IssyGrid : mission accomplie, avec quelques couacs
IssyGrid : mission accomplie, avec quelques couacs
Par Laetitia Van Eeckhout
Les habitants de l’écoquartier d’Issy-les-Moulineaux peuvent suivre en temps réel leur consommation d’énergie. Mais la domotique connaît quelques déboires.
L’objectif d’Issy Grid, inauguré en 2012 : optimiser la consommation d’énergie de l’ensemble des habitants et des entreprises, et réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
La ville d’Issy-les-Moulineaux, en banlieue sud-ouest de Paris, s’était donnée pour ambition, en 2011, d’héberger le premier réseau énergétique smart (intelligent) à l’échelle d’un quartier en France. Elle avait alors demandé à un large consortium d’entreprises de mener à bien ce projet baptisé IssyGrid.
Inauguré en 2012 au sein du quartier d’affaires Seine-Ouest, ce réseau a été étendu en 2013 au nouveau quartier résidentiel du Fort d’Issy. Objectif : optimiser la consommation d’énergie de l’ensemble des immeubles (appartements, bureaux ou entreprises), lisser les pointes de consommation et réduire les émissions de gaz à effet de serre de la zone.
Outre les quatre immeubles à bureaux du quartier d’affaires, IssyGrid connecte 861 des 1 623 logements du Fort d’Issy. Construit sur le site d’une ancienne forteresse du XIXe siècle démilitarisée en 2009, cet écoquartier résidentiel de 10 hectares compte une dizaine d’immeubles où vivent quelque 3 500 résidents. Ceux qui bénéficient d’un compteur intelligent et d’un système de domotique peuvent suivre leur consommation réelle, globale et par usage (éclairage, chauffage, eau chaude et froide), l’ajuster, gérer la lumière, les volets et le chauffage. Ils peuvent aussi programmer, s’ils le souhaitent, la fermeture automatique des volets et l’allumage des lumières dès la tombée de la nuit.
Seule la moitié des logements sont connectés à IssyGrid - un choix fait en 2011 au moment de la conception de ce nouveau quartier -, mais tous sont raccordés au système de chauffage local par géothermie, technique utilisant la chaleur stockée sous la surface de la terre. Autre première en France, le quartier est équipé d’un système de collecte pneumatique des déchets triés. Ce qui permet d’optimiser l’hygiène et la sécurité, tout en réduisant les nuisances sonores et olfactives.
Depuis avril 2016, Issy Grid - récompensé ce même mois du deuxième accessit au Prix Le Monde-Smart Cities dans la catégorie « énergie » - reçoit des données sur la consommation, heure par heure, de l’éclairage, du chauffage et de l’eau bâtiment par bâtiment, sans connaître le détail par logement, protection de la vie privée de chacun oblige. Ce qui permet aujourd’hui à Olivier Sellès, responsable du projet IssyGrid chez Bouygues Immobilier, d’indiquer que « le logement moyen du Fort d’Issy consomme chaque année 43 kWh/m² en électricité, soit 2,6 MWh pour un 60 m². C’est la première fois, souligne-t-il, qu’une telle donnée est publique. Auparavant, seul Enedis [anciennement ERDF] en avait connaissance. »
Les habitants de Fort d’Issy - beaucoup de couples avec des enfants en bas âge - mettent d’abord en avant le confort des appartements et caractère « agréable et calme » du quartier. Charlotte, qui y vit depuis trois ans, dit s’y sentir « comme dans un village », et « en sécurité » avec ses enfants. « Avec la géothermie, l’atmosphère est sèche et tempérée, c’est appréciable », ajoute-t-elle. La domotique ? Elle avoue peu l’utiliser, sauf pour baisser ses volets. « Quand le disjoncteur saute et qu’on rétablit le courant, les interrupteurs de deux de nos pièces ne fonctionnent plus », signale-t-elle.
Elle n’est manifestement pas la seule à connaître ce genre de couacs. Sur le forum du Fort d’Issy - site d’information, d’échanges et d’entraide pour les habitants du quartier -, d’autres font part des problèmes qu’ils rencontrent avec la domotique, ne pouvant plus allumer la lumière, baisser leurs volets… « Parfois, vous dormez et tout d’un coup, tout l’appartement s’allume. Cela étant, quand on teste quelque chose qui n’existe nulle part ailleurs, on essuie forcément les plâtres », raconte, philosophe, David Rigot.
« Le système domotique a été mis en place au moment de la conception des immeubles du Fort d’Issy et à l’époque, il était précurseur, rappelle Olivier Sellès. Ce sont les risques de l’innovation. L’important est que les habitants ne soient pas laissés en plan. »