Depuis l’affaire Merah, la DGSI a compté six « actions individuelles solitaires »
Depuis l’affaire Merah, la DGSI a compté six « actions individuelles solitaires »
Par Elise Vincent
Toutes ces attaques présentent le même caractère « spontané », répondant aux appels aux meurtres généraux d’organisations terroristes, sans être soutenues par leur logistique
Interrogé sur d’éventuels « manquements » de ses services au lendemain du choc de l’affaire Merah, en 2012, le patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, future DGSI), Bernard Squarcini, avait qualifié le jeune Toulousain de « loup solitaire ». Une expression qui avait été prise au pied de la lettre et avait fait mouche, avant d’être en partie battue en brèche par l’enquête.
Mohamed Merah a en effet bénéficié d’un entraînement au Waziristan par un groupuscule proche d’Al-Qaida, « Jund Al Khalifat », qui a publié une revendication sur Internet le jour de sa mort. Pour les juges d’instruction, son frère, Abdelkader était aussi au courant de ses intentions. Il est renvoyé aux côtés d’un deuxième homme ayant reconnu avoir fourni une arme, devant la cour d’assises spéciale de Paris du 2 octobre au 3 novembre.
L’attaque commise par Mohamed Merah n’en demeure pas moins pionnière dans son genre. Et si les services de renseignements évitent l’appellation « loup solitaire », ils le rangent malgré tout dans la catégorie des « actions individuelles solitaires », d’après une note de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) du 9 février que Le Monde a pu consulter.
Au total, six attaques du même genre ont été menées sur le territoire français aux yeux de la DGSI. Principal critère pour les qualifier ainsi : leur caractère « spontané », c’est-à-dire répondant aux appels aux meurtres généraux d’organisations terroristes, dont l’Etat islamique (EI) sans être pour autant soutenues par une logistique de ces mêmes organisations.
- 20 décembre 2014, Bertrand Nzohabonayo, à Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire)
Bertrand Nzohabonayo, 20 ans, blesse trois policiers à l’arme blanche au commissariat de Joué-les-Tours (Indre-et-Loire) en criant « Allahou Akbar ». Le drapeau de l’EI a été publié deux jours plus tôt sur son profil Facebook. La veille, une vidéo de l’EI en français incitait à mener des actions violentes.
- 3 février 2015, Moussa Coulibaly, à Nice
Moussa Coulibaly, 30 ans, connu pour sa radicalisation, agresse des militaires en faction, à Nice, devant une association israélite. Armé d’un couteau de cuisine, ivre mort, il a juste le temps de porter un coup à l’un des militaires. En garde à vue, il revendique vouloir « faire la guerre aux mécréants ».
- 26 juin 2015, Yassin Salhi, à Saint-Quentin-Fallavier (Isère)
Yassin Salhi, 35 ans, est interpellé sur une usine classée Seveso à Saint-Quentin-Fallavier (Isère) où il a déclenché une explosion avec des bouteilles de gaz. Peu avant, il a décapité son patron et exposé sa tête sur un grillage à proximité de drapeaux frappés de la profession de foi musulmane. Il a ensuite pris des photos et les a envoyées à un ami en Syrie.
- 7 janvier 2016, Tarek Belgacemn, à Paris
Tarek Belgacem, un Tunisien inconnu des services de renseignement, armé d’un couteau de cuisine et porteur d’un gilet explosif factice, attaque un policier à l’accueil du commissariat de la Goutte d’Or à Paris, dans le 18e arrondissement. Il est abattu. Un document avec son allégeance à l’EI est découvert sur lui après sa mort.
- 13 juin 2016, Laroussi Abbala, à Magnanville (Yvelines)
Larossi Abballa assassine par arme blanche un officier de police et sa compagne à leur domicile de Magnanville (Yvelines). Il a fait allégeance trois semaines plus tôt à l’EI en réponse à un communiqué appelant à « tuer des mécréants chez eux avec leurs familles ». Son acte est revendiqué dans la nuit par Daech. Deux amis à lui ont depuis été mis en examen. Leur complicité reste à démontrer.
- 14 juillet 2016, Mohamed Lahouaiej Bouhlel, à Nice
Mohamed Lahouaiej Bouhlel, 31 ans, tue 86 personnes en déboulant sur la promenade des Anglais, à Nice, au volant d’un camion de 19 tonnes. Un mode opératoire vanté dans la propagande djihadiste. L’EI a revendiqué son action, mais dans une « formulation inhabituelle », aux yeux de la DGSI. Six personnes ont depuis été mises en examen, mais aucune complicité n’a été formellement établie. Par ailleurs, « aucun document n’est venu matérialiser un acte d’allégeance ».