Epargne salariale : Amundi change les règles du jeu
Epargne salariale : Amundi change les règles du jeu
Par Jérôme Porier
En décidant de modifier l’orientation de gestion de son principal fonds monétaire destiné à l’épargne salariale, la filiale du Crédit agricole lance un pavé dans ma mare.
Le siège du Crédit agricole, à Montrouge, dans les Hauts-de-Seine. | JACQUES DEMARTHON / AFP
C’est une première en France : Amundi, leader de l’épargne salariale avec 42 % des encours, a décidé de transformer son fonds monétaire Arcancia monétaire en Arcancia trésorerie, un produit qui peut désormais investir en obligations de court terme. Ce changement a été finalisé le 20 mars.
Ce changement concerne potentiellement 1,1 million de salariés, à qui la société de gestion a envoyé un courrier en début d’année. Et 100 000 entreprises qui proposent des plans d’épargne salariale et de retraite conçus et gérés la filiale du Crédit agricole à leurs collaborateurs.
Qu’est-ce qui a motivé cette décision ? « Depuis quelques années, nous avons régulièrement informé les salariés qu’ils pouvaient perdre de l’argent en laissant leur épargne “dormir” sur des produits monétaires de court terme, qui ne rapportent plus rien, voire font perdre de l’argent à leurs souscripteurs, expose Xavier Collot, directeur épargne salariale et retraite chez Amundi. Très peu de salariés ont opté pour des fonds plus dynamiques. Face à cette inertie, nous avons décidé d’agir. Si nous n’avions rien fait, on aurait pu nous reprocher un défaut de conseil. »
La décision de la filiale de gestion d’actifs du groupe Crédit agricole soulève cependant de nombreuses questions. L’inertie et l’absence de culture financière des épargnants en France sont-elles des raisons suffisantes pour prendre une décision à leur place ? Et les orienter arbitrairement vers des produits sans garantie en capital qui peuvent leur faire perdre de l’argent peut-il se justifier ?
S’il reconnaît avoir suggéré ce changement, Amundi précise que sa proposition a été validée par les comités de surveillance des fonds communs de placement d’entreprise (FCPE) concernés, dans lesquels sont représentés les entreprises et leurs salariés. L’opération a également reçu l’autorisation de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Dans sa classification maison, le fonds est passé de la catégorie « monétaire » à « obligations et autres titres de créances libellés en euro ».
Autrement dit, des produits qui peuvent perdre de la valeur en cas de remontée brutale des taux d’intérêt. « Mais cela ne change pas le profil de risque du produit, qui reste à 1 sur notre échelle, qui va de 1 à 7, relativise Xavier Parain, directeur de la gestion d’actifs à l’AMF. Amundi pourra désormais investir dans des obligations à six mois, alors qu’elle ne pouvait pas dépasser trois mois précédemment, mais la stratégie d’investissement reste la même. »
Une vision que ne partage pas Manuèle Pennera, de la société de conseil Karente, spécialisée dans l’épargne salariale : « On laisse croire aux salariés que ces produits sont sans risque, alors que ce n’est pas le cas », affirme-t-elle. Pour cette spécialiste, le fait que les salariés ne disposent plus d’un véhicule pour protéger au mieux leur épargne, par exemple à l’approche de la retraite, pose problème.
Derrière les arguments d’Amundi pourraient se cachent d’autres motivations, moins avouables. « Les gestionnaires de l’épargne salariale perdent de l’argent sur les fonds monétaires, dont les commissions de gestion sont très basses. Ce n’est pas le cas sur les produits dynamiques, dont les frais de gestion sont plus élevés », confie Mme Pennera.
Actuellement, un tiers des encours de l’épargne salariale en France est placé en monétaire. La plupart des sociétés de gestion se contentent, pour le moment, de conseiller aux souscripteurs de ces fonds d’aller vers des supports plus offensifs.
L’exemple d’Amundi pourrait-il les inciter à aller plus loin ? Pour l’instant, ce n’est pas le cas. Deux poids lourds, AXA IM et Natixis AM ont d’ores et déjà annoncé qu’ils « n’iraient pas au-delà de leur mission de conseil ». « Notre rôle est d’informer les salariés, pas de prendre les décisions à leur place », déclare Stéphane Caminati, directeur général de Natixis interépargne.