Duel à distance entre Macron et Fillon devant l’Association des maires de France
Duel à distance entre Macron et Fillon devant l’Association des maires de France
Par Béatrice Jérôme
Le candidat d’En marche ! a été sifflé lors de son discours alors que l’ancien premier ministre a été applaudi, malgré son objectif de baisse des dotations de l’Etat de 7,5 milliards.
« Je ne viens pas devant les maires de France pour me faire siffler ! » La mise au point n’aura pas suffi à calmer les esprits. Emmanuel Macron a essuyé la mauvaise humeur des maires, mercredi 22 mars, en présentant devant l’Association des maires de France (AMF), deux mesures phares de son projet présidentiel : « La baisse des dépenses des collectivités de dix milliards d’euros en cinq ans » et « l’exonération de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages ». Comme les dix autres candidats à la présidentielle, le leader d’En marche ! planchait devant une salle de près de 800 édiles réunis à la Maison de la radio.
S’il s’est engagé « à ne pas baisser les dotations » de l’Etat aux collectivités, M. Macron a rappelé qu’il demanderait aux collectivités de s’engager « dans une trajectoire de baisse des dépenses de fonctionnement (…) avec une évaluation tous les six mois dans le cadre d’un pacte de responsabilité ». Il n’en a pas fallu plus pour susciter une bronca dans les travées.
Des sifflets ont également fusé lorsque M. Macron a rappelé sa volonté de supprimer la taxe d’habitation pour la remplacer par une dotation de l’Etat à hauteur de 10 milliards d’euros. La mesure est un chiffon rouge pour les élus échaudés par les promesses de l’Etat jamais tenues de compenser intégralement aux collectivités le produit des impôts locaux supprimés.
« Normal qu’il suscite des réactions »
M. Macron a pris soin de préciser que « les maires conserveront leur liberté d’augmenter les taux ». Dans ce cas, « ces éventuelles augmentations ne seront pas prises en charge par l’Etat mais par les contribuables », a-t-il prévenu. Mais cette précision n’a pas réussi à dissiper l’hostilité perceptible dans la salle.
Dans les couloirs, ses soutiens s’empressaient de relativiser le mauvais accueil fait à leur champion. « C’était normal qu’il suscite des réactions en demandant un effort de 10 milliards aux maires », expliquait Jean-Paul Delevoye, ancien patron de l’AMF. « Les maires ne croient plus à la parole de l’Etat mais ils approuvent l’idée de contractualiser avec lui sur des objectifs clairs. C’est ce que propose Macron », faisait valoir cet ancien chiraquien, chargé des investitures aux législatives auprès du candidat d’En marche !.
« Quand Fillon va venir dire aux maires cet après-midi qu’il compte supprimer 7,5 milliards de dotations, on va voir s’il est acclamé », tentait de se rassurer M. Macron en quittant les lieux. Mais quand son tour est arrivé de monter à la tribune, M. Fillon a d’abord soigneusement évité de citer le chiffre de nature à braquer les maires. « La baisse des dépenses publiques est au cœur de mon programme mais je ne pratiquerai pas le coup de rabot brutal », a d’abord expliqué l’ancien premier ministre.
Discours calibré
Ce n’est qu’au détour d’une question de la salle que le candidat LR s’est résolu a préciser son objectif de baisse des dotations de l’Etat. Sans surprise, M. Fillon l’a estimé à « 1,5 milliard d’euros par an, ce qui ferait 7,5 milliards sur cinq ans », a-t-il détaillé. « Des efforts nettement inférieurs à ce qui a été exigé sous le quinquennat précédent », a-t-il aussitôt ajouté. M. Fillon n’a pas omis de promettre au passage « un bonus de DGF [dotation globale de fonctionnement] pour les collectivités qui feront un effort de réduction de leurs dépenses de fonctionnement ».
Grâce à ce discours calibré, le candidat LR s’est attiré des applaudissements polis de la salle. Macron chahuté, Fillon applaudi ? En marge des auditions, certains avaient leur idée sur la différence de traitement entre les deux candidats : « Le président de l’AMF, François Baroin, soutient M. Fillon », rappelait Gérard Collomb, maire (PS) de Lyon. « C’est peut-être ce qui explique qu’on n’ait pas eu beaucoup d’ardents partisans d’Emmanuel Macron dans la salle », voulait croire ce farouche partisan de l’ancien ministre de l’économie.