La rénovation urbaine, trop timide pour enrayer la paupérisation des quartiers sensibles
La rénovation urbaine, trop timide pour enrayer la paupérisation des quartiers sensibles
Par Isabelle Rey-Lefebvre
Un bilan à mi-parcours du Programme national de rénovation urbaine présente une amélioration visible du cadre de vie, mais un échec sur le plan de la mixité sociale.
L’Observatoire national des villes a publié, dans la plus grande discrétion, le 6 avril, un bilan à mi-parcours du Programme national de rénovation urbaine. Lancé avec volontarisme par Jean-Louis Borloo (Union des démocrates et indépendants), alors ministre délégué à la ville du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, ce programme ambitionnait d’ici à 2020 de « casser les ghettos » et d’améliorer la vie de 4 millions d’habitants des quelque 594 quartiers traités. Pour cela, l’Etat a mobilisé 12,3 milliards d’euros, un levier qui permet d’engager 45 milliards d’investissement.
Sur le plan du cadre de vie, l’amélioration est visible avec, entre 2003 et 2013, 80 % des objectifs de requalification urbaine remplis. Ainsi, il était prévu de démolir 1,6 million de logements, soit environ 15 % du parc. Au 31 décembre 2015, c’est fait à 83 % et engagé à 97 %. De même, 142 000 logements devaient être reconstruits. Là encore, les résultats sont au rendez-vous à 76 %, dont la moitié des nouveaux logements situés en dehors du périmètre.
Des immeubles moins hauts, moins grands, ont remplacé les barres et les tours, la moitié des ménages dont l’appartement a été détruit a été relogée hors de leur quartier ; la réhabilitation de 344 664 logements est réalisée à 85 %, sans compter les 356 600 appartements qui, à 80 %, ont été résidentialisés en améliorant les abords des immeubles, en clôturant leurs espaces verts ou en sécurisant leur parking.
11,6 % des logements sont vacants
En revanche, la création d’un parc privé, à hauteur de 80 000 logements, n’est réalisée qu’à 50 %, avec 40 000 appartements livrés début 2013, malgré des moyens financiers importants, une prime de 10 000 euros par logement en accession à la propriété, une TVA à taux réduit, le doublement du prêt à taux zéro pour les acheteurs. Mais le programme qui doit se dérouler jusqu’en 2020 n’est pas achevé, les quartiers sont encore en chantier, ce qui peut rebuter les futurs habitants. Ainsi, 11,6 % des logements sont vacants, un taux loin d’être négligeable.
Sur le plan de la mixité sociale, la rénovation urbaine n’a pas réussi à faire reculer la pauvreté de ces quartiers et à y attirer des ménages plus aisés. La crise de 2008, qui a malmené cette population victime du chômage et de la précarité, a contrecarré les efforts de la puissance publique.
Selon l’étude menée par la chercheuse Nina Guyon, associée au laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques de Sciences Po, la part de logements sociaux de ces quartiers a fléchi, passant de 61,1 % à 57,7 %, et celle des logements privés a faiblement augmenté de 4,3 points, passant de 38,9 % à 42,4 %, une dose homéopathique insuffisante pour modifier réellement le profil des habitants.
Le nombre de familles monoparentales recule de 0,6 point à 16 %. La part des ménages qui appartiennent au quart des plus modestes (premier quartile de revenus) a même, entre 2003 et 2013, légèrement augmenté, passant de 45,6 à 45,9 %. La rénovation urbaine a tout juste freiné la paupérisation de ces zones. Si l’on compare avec les autres quartiers sensibles qui n’ont pas fait l’objet de tels chantiers, la paupérisation s’y est accentuée plus fortement.
Des démolitions de grande ampleur
Réciproquement, les ménages les plus aisés (dernier quartile) ne sont pas au rendez-vous, leur taux passe de 10 % à 9,8 %, un recul de 0,2 point, certes inférieur à ce qu’il a été dans les zones sensibles non rénovées. Maigre satisfaction !
Les résultats sont plus probants dans les 142 quartiers où ont été menées des démolitions de grande ampleur, touchant près de 30 % du parc ; 28 de ces quartiers comptent désormais 15 % de plus de logements privés. La part des ménages des plus pauvres (le quart le plus modeste) chute de 4,6 points, un phénomène remarquable, car ces quartiers concentraient justement les plus grandes difficultés, avec 70 % de logements sociaux. « La diversification de l’habitat, et notamment les démolitions, ont un impact positif sur le peuplement des quartiers », conclut l’étude.
L’attention des pouvoirs publics ne doit pas non plus se focaliser uniquement sur la démolition et la construction mais aussi sur l’attribution des logements sociaux pour ne pas y concentrer les familles les plus en difficulté. C’est l’un des objectifs de la récente loi Egalité et citoyenneté publiée le 27 janvier.