Devant l’AMF, le rabotage de la taxe d’habitation, voulu par Macron, passe difficilement
Devant l’AMF, le rabotage de la taxe d’habitation, voulu par Macron, passe difficilement
Par Béatrice Jérôme
Les maires de France craignent que l’Etat ne compense pas les pertes de recette fiscale.
« Arrogant », « maladroit », « courageux » : les maires avaient du mal à accorder leurs violons à propos d’Emmanuel Macron, mercredi 22 mars. Comme les dix autres prétendants à l’Elysée ou leurs représentants, le candidat d’En marche ! a joué sa partition au studio 104 de la Maison de la radio à l’invitation de l’Association des maires de France (AMF) devant quelque 800 édiles.
L’ex-patron de Bercy s’est attiré des huées sur deux mesures phares de son programme. Il a rappelé qu’il demanderait aux collectivités de s’engager « dans une trajectoire de baisse des dépenses de fonctionnement de dix milliards d’euros sur cinq ans ».
Etant donné que les concours de l’Etat aux collectivités ont été diminués d’environ dix milliards d’euros depuis 2014, M. Macron s’est engagé « à ne plus baisser les dotations (…) de façon unilatérale ». En revanche, il a exhorté les maires à « prendre leurs responsabilités » pour diminuer eux-mêmes le train de vie de leur commune. « Il va falloir qu’il éclaircisse vite ce qu’il veut faire », prévenait François Pupponi, maire (PS) de Sarcelles (Val-d’Oise), perplexe sur la façon dont M. Macron compte convaincre les élus de se serrer la ceinture.
« Relations partenariales »
Quelques sifflets ont aussi fusé lorsque M. Macron a rappelé son projet « de supprimer la taxe d’habitation pour 80 % des ménages », une taxe « injuste socialement qui pèse d’abord sur les classes moyennes », a-t-il plaidé. « L’Etat compensera [aux municipalités] à l’euro près ces dégrèvements à hauteur de dix milliards », a-t-il précisé. Puisque Bercy rembourse traditionnellement mal les pertes de recettes fiscales des collectivités, les édiles craignent un marché de dupes.
M. Macron a toutefois indiqué que « les maires conserveront leur liberté d’augmenter les taux ». Dans ce cas, « les éventuelles augmentations ne seront pas prises en charge par l’Etat mais par les contribuables », a-t-il prévenu. L’inquiétude d’une grande partie de l’auditoire mercredi n’en restait pas moins palpable. « Macron est brillant. Mais j’ai eu l’impression qu’il tire ses idées du cocon de l’ENA », confiait à l’issue de son audition Marie-Agnès Sibertin-Blanc, maire (LR) du village de Popian (Hérault), proche de François Fillon.
A la tribune, l’ex-premier ministre n’a d’ailleurs pas manqué de cibler la proposition de suppression de la taxe d’habitation de M. Macron. « Qui peut croire aujourd’hui que l’Etat, dans la situation financière qui est la sienne, sera en mesure de compenser intégralement et sur une période longue dix milliards de recettes perdues par les collectivités ? », a lancé le candidat LR.
Quant à Benoît Hamon, il a promis « qu’il n’y aurait pas de baisse des dotations sous le quinquennat ». « Réduire le budget des communes n’aura qu’une conséquence : creuser les inégalités, accroître les ségrégations et approfondir le désenchantement démocratique », a soutenu le candidat du PS.
« Cellule de base »
En désaccord sur les questions financières, M. Hamon a, en revanche, convergé avec MM. Macron et Fillon sur la nécessité de mettre en place des « relations partenariales » entre l’Etat et les collectivités. Il souhaite instaurer « l’obligation de consulter les élus locaux pour tout avant-projet de loi qui les concernerait ». Le député (PS) des Yvelines a également défendu le vote d’une loi qui garantirait à tout citoyen de pouvoir accéder à un bouquet de services publics (écoles, crèche, gare, poste…) à moins de trente minutes de chez lui.
Au nom de Jean-Luc Mélenchon, candidat de La France insoumise, François Cocq, adjoint (Front de gauche) à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), a promis le maintien des dotations de l’Etat à leur niveau actuel. Même engagement de David Rachline, maire (FN) de Fréjus (Var) au nom de Marine Le Pen.
Pour eux comme pour les petits candidats – Jacques Cheminade, Nathalie Arthaud, Philippe Poutou, Jean Lassalle, François Asselineau –, leur passage devant l’AMF aura été avant tout l’occasion d’un vibrant plaidoyer en faveur de la commune, « cellule de base de la République », a rappelé Nicolas Dupont-Aignan, candidat (Debout la France).