L’Ambassador, une histoire indienne
L’Ambassador, une histoire indienne
Par Jean-Michel Normand
Rachetée par Peugeot, la marque fut d’abord celle de l’élite avant de devenir synonyme de voiture populaire.
Héritage britannique, l’Ambassador n’est plus produite par le constructeur indien depuis 2014. | Chandan Khanna/ AFP
En 2002, Peugeot avait diffusé en Inde un spot publicitaire qui s’était taillé un franc succès. La marque française mettait en scène un jeune Indien conquis par la 206 mais qui, ne disposant pas des moyens de se l’offrir, maltraitait une Ambassador pour la faire ressembler à la voiture française. Il la cognait contre des murs et invitait même un éléphant à s’asseoir sur son capot pour tenter de faire correspondre l’antique véhicule aux canons de beauté d’une automobile moderne. Désormais propriétaire de la marque, rachetée début février 11,3 millions d’euros à son partenaire indien CK Birla, le constructeur français porte un regard moins caustique sur cette icône de l’histoire automobile indienne.
L’Ambassador, dont la production avait débuté en 1957 près de Calcutta, est un héritage britannique. Elle est directement dérivée de la Morris Oxford, apparue en 1948, un an après l’indépendance de l’Inde. Ses formes arrondies – qui ont également inspiré la Morris Minor, née elle aussi en 1948 – et son allure altière lui confèrent une certaine prestance que son appellation se charge de souligner. Alors que sa mère patrie britannique l’a oubliée depuis longtemps, l’Ambassador devient le véhicule institutionnel de la haute administration indienne. Elle transporte l’élite, les gens importants.
Dans un pays où les importations de voitures s’effectuent au compte-gouttes, le modèle unique produit par le groupe Hindustan prospère. Au fil des années, des améliorations lui sont consenties : un moteur fourni par le japonais Isuzu, la climatisation et la direction assistée. Puis, progressivement, l’Ambassador se démocratise, se met au service des classes moyennes et des chauffeurs de taxi. A partir des années 1990, la commercialisation de modèles plus évolués fabriqués en Inde sous licence – en particulier par le japonais Suzuki qui inonde le marché – va mettre en difficulté la doyenne. L’Ambassador ressemble de plus en plus à un monument historique, attachant mais dépassé, qu’Hindustan finira par cesser de fabriquer en 2014. La dernière année de production n’avait vu sortir de l’usine que 2 200 unités. Au total, 600 000 Ambassador auront été produites au cours d’une carrière longue de cinquante-sept années.
Un positionnement à trouver
Aujourd’hui, les dernières représentantes de cette automobile quasi mythique rouillent le long des routes indiennes. Quelques-unes, toutefois, ont été préservées. Lors du dernier concours d’élégance automobile organisé le 5 février par Cartier à Hyderabad, dans le centre du pays, deux Hindustan Ambassador superbement restaurées figuraient parmi les modèles admis à participer à cette très chic manifestation.
En rachetant un nom de marque non exploité depuis trois ans mais toujours présent dans l’imaginaire collectif des automobilistes, PSA – encore assez peu connu en Inde – assure à ses futures Ambassador une notoriété forte et immédiate. Reste à savoir quel versant de l’histoire le groupe français cherchera à valoriser. Une marque premium s’efforçant de raviver un passé élitiste révolu ? Ou, plus raisonnablement, une gamme surfant sur la dimension populaire d’une automobile que les Indiens continuent de tenir en grande affection.