Durant sa campagne, Donald Trump a fait miroiter des emplois aux régions minières sinistrées. | © Carlos Barria / Reuters / REUTERS

Donald Trump continue de dérouler son programme, même après l’abandon de la réforme de la santé, vendredi 24 mars. Dans une séquence chargée en symboles, le président américain a prévu de se rendre, mardi 28 mars, au siège de l’Agence de protection de l’environnement (EPA), située à quelques centaines de mètres de la Maison Blanche. Accompagné de Scott Pruitt, directeur de l’EPA, du secrétaire à l’intérieur Ryan Zinke et du secrétaire à l’énergie Rick Perry, il va signer un « décret sur l’indépendance énergétique ».

Le texte, qui vise à réduire « les obstacles inutiles » dans ce secteur, ordonne en particulier un réexamen de la mesure phare de son prédécesseur démocrate : le Clean Power Plan (projet pour une énergie propre).

  • Fin annoncée du Clean Power Plan

Le Clean Power Plan, qui a pour but d’accélérer la transition énergétique, prévoit de contraindre les Etats de l’Union à réduire leurs émissions de CO2 de 32 % d’ici à 2030 par rapport à 2005, conformément aux engagements souscrits dans l’Accord de Paris de décembre 2015. S’il entrait en vigueur, il se traduirait par la fermeture de nombre de centrales à charbon (les plus anciennes et les plus polluantes).

Pourtant, ce texte n’est pas entré en vigueur : il est bloqué depuis février 2016 par la cour d’appel fédérale de Washington, qui a été saisie par une vingtaine d’Etats majoritairement républicains et des entreprises du secteur de l’énergie. Son réexamen « prendra un certain temps », a reconnu l’exécutif, évoquant en particulier les procédures de consultation du public en vigueur à l’EPA.

  • Recours contre le décret

Mais la révision du Clean Power Plan est susceptible de déclencher de nouvelles contestations en justice, qui pourraient durer plusieurs années. Un groupe de procureurs fédéraux d’Etats libéraux a écrit au président élu en décembre pour le mettre en garde contre une abrogation de ce projet de l’ère Obama. Les groupes de défense de l’environnement ont annoncé leur intention de déposer des recours contre le décret annoncé.

La Californie, Etat pionnier en matière de questions environnementales aux Etats-Unis, qui peut fixer ses propres règles en termes de qualité de l’air, avec l’approbation des autorités fédérales, a franchi le pas. Elle a approuvé, le 24 mars, les nouvelles normes d’émissions et de consommation de véhicules, prévues dans les derniers jours de l’administration Obama, malgré la volonté de l’administration Trump de le remettre à plat.

 

  • Promesses de campagne

Durant sa campagne, Donald Trump a fait miroiter des emplois aux régions minières sinistrées. Des documents mis en ligne lors de son investiture ont défini les ambitions du 45e président en matière d’environnement :

« Maximiser l’utilisation des ressources américaines, nous libérant de la dépendance au pétrole étranger (…), embrasser la révolution des gaz et huiles de schiste pour offrir emplois et prospérité à des millions d’Américains. »

A peine installé à la Maison Blanche, le président a donné son feu vert à la construction de l’oléoduc controversé Keystone XL, auquel son prédécesseur Barack Obama avait mis son veto au nom de la lutte contre le réchauffement.

La nomination de Scott Pruitt, ancien procureur général de l’Oklahoma hostile aux réglementations de l’agence et climatosceptique assumé à la tête de l’EPA, a confirmé le revirement des Etats-Unis sur les questions environnementales.

 

  • Le poids de la filière charbon

Pendant la campagne et après l’élection, Donald Trump a régulièrement évoqué devant ses partisans sa volonté de relancer l’exploitation du « magnifique charbon propre », dont la première centrale vient d’ouvrir à proximité de Houston. « De nombreux mineurs vont retrouver du travail », a-t-il affirmé la semaine dernière dans le Kentucky.

De fait, le « décret sur l’indépendance énergétique » fera la part belle au charbon. Même s’il est en déclin, ce combustible reste une composante essentielle du paysage énergétique américain. En 2015, 511 centrales à charbon réparties sur le territoire fournissent 34 % de l’électricité du pays, à égalité avec le gaz naturel (30 %) et devant le nucléaire (20 %) et l’hydroélectricité (7 %), l’éolien (5 %), le solaire (1 %) ou le fioul (1 %), précisait le Washington Post.

Qu’importe si la plupart des experts restent sceptiques et doutent que le décret puisse se traduire par des créations net d’emplois dans ce secteur où l’essentiel du travail est mécanisé. « Je ne peux pas vous dire combien d’emplois seront créés par l’ordre exécutif, mais je peux vous dire que ça donne confiance dans l’engagement de cette administration pour l’industrie du charbon », a déclaré à l’agence de presse Reuters le président de l’association du charbon du Kentucky.

  • Hésitations sur l’accord de Paris

Pendant la campagne, Donald Trump a promis d’annuler l’accord de Paris sur le climat. Selon lui, les règles visant à limiter le réchauffement climatique menacent de « tuer l’emploi et le commerce ». Scott Pruitt, le patron de l’EPA a récemment affirmé que les émissions de CO2 n’étaient pas une des causes majeures du réchauffement climatique en cours et a réitéré ses critiques sur l’accord de Paris sur le climat.

« Nous nous sommes pénalisés avec des pertes d’emplois alors que la Chine et l’Inde n’ont pas pris de mesures pour faire face au problème. Pour moi, Paris a tout simplement été un mauvais accord. »

Scott Pruitt, patron de l’Agence de l’environnement américaine, doute de l’impact du CO2 sur l’environnement
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Les Etats-Unis et la Chine ont pourtant ratifié l’accord de Paris sur le climat à la veille de l’ouverture du sommet du G20 à Hangzhou, en Chine, en septembre 2016. Les Etats-Unis, deuxièmes plus gros émetteurs de gaz à effet de serre derrière la Chine, se sont dans ce cadre engagés sur une réduction de 26 % à 28 % de leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2025 par rapport à 2005.

L’administration Trump n’a pas encore tranché sur la position qu’elle entend adopter sur cet accord. « C’est en cours de discussion », a expliqué lundi soir un responsable de l’exécutif sous couvert d’anonymat. De fait, certains membres de l’administration Trump – comme le secrétaire d’Etat Rex Tillerson et Ivanka Trump – sont opposés à cette rupture.

Gina McCarthy, la directrice de l’EPA sous Obama, a mis en garde la nouvelle administration contre un retour en arrière, mettant en avant les dangers pour la qualité de l’air et de l’eau potable. « Il serait embarrassant pour nous et nos entreprises à l’échelle mondiale de rejeter les possibilités que représentent les nouvelles technologies, de croissance économique et de leadership pour les Etats-Unis », dit-elle.