ou en licence professionnelle, confirme Gilles Lodolo, directeur emploi-formation de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), syndicat patronal très influent en matière de formation. Et deux tiers d’entre eux décrochent un contrat à durée indéterminée. Nos entreprises ont besoin de ces profils de techniciens, entre ouvrier et ingénieur ».
Ces jeunes bac + 2 ou 3 perçoivent aussi des salaires honorables. « Selon notre baromètre, explique Emmanuel Chauvin, responsable des études chez le spécialiste de l’intérim et du recrutement Expectra, la fourchette de rémunération des techniciens supérieurs en début de carrière va de 22 000 à 29 000 euros brut par an selon les spécialités. Les mieux payés sont ceux qui travaillent dans les secteurs en tension que sont l’ingénierie (maintenance industrielle, électrotechnique, climatisation, électromécanique, automatisme), le bâtiment (conducteur de chantier), l’informatique (développeur, administrateur système, analyste, spécialiste de la sécurité) ou la comptabilité-finance. » Des émoluments à comparer à ceux des diplômés à bac + 5.
Qualité d’insertion
Selon la Conférence des grandes écoles, le salaire moyen 2016 à la sortie d’une grande école est de 33 046 euros brut par an. « Pour un chargé de clientèle particuliers, le niveau d’entrée des bac + 2, le salaire est, en moyenne, de 28 089 euros contre 36 661 euros pour un bac + 5, chargé de clientèle professionnelle », ajoute Béatrice Layan, responsable de l’Observatoire des métiers de la banque, dont le secteur a recruté, en 2015, 17 600 salariés dont 27 % de bac + 2 et 15 % de bac + 3.
Cette qualité d’insertion se retrouve dans les analyses statistiques développées par le Centre d’études et de recherches sur les qualifications. Virginie Mora, statisticienne et sociologue, y est chargée de recherche sur l’enseignement supérieur et l’un des auteurs de Faire des études supérieures, et après ? (Céreq, 2015). Ce document dresse le portrait professionnel de la génération entrée dans la vie active en 2010, trois ans après le début de la crise immobilière dite « des subprimes ». Les jeunes sont interrogés sur leur parcours après la formation initiale. « On constate que, trois ans après l’obtention de leur diplôme, dans une conjoncture économique peu favorable, l’insertion des 100 000 bac + 2 ou 3 issus des filières professionnelles courtes est bonne, précisait la chercheuse. Les deux tiers (les licences professionnelles à 76 %, les BTS à 70 % et les DUT à 62 %) trouvent place de façon rapide et durable sur le marché du travail. Il y a peu de chômage et, s’ils désirent changer d’employeur, cela se fait sans grandes difficultés. »
Reste à progresser professionnellement. Car selon le Céreq, si les bac + 2 ou 3 trouvent aisément un emploi, seuls 10 % ont le statut de cadre trois ans après leurs études. Plus grave, le risque d’exercer durablement un emploi déclassé – celui d’ouvrier non qualifié par exemple – n’est pas négligeable. Les 30 % des emplois occupés par les BTS tertiaires quelques années après la fin des études relèvent de cette catégorie. Pour tous ces salariés diplômés du supérieur court, l’ascension professionnelle demeure ardue. « Après dix ans d’expérience, nous rencontrons beaucoup de salariés “aigris”, précise Aurélien Moret, directeur régional du cabinet de recrutement Expectra. Certains de ces bac + 2 peuvent évoluer vers l’expertise ou le management, mais la majorité stagne. »
« La France demeure un pays élitiste, analyse Julien Weyrich, directeur de la division ingénieurs et techniciens et de la division informatique pour le cabinet de recrutement et d’intérim Page Personnel (1 800 recrutements par an dont 75 % de bac + 2 ou 3). L’ingénieur rassure les employeurs. Conséquence : l’évolution de carrière des bac + 2 ou 3 sera limitée avec des salaires, par exemple en maintenance, plafonnés à 45 000-50 000 euros brut par an, contre 60 000 à 70 000 euros pour un ingénieur. A cette aune-là, on se met un fil à la patte en s’arrêtant à bac + 2. Mais le travail du technicien est aussi moins stressant, moins contraignant et avec moins de responsabilités que celui de l’ingénieur… »
Formation continue
Cela précisé, il existe des moyens pour permettre aux techniciens supérieurs d’évoluer dans leur carrière. Le principal est celui de la formation continue. « Un salarié, s’il se contente d’un bac + 2, aura les pires difficultés à évoluer », explique Jean-Paul Vidal, le président des présidents d’IUT représentant le monde socio-économique au sein des instituts universitaires de technologie. Il faut donc se former mais aussi se montrer curieux et développer des compétences que les bac + 2 ou 3 n’ont pas apprises, comme les techniques de communication, la maîtrise de l’anglais, la gestion de projet ou les techniques de management.
« Au niveau bac + 2, les probabilités d’accéder à la fonction cadre seront faibles, conclut Anne-Florence Quintin, secrétaire nationale de la CFDT cadres et déléguée générale de l’Observatoire des cadres et du management. Elles sont de l’ordre de 8 % à 10 % pour un bac + 3, plus faibles encore pour un bac + 2. Cela a des incidences en termes de carrière et de salaire. Je leur conseille de se construire un projet professionnel et de reprendre leurs études. Cela doit être entrepris durant les trois premières années de la vie professionnelle. Cela permet de mesurer si son employeur est formateur. Le risque est de se retrouver chez un patron souhaitant un bac + 2 sachant rester à sa place de technicien. C’est dangereux. Car, quand les besoins de l’entreprise auront changé, le technicien supérieur se retrouvera en danger professionnel ».
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Comprendre le monde de demain pour faire les bons choix d’orientation aujourd’hui : après Lille, Cenon (près de Bordeaux) et Villeurbanne, Le Monde organise O21 / s’orienter au 21e siècle à Paris, samedi 4 et dimanche 5 mars, à la Cité des sciences et de l’industrie. Deux jours pendant lesquels lycéens et étudiants peuvent échanger avec des dizaines d’acteurs locaux innovants, qu’ils soient de l’enseignement supérieur, du monde de l’entreprise ou des start-up.
Pour participer à une ou plusieurs conférences et ateliers, il suffit de s’inscrire gratuitement en ligne, à O21 Paris. Le ministère de l’éducation nationale étant partenaire de l’événement, les enseignants et établissements peuvent y emmener leurs élèves sur le temps scolaire. Pour les classes ou les associations, les inscriptions s’effectuent de façon groupée par l’envoi d’un simple e-mail à l’adresse o21lemonde@lemonde.fr.
Lors de ces événements sont également diffusés des entretiens en vidéo réalisés avec trente-cinq personnalités de 19 ans à 85 ans qui ont accepté de traduire en conseils d’orientation pour les 16-25 ans leur vision du futur.
Placé sous le haut patronage du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, O21 est également soutenu, au niveau national, par quatre établissements d’enseignement supérieur (Audencia, l’Essec, l’Epitech, et l’alliance Grenoble école de management – EM Lyon). Localement, l’événement est porté par les conseils régionaux des Hauts de France, de Nouvelle Aquitaine et d’Ile-de-France, les villes de Cenon et de Villeurbanne et des établissements d’enseignement supérieur.