« Les mesures prévues par François Fillon favorisent objectivement les plus aisés »
« Les mesures prévues par François Fillon favorisent objectivement les plus aisés »
Par Patrick Roger
Patrick Roger, journaliste au « Monde », a répondu à vos questions sur le programme du candidat Les Républicains à la présidentielle.
Hausse de la TVA, fin des 35 heures, retraite à 65 ans… Le candidat des Républicains a précisé hier les contours de son « projet pour la France ». Quel calendrier pour ces réformes ? Combien vont-elles coûter ? Patrick Roger, journaliste au « Monde », a répondu à vos questions sur le programme de François Fillon.
Jibé : Bonjour, je ne comprends pas les prévisions de croissances sur lesquelles M. Fillon se base pour chiffrer son programme, pouvez-vous expliquer d’où elles viennent ? Merci !
Patrick Roger : Bonjour. Ces prévisions ont elles-mêmes évolué entre la première présentation du cadrage financier de François Fillon lorsqu’il était candidat à la primaire et la dernière version de son programme présidentiel. Ce qui est certain, c’est que les mesures d’allégements fiscaux et sociaux qu’il envisage de prendre en début de mandat vont avoir pour conséquence de creuser les déficits alors que les réformes structurelles qu’il prévoit d’engager ne produiront des économies qu’à moyen terme. Si elles en produisent. Aussi le candidat avait-il tendance à charger la barque de l’héritage du quinquennat Hollande. Il a été obligé de rectifier le tir mais son hypothèse de retour à l’équilibre des finances publiques en 2022 reste peu crédible.
Pierre : Bonjour, François Fillon veut-il modifier l’impôt sur le revenu (prélèvement à la source, seuils, taux...) ? Merci.
Patrick Roger : Bonjour. Il n’envisage pas de modifier les seuils ni les taux de l’impôt sur le revenu. En revanche, il a toujours déclaré vouloir revenir sur le prélèvement à la source. En outre, il abaisse la fiscalité du capital et prévoit la suppression de l’ISF pour le remplacer par une « flat tax », un prélèvement forfaitaire de 30 % sur les revenus du capital (hors assurance vie et Livret A).
Philippe : Bonjour, j’aimerais avoir des éclaircissements sur cette proposition de M. Fillon : - Réduire l’impôt des particuliers de 30 % du montant investi dans une PME, jusqu’à 1 M€ pour un couple. Si je comprends bien, cela veut dire qu’un couple fortuné gagnant 750 000 euros par an pourrait ne pas payer d’impôts sur le revenu. Est-ce la fin du plafonnement global des niches fiscales qui avait été instauré pour éviter ce genre d’optimisations fiscales ?
Patrick Roger : Bonjour. C’est, de fait, la mise à mort du plafonnement des niches fiscales, celles-ci étant effectivement limitées à 10 000 euros du montant de l’impôt dû (18 000 en y incluant les investissements outre-mer et dans l’industrie cinématographique). Toutefois, le mode de calcul n’est pas exactement celui que vous présentez. Après avoir indiqué dans un premier temps que cette réduction de 30 % du montant investi dans une PME serait annuelle, François Fillon a précisé lundi qu’elle ouvrirait droit à un plafond de 1 million sur le quinquennat. Le montant n’en reste pas moins très élevé.
Pierre : Bonjour, et merci pour les live qui permettent de mieux suivre la campagne. Quel est le projet de François Fillon concernant les droits de succession (taux, abattements) ?
Patrick Roger : Bonjour. François Fillon ne prévoit pas, actuellement, de modifier les droits de succession. Il penche plutôt à favoriser les donations en réduisant de quinze à dix ans le délai entre deux donations et en réduisant les droits en fonction de l’âge du bénéficiaire.
Florian : Bonjour, est-ce que M. Fillon prévoit des mesures pour relancer le pouvoir d’achat des classes moyennes ?
Patrick Roger : Bonjour. Les mesures prévues par François Fillon (suppression de l’ISF, relèvement du plafond du quotient familial, fin de la modulation des allocations familiales en fonction du revenu) favorisent objectivement les revenus les plus aisés. Le candidat LR a introduit dans son programme une mesure dite « sociale » instaurant un abattement forfaitaire des cotisations sociales salariales, quel que soit le niveau de salaire, de 350 euros par an (soit environ 30 euros par mois). Cette mesure dite de « pouvoir d’achat » sera largement annihilée par la hausse de 2 points du taux normal de TVA.
Juan Pedro : Quid des gens avec des retraites à moins de 1 200 euros ?
Patrick Roger : Bonjour, dans le cadre du passage de l’âge de départ à la retraite de 62 à 65 ans, François Fillon prévoit un relèvement de 300 euros par an (25 euros par mois) des petites retraites inférieures à 1 000 euros par mois et de 10 % des pensions de réversion. Il ne dit pas, cependant, s’il conditionne ces revalorisations à la mise en œuvre de son projet de réforme.
Yvon76 : Monsieur Fillon prévoit de passer le temps de travail des fonctionnaires de 35 à 39 heures. Mais avec quelles compensations salariales ?
Patrick Roger : Bonjour. Bonne question, à laquelle François Fillon n’apporte pas de réponse. Il parle de « négociations secteur par secteur, en échange de hausses de salaire, de perspectives de carrière et d’amélioration des conditions de travail ». Cela reste très flou et, comme disait une certaine Martine A., « quand c’est flou, y a un loup »…
Marie : Bonjour. En combien de temps Fillon veut-il faire passer l’age de la retraite de 62 à 65 ans ? Il veut faire passer des réformes très rapidement mais je ne vois pas comment il pourrait augmenter l’age de la retraite en une fois !
Patrick Roger : Bonjour. En ce qui concerne son projet de réforme des retraites, qui est un des points clés de son programme, subsistent de nombreuses inconnues. Sur le passage de l’âge de départ de 62 à 65 ans, après avoir dans un premier temps fixé un délai à la fin du quinquennat, soit en 2022, il explique à présent que le passage de 62 à 65 devrait s’appliquer au même rythme que le passage de 60 à 62 ans, c’est-à-dire à raison d’un allongement de quatre mois de la durée de cotisation par génération. Il reste cependant imprécis sur le tempo, en disant que l’objectif de 65 ans devrait être atteint « peu après la fin du mandat ».