Etats-Unis : vote crucial sur l’Obamacare
Etats-Unis : vote crucial sur l’Obamacare
Le Monde.fr avec AFP
La Chambre des représentants doit se prononcer le 23 mars au soir sur l’American Health Care Act, destiné à remplacer la loi sur le système de santé adoptée en 2010 par les démocrates. Explications chiffrées.
Le Capitole, siège du Congrès, à Washington, le 20 décembre 2016. | © Joshua Roberts / Reuters / REUTERS
La couverture maladie aux Etats-Unis
C’est principalement un marché privé. La moitié environ des Américains disposent d’une couverture souscrite par leurs employeurs, selon la Kaiser Family Foundation, souvent à un coût abordable, auprès d’assureurs privés. Seuls un peu plus d’un tiers des Américains bénéficient d’une couverture publique, réservée aux plus vulnérables (programme Medicaid) et aux plus de 65 ans (Medicare).
Les autres, notamment les travailleurs indépendants ou les salariés de petites entreprises, restent sans assurance ou bien en souscrivent une individuellement auprès de compagnies privées. Son coût peut s’élever jusqu’à plusieurs milliers de dollars par mois pour une famille.
Les programmes Medicare et Medicaid
Financé par deux fonds de pension détenus par le Trésor, Medicare couvre certaines dépenses de santé des seniors plus de 65 ans et d’adultes sévèrement handicapés ou atteints d’une grave maladie des reins. Les bénéficiaires, 33,9 millions de personnes en 2014 selon les dernières données des Centers for Medicare and Medicaid services (CMS), peuvent choisir une assurance complémentaire privée pour compléter la couverture des soins. Les dépenses s’élevaient à 350,9 milliards de dollars (325 milliards d’euros) pour l’Etat fédéral cette même année.
Parmi les bénéficiaires du Medicare, un sur cinq reçoit également une aide du Medicaid, en particulier des femmes en maison de retraite ou des adultes handicapés, selon la Kaiser Family Foundation. La plupart de leurs dépenses de santé sont alors couvertes.
Medicaid s’adresse aux personnes à faibles ressources. Les règles d’éligibilité diffèrent selon les Etats fédérés, cofinanceurs. Selon les CMS, les dépenses liées à ce programme s’élèvent à 341 milliards de dollars (316 milliards d’euros), pour 63,3 millions de bénéficiaires en 2012.
Dépenses pour Medicaid (en milliards), par types de services, en 2012.
Source : CMS
Les apports d’Obamacare
En 2010, 16 % de la population américaine vivait sans couverture maladie. Barack Obama et ses alliés démocrates ont alors décidé d’adopter une grande réforme destinée à réduire cette part.
La loi, surnommée « Obamacare », a élargi les conditions d’accès au programme public Medicaid, et a créé des aides financières, sous la forme de crédits d’impôts, pour aider les gens à payer leur assurance privée. En parallèle, elle a imposé une amende à toute personne n’étant pas assurée.
Autres nouveautés : les enfants peuvent désormais rester sur l’assurance de leurs parents jusqu’à 26 ans, et les assureurs ne peuvent plus refuser d’assurer quelqu’un à cause de ses antécédents médicaux, comme une maladie chronique ou un cancer. Ces deux acquis, très populaires, sont conservés par les républicains dans leur projet de réforme.
Le taux de personnes sans assurance est ainsi tombé à moins de 9 % en 2016, selon l’administration précédente. Au total, environ 20 millions de personnes auraient bénéficié d’une meilleure couverture santé depuis la réforme de 2010, d’après le département de la santé du gouvernement américain. Un chiffre qui prend en compte les nouveaux allocataires du Medicaid, des bénéficiaires de crédits d’impôts et des jeunes affiliés à leurs parents.
Mais la facture s’est alourdie pour le contribuable, et le prix des assurances individuelles a bondi dans de nombreux Etats, car le marché créé par les crédits d’impôts s’est révélé moins rentable que prévu.
La réforme républicaine
La réforme républicaine souhaite désengager l’Etat fédéral, libérer le marché, supprimer l’obligation individuelle de s’assurer en échange d’incitations, et un certain nombre de taxes créées par Obamacare.
Par compromis, ils ont gardé l’idée des crédits d’impôts pour aider une partie de la population à s’assurer. Mais les montants sont moins généreux qu’actuellement, surtout pour les Américains âgés qui n’ont pas encore droit à Medicare.
Le Grand Old Party veut aussi réduire la voilure de Medicaid en plafonnant les montants déboursés par l’Etat fédéral, au grand dam d’un certain nombre d’Etats, qui cogèrent le programme public. Les 7 millions d’adultes handicapés de moins de 65 ans bénéficiaires du programme seraient particulièrement affectés.
Selon un rapport du bureau du budget du Congrès sur la première version de la réforme, 14 millions de personnes devraient perdre leur couverture en 2018 par rapport au statu quo, et 24 millions à l’horizon 2026, effaçant le gros des acquis d’Obamacare.
Cependant, le texte, déjà remanié cette semaine, pourrait encore légèrement changer ces prévisions.
La majorité désunie
L’opposition démocrate du Congrès, qui compte 193 élus sur 435 à la Chambre des représentants, devrait voter contre la réforme, ce qui force la majorité républicaine à être unie pour faire adopter le plan.
Mais l’aile conservatrice a surnommé la proposition de loi « Obamacare light » et tente de négocier, obtenant quelques concessions dans la version amendée qui sera soumise au vote ce jeudi. Ces parlementaires conservateurs estiment que leurs principes ne sont pas respectés puisque les crédits d’impôts ne sont pas complètement supprimés et que l’Etat fédéral continue à subventionner une partie du système de santé. Une vingtaine d’entre eux ont encore rencontré mercredi matin le président Donald Trump, qui tente d’obtenir leurs voix.
A l’inverse, l’aile modérée des républicains s’inquiète d’une réforme idéologique qui priverait 14 millions d’Américains de couverture dès 2018, année des législatives, et augmenterait la facture de millions d’autres.
Le président de la Chambre des représentants, Paul Ryan, doit limiter les défections à une vingtaine. Si le texte est adopté, le Sénat l’examinera la semaine prochaine, avec de nouveaux amendements en perspective.