À Vaulx-en-Velin, l’école de production combat le chômage et l’échec scolaire
À Vaulx-en-Velin, l’école de production combat le chômage et l’échec scolaire
LE MONDE ECONOMIE
Formés sur des commandes passées par des industriels ou des clients, les élèves de cet établissement situé dans la métropole lyonnaise reçoivent une formation pratique qui leur permet de trouver rapidement un emploi.
Le travail pratique des éléves de l’école de production de Vaulx-en-Velin se fait généralement sur des commandes passées par des clients ou des industriels. | Quinones Marcos/ Figaro Lyon /Creative Commons
Les métiers de l’industrie en perte de vitesse ? « C’est tout le contraire, nos élèves trouvent immédiatement un emploi en sortant d’ici, les entreprises viennent même les chercher ! », assure Bernard Fayolle, directeur de l’Ecole de production Boisard, située à Vaulx-en-Velin, à la périphérie de Lyon. Comme son nom l’indique, l’établissement propose un enseignement technique particulier, en mode production : les élèves travaillent sur des commandes réelles, passées avec des clients, particuliers ou industriels, pour apprendre le métier et passer les diplômes. L’école propose quatorze diplômes de CAP et bacs professionnels, dans trois secteurs : industrie, bâtiment, automobile. Elle compte 120 élèves, auxquels il faut ajouter 40 adolescents en classes préparatoires à la 3e professionnelle et 70 adultes en formation continue.
« On part du concret pour dispenser la formation, c’est le chemin inverse de l’enseignement classique, les commandes ne sont pas de simples exercices, on effectue un travail qui amène la pédagogie », explique Philippe Piaton, responsable du bâtiment usinage de l’école. « Le jeune est impliqué dans le processus de la commande à la livraison. » Restaurer la confiance, avec des machines coûteuses qui tournent en permanence ; trouver sa place, en réalisant un objet utile ; se sentir valorisé en sachant que le produit est vendu : c’est la recette d’une école privée hors contrat mais reconnue par l’Etat, à tel point qu’elle sert de centre d’examens. Les résultats sont là : de 90 % à 95 % de taux de réussite dans les diplômes. La moitié des élèves trouvent directement un travail, l’autre moitié poursuivent leurs études en surmontant l’échec scolaire.
Rhétorique du compagnonnage
Par vocation, l’école de production s’ouvre aux élèves qui étaient en rupture scolaire complète, souvent sortis du collège en 4e ou 3e, pour des motifs variés : difficultés personnelles ou un environnement social complexe. « Des jeunes en déshérence, mal à l’aise dans le système traditionnel, en bute avec les standards, notre idée c’est de les former à devenir autonomes », dit Michel Denis, président de l’établissement.
Ici, on dit « campus » pour décrire les 3,5 hectares parsemés de bâtiments consacrés à des secteurs d’activités : usinage, mécanique, carrosserie, peinture… Ici encore, on ne dit pas « professeur » mais « maître professionnel ». Une rhétorique proche du compagnonnage qui correspond aux origines de cette école fondée en 1882, inspirée par le catholicisme social très prégnant à Lyon. « La relation avec le prof est très forte, on est ensemble tout le temps, il nous suit, le lycée c’est comme une entreprise, on dirait que nos camarades sont nos collègues de travail », témoigne Fabio, 17 ans, en deuxième année de CAP de mécanique poids lourds. « Je décrochais au collège, je ne pouvais pas rester dans une salle tout le temps », résume Thomas, 17 ans, en première année de baccalauréat technicien d’usinage, en train de calculer une patte en acier pour un engin de levage.
L’établissement est en prise directe avec la réalité économique et industrielle. Au prochain Salon de l’industrie à Lyon, les 4 et 5 avril, elle est chargée de reconstituer une entreprise, avec toutes ses composantes, de la conception à la vente, autour de la fabrication de mini-lampes torches. « Les branches professionnelles sont nos partenaires, on connaît les demandes fortes de l’industrie, nous sommes en contact permanent avec toutes les filières, par les syndicats professionnels mais aussi par les artisans qui nous passent commande », explique Bernard Fayolle.
Ce qui permet à l’école de répondre au plus près à la demande des emplois industriels. Depuis la création du premier établissement à Vaulx-en-Velin, dix-huit autres de ce type se sont ouverts en France, regroupés dans une Fédération nationale des écoles de production (FNEP), et huit écoles supplémentaires sont prévues pour la rentrée 2017.
Le positionnement proche des industriels ne signifie pas pour autant galvauder l’enseignement dans une vision trop utilitariste. Le calcul, la lecture, le français, les langues étrangères se dispensent à travers les travaux pratiques. « On part du concret, mais on emmène le jeune le plus haut possible », dit Michel Denis.