Documentaire, dimanche 2 avril, sur France 5, à 22 h 35

En lançant l'opération Barbarossa en 1941, Hitler ignore qu'il est en train de signer la perte de l'Allemagne nazie. Reconstitution. | France 5

Un triptyque avait récemment proposé de comprendre le jour où Churchill, comme de Gaulle puis Roosevelt avaient choisi la guerre. Deux nouveaux volets abordent aujourd’hui la fin du conflit en distinguant « Le jour où… » Hitler a perdu la guerre, puis celui où… Staline l’a gagnée. Le traitement en est contrasté, même si les esquisses de reconstitution, désolantes au regard des documents authentiques, sont similaires.

Pour expliquer la défaite du Reich, Laurent Joffrin et Laurent Portes ont choisi le déclen­chement de l’opération Barbarossa, aux premières heures du 22 juin 1941, quand l’Allemagne, rompant le pacte de non-agression signé avec les Soviétiques en août 1939, envahit l’URSS.

Se plaçant dans une perspective eschatologique – le nom choisi pour l’offensive renvoie à l’empereur Frédéric Barberousse et à l’idéal de croisade qu’incarna l’ordre Teutonique –, Hitler, à l’apogée de son affirmation continentale, se pense invincible et fond sur un ennemi que son projet aryen condamnait dès Mein Kampf.

Didactique et bien conduit, le propos reprend très en amont le contexte de l’agression ; épingle l’aveuglement de Staline, inapte à mesurer le danger auquel il s’est exposé en décapitant l’Armée rouge lors des purges de 1937 ; montre enfin par quel étonnant retournement, lié à la résistance surhumaine des peuples slaves, le pari nazi s’est avéré désastreux, infirmant la prophétie du Führer qui se voyait vainqueur là où ­Napoléon avait échoué.

Informé, le documentaire ne parvient pourtant pas à établir en quoi l’attaque de juin 1941 ne pouvait qu’échouer – ce qui n’est pas si probant.

« Riviera de l’enfer »

Le second volet, diffusé le dimanche 9 avril, est autrement instructif. Centrée sur la fameuse conférence qui réunit à Yalta, aux dernières heures de la guerre, l’Américain Roosevelt, le Britannique Churchill et le Russe Staline, qui n’avaient pas été vus ensembledepuis Téhéran en novembre 1943, l’évocation tient du thriller. En direct de la station balnéaire de ­Crimée – cette « Riviera de l’enfer », telle que Churchill la décrivit, que Staline parvint à imposer pour cet ultime sommet où s’esquissa le nouveau partage du monde –, on assiste jour après jour, du 3 février, où les Occidentaux arrivent les premiers tandis que Staline se fait attendre, au 11 février, où les trois signatures scellent les règles péniblement établies d’un nouvel ordre mondial, au jeu de dupes le plus âpre qui soit.

Avec un Roosevelt très diminué par la maladie qui l’emportera deux mois plus tard, obnubilé par le nouvel arbitrage international capable de corriger l’impuissance de la Société des nations ; un ­Churchill lucide mais isolé, anticipant la mainmise communiste sur l’Est européen et tentant de requalifier la France, ­futur partenaire nécessaire dans le combat à venir.

Et un Staline enfin, sur ses terres – les villas hébergeant chaque hôte étant dûment sous le contrôle policier du NKVD –, soufflant le chaud et le froid, fort de l’avancée fulgurante de ses troupes sur Berlin pour ne concéder que des broutilles qu’il présente comme de considérables concessions.

Vers 1940. | www.bridgemanimages.com

Autocrate incontesté face à deux hommes sur le point de quitter la scène internationale – peu après la mort de Roosevelt, le conservateur Churchill s’efface démocratiquement devant le travailliste­­­ ­Clement Attlee –, ­Staline, de fait, est le grand vainqueur de Yalta, ­figurant presque comme le vrai bénéficiaire d’un conflit qu’il ne sut pas préparer et qu’il faillit perdre d’entrée. Edifiant et terrible.

Le jour où… Hitler a perdu la guerre, de Laurent Joffrin et Laurent Portes (Fr., 2015, 55 min).