Donald Trump découvre la menace nord-coréenne et la géopolitique en Asie
Donald Trump découvre la menace nord-coréenne et la géopolitique en Asie
Par Harold Thibault
Alors qu’une nouvelle démonstration de force de Pyongyang est imminente, le président des Etats-Unis a reconnu que la situation était plus compliquée que ce qu’il imaginait.
Donald Trump, ici le 12 avril à la Maison Blanche, juge désormais que la Corée du Nord est « la plus grande menace ». | ANDREW HARNIK / AP
La République populaire démocratique de Corée du Nord (RPDC) pourrait être sur le point de réaliser son sixième essai nucléaire, faisant à nouveau la démonstration de ses progrès techniques, malgré le régime de sanctions qui lui est imposé. Le site spécialisé 38 North de l’université américaine Johns-Hopkins (Maryland), relève, à partir de photographies satellite, une hausse de l’activité ces dernières semaines autour du site d’expérimentation de Punggye-ri, dans le nord-est de la péninsule coréenne. En particulier autour de son tunnel nord, duquel ont été déclenchées les dernières détonations nucléaires.
Le calendrier laisse penser qu’une démonstration de force nord-coréenne – à défaut d’un essai nucléaire, il pourrait s’agir d’un tir de missile – est imminente. La fête nationale Jour du soleil, le 15 avril, marque la naissance du fondateur de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), Kim Il-sung. A cette date sont généralement organisées une parade militaire et des danses de masse. Ce même jour, en 2016, Pyongyang avait procédé à un tir de missile balistique de moyenne portée qui avait échoué. Dix jours plus tard, le 25 avril, c’est l’anniversaire de la création de l’Armée populaire de Corée.
Cette image satellite, publiée et notée par Airbus Defence & Space et 38 North mercredi 12 avril 2017, montre le site de test nucléaire de Punggye-ri, en Corée du Nord. | AP
« La plus grande menace » pour Donald Trump
Le nouveau président des Etats-Unis s’initie au problème nord-coréen. Alors qu’il avait attaqué la Chine sur de nombreux sujets durant la campagne présidentielle puis pendant la période de transition, Donald Trump a, depuis, fait volte-face. En retour, il demande la coopération de Pékin pour convaincre la RPDC de renoncer à la voie nucléaire. Il s’est rangé en février à la politique tenue par tous ses prédécesseurs depuis 1972 sur la question de Taïwan et l’existence d’une « Chine unique ».
Après avoir promis, en 2015, qu’« au premier jour d’une administration Trump », la Chine serait placée sur la liste des Etats manipulant le cours de leur monnaie, il a également changé d’avis sur ce dossier. Dans un entretien au Wall Street Journal publié mercredi 12 avril, il a expliqué que, à ses yeux, la Chine avait cessé de tricher sur le cours du yuan.
S’il plie sur tous ces dossiers, au risque de décevoir ses électeurs et de passer auprès de la Chine pour un « tigre de papier », c’est qu’il espère en retour la coopération de Pékin sur la Corée du Nord. Il juge désormais que ce pays est « la plus grande menace » : « Vous voulez faire un “great deal” ? Résolvez le problème en Corée du Nord », lance-t-il à destination de la Chine.
« Non, ce n’est pas si facile »
Au grand quotidien économique américain, il a rapporté son échange avec le président chinois, Xi Jinping, qu’il a reçu en Floride les 6 et 7 avril. Il aurait dit à M. Xi que la Chine pourrait aisément régler le problème nord-coréen, avant de comprendre que la situation était plus complexe qu’il l’imaginait. Le chef d’Etat chinois lui a expliqué l’histoire de la Chine et de la péninsule coréenne. « On parle de milliers d’années… et de nombreuses guerres », a relaté M. Trump. Et après avoir écouté pendant dix minutes, j’ai réalisé que non, ce n’est pas si facile. »
Au même moment, l’armée américaine montre ses muscles. Depuis le début de mars se tiennent des exercices organisés chaque année avec les forces sud-coréennes. Pyongyang les voit comme une menace directe à sa sécurité. Un porte-avions états-unien, le Carl-Vinson, qui était déjà dans la région en mars mais faisait depuis route pour l’Australie, a rebroussé chemin le 8 avril pour retourner à proximité de la péninsule coréenne.
Ce déploiement ajoute aux tensions, le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, ne pouvant se permettre de paraître faible auprès de sa population. « Nous tiendrons les Etats-Unis pleinement responsables des conséquences catastrophiques entraînées par leur action outrageuse », lançait la Corée du Nord, le 10 avril.
Arrivé au pouvoir en 2011 après la mort de son père, Kim Jong-un a adopté deux ans plus tard une politique qualifiée de « ligne Byungjin » : le « développement parallèle » d’une capacité de dissuasion nucléaire et de l’économie du pays ; deux objectifs a priori irréconciliables. Le pays se voit imposer de nouvelles sanctions après chaque essai nucléaire. Elles pèsent sur son économie, mais celle-ci tient jusqu’à présent grâce, d’une part, aux échanges avec la Chine et, d’autre part, à la place croissante que le Parti des travailleurs laisse au privé.
L’arme nucléaire, une question de survie
Après avoir observé le sort réservé à Saddam Hussein en Irak et Mouammar Kadhafi en Libye, pays qui n’étaient pas dotés de l’arme nucléaire, le régime nord-coréen considère que disposer de cette arme est la clé de sa survie. De son côté, la Chine juge qu’il en va de son intérêt stratégique de maintenir en vie cet Etat tampon. Environ 28 500 soldats américains sont stationnés en Corée du Sud et il n’est pas question pour l’empire du Milieu qu’une réunification sur le modèle du Sud – comme elle s’est faite sur le modèle de l’Ouest en Allemagne – permette de placer ces troupes américaines à sa propre frontière.
Le nouveau secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, a déclaré en mars que la politique dite de « patience stratégique » menée par l’administration Obama n’avait plus cours. « Vous ne pouvez pas permettre à un pays comme ça d’avoir la puissance nucléaire, des armes nucléaires », conclut dans le journal conservateur M. Trump.