La collecte de données, enjeu majeur pour les « smart cities » françaises
La collecte de données, enjeu majeur pour les « smart cities » françaises
Par Laetitia Van Eeckhout
Dans un rapport remis au premier ministre mardi 18 avril, le député PS du Maine-et-Loire Luc Belot attire l’attention sur les risques et les enjeux de la smart city, sachant que l’essor du numérique impose de réformer la gouvernance locale.
« De la Smart City au Territoire d’Intelligence(s)" | Luc BELOT
« L’utilisation des technologies ne crée pas en soi une ville intelligente », prévient le député (PS) Luc Belot, porteur d’une mission sur la smart city que le gouvernement lui a confiée en novembre 2016. Dans son rapport remis mardi 18 avril au premier ministre, Bernard Cazeneuve, l’élu du Maine-et-Loire attire l’attention des territoires sur les enjeux et les risques potentiels de la smart city.
Déjà, traditionnellement enclines à partir de la technique pour élaborer leurs services publics, les collectivités sont invitées à dépasser leur organisation par métier. « La smart city appelle une approche décloisonnée, transversale de la ville, souligne Luc Belot. Ne serait-ce qu’en matière de mobilité, souvent, il y a le gestionnaire des parkings qui favorise l’usage de la voiture tandis que l’opérateur de transports en commun incite à ne pas l’utiliser ; tous deux sont pourtant délégataires de service public », observe-t-il.
L’élu préconise ainsi la mise en place, au sein de chaque collectivité, d’une structure de gouvernance associant les élus, les différents services de l’administration locale, et même les acteurs économiques. Car avec le développement du numérique, de nouveaux acteurs privés développent une offre de services urbains.
Gouvernance à l’échelle intercommunale
« Engager des discussions et des collaborations avec l’ensemble des acteurs de la ville, et notamment des grands acteurs du numérique, est essentiel pour assurer une meilleure complémentarité entre les offres publique et privée, relève Luc Belot qui juge nécessaire d’instaurer cette gouvernance à l’échelle intercommunale. Nier cette complémentarité ne favorise pas une amélioration des services offerts aux habitants. Et limite la capacité des autorités locales à développer une politique publique. »
Les systèmes de navigation fournissant des données de trafic automobile en temps réel, tel que celui proposé par Waze, n’intègre pas par exemple les contraintes des collectivités dans leur système d’optimisation des trajets. Travailler avec un tel acteur permettrait qu’il tienne compte du besoin d’éviter les zones de circulation apaisée et certaines rues avec écoles, hôpitaux.
Une telle gouvernance territoriale se révèle nécessaire pour optimiser cette offre de services, mais aussi parce que ces prestataires privés de service sont détenteurs de données qui peuvent être utiles à la ville. Les collectivités devraient d’ailleurs pouvoir avoir un accès plus large, si ce n’est systématique, à toutes les données leur permettant d’améliorer la gestion des services publics locaux, estime le député.
Ce faisant, alors que les villes seront à l’avenir de plus en plus amenées à créer des plates-formes de « données territoriales », comprenant un volet en open data (en accès libre), la « donnée » est appelée à devenir une politique à part entière. « Il revient à la collectivité de collecter, stocker, sécuriser, traiter, exploiter et mettre le cas échéant à disposition les différentes données d’intérêts territoriales », soutient Luc Belot.
Certaines collectivités ont déjà commencé à mettre en pratique cette exigence, à l’instar de Grenoble, qui a instauré un comité de pilotage de l’open data, ou de Rennes Métropole, qui a mis en ligne depuis 2010 un catalogue de données ouvertes, sur l’environnement, les transports, la culture, l’urbanisme, le logement, la vie quotidienne, etc.
« Participation des citoyens »
De toutes évidences, la ville est appelée à devenir dépositaire d’un grand nombre de données, y compris individuelles. D’autant que « la collectivité peut elle-même être conduite à collecter des données auprès des citoyens pour combler des besoins, tout en favorisant la participation des citoyens », souligne Luc Belot.
Et l’élu d’insister : « la ville intelligente n’est pas faite que de capteurs, d’algorithmes, d’efficience dans chaque domaine (circulation, énergie, stationnement…). En partant des possibilités techniques, le risque est de créer une ville inutilisée. Pour rencontrer un certain succès, le développement de projets smart city implique de s’appuyer sur l’expérience et les attentes des citoyens. Cela appelle une plus grande concertation, une association des usagers dès la conception des services publics. » Dans le domaine sensible de la donnée en particulier, le député recommande que soit élaborée avec les citoyens une Charte pour définir les modalités d’utilisation des données individuelles par la collectivité.
Si les outils numériques permettent de diversifier les modes de collaboration de la ville avec ses habitants, les collectivités doivent veiller, souligne encore Luc Belot, à ce que tous les publics, y compris les moins digitaux, aient accès aux outils de participation comme aux nouveaux services publics numérisés. Cela peut conduire à mettre en place des bornes d’accès à Internet à différents points de la ville, pour limiter les différences de taux d’équipement. Ou encore à développer une politique d’accompagnement des publics les plus éloignés du numérique pour leur expliquer et les familiariser aux nouveaux services.