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L'opéra comique "Fantasio" d'Offenbach par Thomas Jolly @ Théâtre du chatelet
Durée : 03:11:00

C’est avec un spectacle délocalisé de l’Opéra-Comique, encore en travaux, que le Théâtre du Châtelet a en quelque sorte clôturé l’ère Jean-Luc Choplin, directeur depuis 2004 de ces lieux qui viennent de fermer pour rénovation : Fantasio, une partition méconnue de Jacques Offenbach (1819-1880), y a trouvé le lieu d’une recréation scénique et musicologique.

Mais contrairement à ce qui a été beaucoup dit sur les réseaux ­sociaux et dans la presse, cette partition n’était pas inconnue : on l’avait vue représentée à l’Opéra de Rennes, en 2000. Le Festival de ­Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon l’avait ensuite donnée en version de concert, en juillet 2015, restituée par le musicologue Jean-Christophe Keck.

Jacques Offenbach, d’origine allemande, s’était déjà essayé à l’opéra romantique, avec Les Fées du Rhin, àl’Opéra de Vienne en 1864. Il trouvera la postérité dans le genre « sérieux » avec Les Contes d’Hoffmann, un « opéra fantastique » créé en 1881 à l’Opéra-Comique.

Marianne Crebassa à gauche (avec le tricorne), et Marie-Eve Munger. | PIERRE GROSBOIS

Cependant, Fantasio est l’une des rares exceptions « sérieuses » dans un énorme catalogue lyrique essentiellement occupé par des ouvrages dans le genre « bouffe », aux titres farceurs et suggestifs : Ba-ta-clan (1855), La Leçon de chant électro-magnétique (1867), Tarte à la crème (1875),entre autres pochades.

Offenbach deviendra le roi du genre avec des titres restés légendaires comme La Belle Hélène (1865), La Vie parisienne (1866), La Grande-Duchesse de Gérolstein (1867) et La Périchole (1868) : en quatre ans, Offenbach allait signer les plus illustres opéras-bouffes de l’histoire de la musique, toujours régulièrement donnés.

Fantasio, créé le 18 janvier 1872 à l’Opéra-Comique, n’aura pas le succès des ouvrages précités. Le public n’y retrouve pas l’Offenbach qu’il connaît, et passe à côté de la poésie vive et rêveuse de cette partition. A moins que le compositeur, d’une prodigalité de plume peu commune, ait été victime du succès d’un autre de ses ouvrages, Le Roi Carotte, qui devait ouvrir trois jours plus tôt à la Gaîté-Lyrique…

Demi-teinte

Fantasio renonce à la gaudriole, au « pouet-pouet » et autres « poux de la reine » pour une expression souvent en demi-teinte, qui préfigure ce que fera André Messager (1853-1929) dans Fortunio (1907), en particulier, une sorte de cousin de Fantasio, également adapté d’une pièce d’Alfred de Musset…

Le jeune et turbulent metteur en scène Thomas Jolly, dont c’est la deuxième expérience lyrique, signe un joli spectacle aux couleurs sous-saturées, souvent proche de la bande dessinée et du dessin animé (Fantasia ?), qui ­évoque poétiquement un théâtre de tréteaux sans prétentions. Ce traitement « fait main » et « populaire » convient particulièrement bien à Fantasio.

Au travail : dans les coulisses de Fantasio - Stupéfiant !
Durée : 12:21

On y découvrira une bonne distribution (qui a parfois tendance à crier dans les dialogues parlés), dominée par Marianne Crebassa dont la carrière prend une belle tournure. Lorsqu’on avait découvert la mezzo-soprano, en juillet 2010, dans l’opéra Les Hauts de Hurlevent, de Bernard Herrmann, au Festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon, on avait écrit : « La jeune Montpelliéraine devrait beaucoup faire parler d’elle. » C’est le cas.

Fantasio, de Jacques Offenbach. Avec Marianne Crebassa, Marie-Eve Munger, Jean-Sébastien Bou, Loïc Félix, Franck Leguérinel, Thomas Jolly (mise en scène), Ensemble Aedes, Orchestre philharmonique de Radio France, Laurent Campellone (direction).