François Fillon, à Lille, le 18 avril. | LAURENCE GEAI POUR "LE MONDE"

A quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle, et alors que le parquet de Paris a annoncé avoir déjoué un projet d’attentat imminent, la vigilance des autorités est mise à l’épreuve. « Plus de 50 000 policiers, gendarmes et militaires seront déployés lors de chaque tour de l’élection présidentielle pour permettre au scrutin de se dérouler dans les meilleures conditions possibles de sécurité et de sérénité », a déclaré mardi 18 avril le ministre de l’intérieur, Matthias Fekl, qui évoque un « risque terroriste plus élevé que jamais ».

Le niveau de menace terroriste n’a pas été revu à la baisse depuis un an et demi. « Elle est prégnante et ne diminue pas, confirme le patron d’un service de renseignement. Mais on sait que la nébuleuse de l’Etat islamique suit l’actualité et que le contexte électoral est sensible. » Un cadre de la police judiciaire appuie : « Cela fait un moment qu’on est dans le rouge, a fortiori sur la période d’élection. »

Alors que le plan Vigipirate est actif à un niveau « sécurité renforcée – risque attentat », le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, rattaché au premier ministre, a élaboré une « posture Vigipirate » spécifique, jusqu’aux législatives. Un plan, classifié et mis en œuvre depuis janvier, qui prévoit une palette de mesures « déployables » en fonction de l’activité des candidats – surtout les plus visibles – dans les départements.

« Montée en puissance »

Les outils vont de la fouille des bagages à l’entrée des meetings à des interdictions de séjour dans certains lieux par le biais de l’état d’urgence, en passant par un important travail de renseignement territorial. Plusieurs « postures Vigipirate » ont déjà été mises en œuvre en 2015, à l’occasion de la COP21, et en 2016, pour l’Euro de football, et après l’attentat de Nice…

En matière de mobilisation des forces de l’ordre, les 50 000 effectifs annoncés par M. Fekl relèvent plus de l’élément de langage que du calcul savant, tant ce chiffre additionne des dispositifs conjoncturels spécifiques à d’autres, permanents. Il n’en demeure pas moins que les autorités ont paramétré la sécurisation des 67 000 bureaux de vote comme des QG de campagne.

« Depuis un mois et demi, le dispositif monte en puissance, explique Karine Lejeune, porte-parole de la gendarmerie. Tous les commandants de brigade ont eu pour consigne de prendre contact avec les maires ou les présidents des bureaux de vote pour réfléchir aux mesures de sécurité passive, pour éviter par exemple les rassemblements de foule. » Les forces de l’ordre – appuyées par la réserve opérationnelle – effectueront des « patrouilles dynamiques » et les unités d’intervention seront en alerte. D’après nos informations, la brigade de recherche et d’intervention a par exemple prévu un dispositif renforcé le soir du premier tour.

Au plus près des candidats, c’est le service de la protection de la police nationale (SDLP) qui a déployé ses hommes, en plus des dispositifs privés que peuvent prévoir les partis. Leur nombre est calibré en fonction d’un niveau de risque évalué par l’unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat), sur une échelle de 1 à 4, 1 étant le niveau maximal. François Fillon est passé en niveau 2 mi-avril. Ce choix s’explique notamment par la recherche des deux suspects du projet d’attentat déjoué, susceptibles de se trouver dans le Sud-Est, tandis que le candidat LR tenait un meeting à Montpellier, vendredi 14 avril.

Le niveau 2 signifie la mise en place d’une équipe de « précurseurs », qui précède le candidat lors des déplacements, mais aussi d’une voiture « ouvreuse » et d’une « suiveuse », ainsi que des actions de déminage. Une garde statique a aussi été positionnée à côté du logement parisien du candidat LR, à Paris, et sa rue bloquée. Lors de son meeting à Montpellier, « les officiers de sécurité voulaient même que François Fillon porte un gilet de protection », rapporte l’entourage du candidat. Des hommes du RAID avaient en outre été prépositionnés.

Marine Le Pen est évaluée « Uclat 3 – consignes de vigilance » et tous les autres candidats, « Uclat 4 », un niveau qui ne prévoit pas de menace mais toutefois la présence d’officiers du SDLP. D’après l’AFP, Philippe Poutou et Nathalie Arthaud ont refusé toute protection.