En 2002 Jonathan était mobilisé contre Le Pen. En 2017, il n’ira pas voter
En 2002 Jonathan était mobilisé contre Le Pen. En 2017, il n’ira pas voter
Manifestant contre la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour, Jonathan, 38 ans, ne vote plus. Il témoigne de l’évolution de ses convictions politiques.
En 2002, la qualification surprise de Jean-Marie Le Pen lors du second tour de l’élection présidentielle avait fait descendre nombre de jeunes dans la rue. Parmi eux, Jonathan, un musicien de 38 ans, qui vit à Avignon (Vaucluse). Il témoigne de l’évolution de ses convictions politiques, quinze ans après.
« Le 21 avril 2002, à 20 heures, j’étais chez moi devant la télé. Je suis tombé des nues, choqué… Je vivais juste à côté de la place de la Bastille, à Paris, et avec quelques amis on était sur la place dès 20 h 30, avec les premiers manifestants. La manif a duré très tard, peut-être jusqu’à 3 heures ou 4 heures du matin, on a marché jusqu’à la Concorde !
C’était une manif très belle, très spontanée, il n’y avait ni parti politique ni syndicat ni drapeau, on était dans un effroi terrible et on avait besoin de se retrouver avec les gens… C’était vraiment très beau. On est restés mobilisés pendant deux semaines, j’ai marché quasiment tous les jours, mais déjà quelque chose s’était délité, tout le monde s’est mis à défiler derrière son drapeau.
Je me souviens, j’avais collé la “une” de Libération avec écrit en gros “NON” à ma fenêtre. J’étais dans une sorte de cliché, mais que je revendique totalement. Le discours ambiant était alors de culpabiliser ceux qui avaient refusé de voter PS, nous dire que c’était de notre faute si [Lionel] Jospin n’était pas au second tour. Moi j’avais voté [Noël] Mamère (Les Verts). Je crois que ça marque pour moi le tout début d’une prise de conscience de la mascarade du “vote utile”. Le FN et la social-démocratie sont en vérité les deux faces d’une même pièce : la fonction du Front national est de faire élire les deux autres partis (PS, LR). Je ne marche plus à l’épouvantail.
Des pansements à la social-démocratie
Penser en termes de “moins pire” n’est plus audible pour moi, comme aujourd’hui aller voter [Emmanuel] Macron pour “faire rempart”. Ce n’est pas possible quand on a une conception du monde de l’ordre de l’humanisme. Je préférerais [Jean-Luc] Mélenchon, mais je n’irai pas non plus lui donner ma voix. Il se positionne lui aussi comme un guide qui pense à la place du peuple. Tout ça, ce ne sont que des pansements à la social-démocratie. Or le capitalisme ne marche plus pour les ouvriers.
Non, voilà quelques années que je ne vote plus. La politique, je la fais autrement – en lisant, en me renseignant, en m’investissant dans mon travail artistique. En proposant aux jeunes avec qui je travaille l’art et la beauté, plutôt que le commerce et la consommation. J’étais très enthousiaste au début de Nuit Debout de voir les gens reprendre le contrôle de leur vie mais j’ai été vite déçu en voyant notamment l’utilisation à outrance des réseaux sociaux. On ne se défait pas d’une aliénation par des moyens aliénés.
Je ne crois pas en la victoire de Marine Le Pen. Ce serait pire que tout, mais ça ne me fait pas peur, on vit déjà dans le totalitarisme, 1984 [livre de George Orwell], on est déjà dedans. Je ne suis pas un illuminé radical, mais quand les fondations d’une maison sont pourries, on peut faire tout le bricolage qu’on veut, à un moment, il faut la détruire.