Former des manageurs avec le théâtre ou la danse
Former des manageurs avec le théâtre ou la danse
Par Sophie Blitman
De nombreux MBA proposent à leurs étudiants des ateliers atypiques favorisant le développement personnel et l’ouverture d’esprit.
« Les étudiants qui suivent un MBA viennent chercher trois choses : un niveau de spécialisation élevé en finance et en marketing, une vision globale de l’entreprise, mais aussi une réflexion et une hauteur de vue sur les questions de leadership », affirme Jacques Digout, directeur de l’Executive MBA de Toulouse Business School. Dans ce cadre, le coaching et les tests de personnalité constituent des éléments classiques de la formation, de même que les « évaluations à 360° » qui sensibilisent les manageurs à l’importance de savoir donner et recevoir un retour constructif.
Parallèlement, de plus en plus de MBA intègrent désormais des modules atypiques, qui mettent l’accent sur le développement personnel. L’école de commerce de Toulouse propose ainsi des ateliers de théâtre pour travailler la prise de parole en public, la négociation ou la canalisation des émotions, ainsi que des ateliers de méditation. « Nous restons sur le terrain professionnel, insiste Jacques Digout. L’objectif est de voir comment ces techniques peuvent être mises au service de la gestion managériale, pour prendre de la distance, gérer son stress et lâcher prise. »
De l’éthique dans les cours
« Alors qu’on fonctionne beaucoup en surrégime, il est intéressant d’intégrer ce type de pratique au sein d’un MBA », témoigne Marjorie Testanière, qui a suivi l’Executive MBA d’Audencia. Cependant, « quelques séances de méditation ne suffisent pas », nuance cette quadragénaire, qui estime avoir surtout été « confortée dans une démarche engagée par ailleurs, avec le yoga ». Dans le secteur du nucléaire, où elle travaille, « la montée en pression peut être rapide », souligne-t-elle. « Je suis désormais moins prise par l’urgence d’une situation, j’apprends à laisser passer l’émotion pour agir de manière plus rationnelle. Le MBA, dans son ensemble, m’a permis de prendre du recul. »
Une telle attitude peut aussi être encouragée par des cours de philosophie, comme en propose l’Edhec depuis douze ans. « L’idée de départ était de donner une dimension “humaniste” au MBA, à côté des cours très terre à terre sur la formulation d’une stratégie ou l’analyse d’un bilan », indique Michelle Sisto, directrice du Global MBA de l’école. Qu’est-ce que le pouvoir et la démocratie ? Existe-t-il des valeurs universelles ? Voilà quelques-unes des questions qui peuvent être abordées sous l’angle politique, mais aussi économique, du point de vue d’une organisation.
Au-delà des heures consacrées à la philosophie, l’Edhec demande aux enseignants d’intégrer l’éthique dans leurs cours. C’est ainsi que des débats peuvent naître pendant une séance de comptabilité, à l’occasion d’un scandale financier qui fait s’interroger sur la transparence et la responsabilité. « Dans notre société ultraconnectée, c’est un luxe de prendre le temps de se poser des questions fondamentales », insiste Michelle Sisto, qui ambitionne de « donner aux cadres dirigeants cette habitude de réflexion ».
Sortir de sa zone de confort
Inciter les étudiants à changer de posture nécessite parfois de les bousculer, en leur demandant, comme à l’IAE d’Aix-Marseille, d’exécuter une chorégraphie de danse contemporaine, des acrobaties de cirque ou de prendre la place d’un chef d’orchestre. L’école a noué des partenariats avec le Ballet Preljocaj, en résidence dans la ville, le Centre international des arts en mouvement et le conservatoire de musique pour « valoriser la double culture business et art d’Aix-Marseille, et promouvoir d’autres pédagogies, en dehors de la salle de classe », explique Carolina Serrano Archimi, maître de conférences à l’IAE. « Ces ateliers font sortir les étudiants de leur zone de confort, dans la mesure où ils doivent dépasser leur peur du ridicule. »
« L’essentiel n’est pas d’avoir fait de la danse ou du saut à l’élastique, mais d’avoir vécu une expérience marquante qui nous a obligés à penser et à nous comporter différemment alors qu’on n’y était pas préparés », confie François Mathieu, ingénieur aéronautique diplômé de l’EMBA d’Aix-Marseille. « Cela donne confiance pour aller de l’avant dans un environnement qu’on ne maîtrise pas, et aussi pour faire confiance aux autres. »
Les entreprises ne s’y trompent pas : si elles prônent de plus en plus l’épanouissement personnel de leurs salariés, elles savent qu’elles ont tout à y gagner car, comme le dit Jacques Digout, de Toulouse Business School, « un manageur serein, bien dans sa peau, qui trouve du sens à ce qu’il fait, sera aussi plus efficace ».
Un supplément et un salon du « Monde » pour tout savoir sur les MBA
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