Les détenus kurdes dénoncent leur conditions d’incarcération en Turquie
Les détenus kurdes dénoncent leur conditions d’incarcération en Turquie
Par Marie Jégo (Diyarbakir, Turquie, envoyée spéciale)
Depuis février, une centaine de « prisonniers politiques » suivent des grèves de la faim pour dénoncer le bafouement de leurs droits élementaires par les autorités turques.
Des militants du Parti de la démocratie des peuples, prokurde, portent sur eux le portrait de Selahattin Demirtas, leur leader, lors d’une manifestation à Istanbul, le 18 mai 2015. En détention préventive depuis novembre 2016, celui-ci est notamment accusé de « diriger une organisation terroriste ». | MURAD SEZER / REUTERS
A deux semaines du référendum constitutionnel, le gouvernement islamo-conservateur turc ne veut pas de vagues autour des prisonniers politiques kurdes. C’est ce que semble indiquer la réponse des autorités à la grève de la faim de Selahattin Demirtas, le coprésident du Parti de la démocratie des peuples (HDP, prokurde), incarcéré dans la prison d’Edirne, à l’ouest de la Turquie, avec quelques-uns de ses compagnons. Entamée vendredi 31 mars au matin, sa grève a pris fin le soir même sur la foi des « promesses » de la direction pénitentiaire de résoudre les problèmes.
La nouvelle a été annoncée dans un communiqué diffusé le jour même par le HDP et signé par les « prisonniers politiques » d’Edirne. Visé par plusieurs procédures judiciaires, le chef kurde est accusé de « diriger une organisation terroriste » et de faire de la « propagande terroriste » pour le compte du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), ce pour quoi il risque cent quarante-deux ans de prison.
Une délégation reçue lundi
Dès février, des centaines de détenus kurdes ont entamé des grèves de la faim afin de dénoncer les « pratiques punitives et inhumaines » ayant cours dans les prisons. Ils reprochent à l’administration pénitentiaire de ne pas respecter les droits élémentaires des détenus, lesquels sont limités dans leurs visites, leurs lectures, leur communication. Ils dénoncent l’isolement, les fouilles, les saisies abusives de leurs objets personnels, le manque d’accès à la télévision, à la radio, aux journaux, aux livres et au courrier. Une centaine de détenus étaient toujours en grève vendredi. Selon le HDP, l’état de santé de certains d’entre eux est « critique ».
Lundi 3 avril, une délégation du HDP comprenant le député Sirri Süreyya Önder et sa collègue Pervin Buldan va rencontrer Bekir Bozdag, le ministre de la justice, afin d’évoquer la situation des détenus kurdes en prison. Si la rencontre a lieu, elle marquera la première prise de contact entre le Parti de la justice et du développement (islamo-conservateur, au pouvoir) et le HDP depuis 2015, l’année où les pourparlers de paix ont volé en éclats. Vendredi, lors d’une conférence de presse, Sirri Süreyya Önder a tourné en dérision l’accusation de « liens avec le PKK » retenue contre les treize députés du HDP emprisonnés. Si quelqu’un est à blâmer pour ses relations avec le PKK, « c’est moi », a-t-il expliqué. Au moment des pourparlers entre les autorités turques et le PKK, entre 2008 et 2015, il a bien parlé « une centaine de fois » à des représentants du PKK, avec le plein accord du gouvernement, alors très impliqué dans les négociations.