L’essor du streaming profite à l’industrie du disque américaine
L’essor du streaming profite à l’industrie du disque américaine
LE MONDE ECONOMIE
Les offres d’écoute sans téléchargement représentent 51 % des revenus du secteur. Les majors critiquent la faible contribution de YouTube, la filiale de Google.
Robert Kyncl, le directeur des opérations commerciales de YouTube, lors du lancement du service de streaming vidéo du site, le 7 janvier 2016. | © Steve Marcus / Reuters / REUTERS
Après plusieurs années de stagnation, le chiffre d’affaires de l’industrie musicale américaine a bondi de 11 % en 2016, enregistrant sa plus forte croissance en près de vingt ans. Il s’est élevé à 7,7 milliards de dollars (7,2 milliards d’euros), soit son plus haut niveau depuis 2009, selon les chiffres publiés jeudi 30 mars par la Recording Industry Association of America (RIAA), qui représente les grandes maisons de disques.
« Le streaming commence à payer », se satisfait Cary Sherman, son directeur général. De fait, ces offres gratuites ou payantes d’écoute sans téléchargement ont généré 3,9 milliards de dollars de recettes l’an passé aux Etats-Unis, en hausse de 68 %. Elles représentent désormais 51 % des revenus musicaux, contre 34 % en 2015, et seulement 9 % en 2011. « Mais notre redressement demeure fragile et semé d’embûches », nuance M. Sherman.
Si le marché se porte mieux, il est encore deux fois plus petit que lors de la période faste de la fin des années 1990, juste avant le lancement de la plate-forme Napster, qui permettait de télécharger des chansons gratuitement. En outre, les autres segments reculent fortement. Les ventes de CD ont chuté de 17 %, passant sous la barre de 100 millions d’unités pour la première fois depuis 1986. Et les recettes tirées des téléchargements légaux se sont repliées de 22 %. « Il reste à voir si le streaming sera suffisant pour compenser ces baisses », prévient M. Sherman.
Des créateurs très peu rémunérés
2016 restera une année charnière. Le nombre d’abonnés aux offres d’écoute payantes a plus que doublé, pour atteindre 22,6 millions. Cette progression s’explique essentiellement par le lancement, mi-2015, d’Apple Music, et par les bonnes performances de Spotify, le leader suédois du marché. Cela faisait des années que le secteur espérait une telle évolution, au détriment des offres gratuites, financées par la publicité et qui rapportent beaucoup moins. Conséquence : les artistes et les auteurs ont touché en moyenne 7,2 cents pour 1 000 écoutes, contre 5,2 cents en 2015.
L’industrie du disque américaine ne se contente pas de ce redressement. Dans son viseur : YouTube, la plate-forme vidéo de Google qui représente 27 % de la consommation totale de musique aux Etats-Unis. « Mais elle ne génère que 9 % du chiffre d’affaires », note Russ Crupnick, directeur du cabinet MusicWatch. Selon la RIAA, YouTube ne verse en effet que 1 cent de commission pour 1 000 écoutes, contre 7 pour Spotify et plus de 12 pour Apple Music – qui ne dispose pas d’offre gratuite.
« YouTube exploite des vides juridiques pour payer les créateurs à des niveaux très en dessous de leur véritable valeur », assène M. Sherman. En 2016, les grandes maisons de disques, les associations professionnelles et près de 200 artistes, dont Taylor Swift, U2 et Paul McCartney, avaient adressé une lettre ouverte au Congrès américain. Ils réclamaient une modification de la loi qui protège les sites Internet d’éventuelles poursuites judiciaires liées à des contenus publiés illégalement par leurs utilisateurs, par exemple des clips musicaux mis en ligne sans l’autorisation des artistes. Cette législation n’incite pas la plate-forme à proposer des outils efficaces pour retirer les vidéos ne respectant pas les droits d’auteur, faisaient-ils valoir.
Face aux critiques, la filiale de Google souligne qu’elle a versé plus de 1 milliard de dollars à l’industrie du disque en 2016. « Et ce n’est qu’un début », promettait alors Robert Kyncl, son directeur des opérations commerciales. L’an passé, la société a lancé une offre sur abonnement, baptisé YouTube Music. Mais elle peine encore à convaincre ses utilisateurs, habitués à la gratuité.